Citations de Philip Roth (1708)
C'était la première fois que je voyais mon père pleurer. C'est un tournant, dans une enfance, le jour où les larmes de quelqu'un d'autre vous paraissent plus insupportables que les vôtres.
Pourvu qu’on ne soit pas en manque, la solitude peut être en soi un plaisir fort.
Ce fut l’été du marathon de la tartuferie : le spectre du terrorisme, qui avait remplacé celui du communisme comme menace majeure pour la sécurité du pays, laissait la place au spectre de la turlute ; un président des États-Unis, quadragénaire plein de verdeur, et une de ses employées, une drôlesse de vingt-un ans folle de lui, batifolant dans le bureau ovale comme deux ados dans un parking, avaient rallumé la plus vieille passion fédératrice de l’Amérique, son plaisir le plus dangereux peut-être, le plus subversif historiquement : le vertige de l’indignation hypocrite.
Sa mère était morte à quatre-vingts ans, son père à quatre-vingt-dix. Il leur dit à haute voix : "J'ai soixante et onze ans. Votre petit garçon a soixante et onze ans. - Tant mieux, répondit sa mère. Tu as vécu." Et puis son père lui dit : "Penche-toi sur ton passé, répare ce que tu peux réparer, et tâche de profiter de ce qui te reste."
« Mais combien de temps l'homme peut-il passer à se rappeler le meilleur de l'enfance ? Et s'il profitait du meilleur de la vieillesse ? A moins que le meilleur de la vieillesse ne soit justement cette nostalgie du meilleur de l'enfance »
. Traduit de l’américain par Josée Kamoun
C'est la peur qui préside à ces Mémoires, une peur perpétuelle. Certes, il n'y a pas d'enfance sans terreurs, mais tout de même : aurais-je été aussi craintif si nous n'avions pas eu Lindbergh pour président, ou si je n'étais pas né dans une famille juive ?
Mais ce qu'il n'avait plus c'était une conscience qui le laissât en repos
L’amour, la seule obsession que tout le monde désire.
Je sais pas lire les mots, mais je sais qui était Shakespeare. Je sais qui était Einstein. Je sais qui a gagné la guerre de Sécession. Je suis pas débile, seulement illettrée
Ne vous battez pas contre vous-mêmes. Il y a suffisamment de cruauté dans le monde.
( " Némésis")
... chacun protégeant l'autre du reste de la terre, chacun représentant pour l'autre le reste de la terre.
Seulement le danger avec la haine,c'est que quand on commence il en monte cent fois plus qu'on en aurait voulu. Je ne connais rien de plus difficile à brider que la haine.
Depuis sa plus tendre enfance, tout ce qu'il avait voulu, c'était être libre : pas noir, pas même blanc, mais indépendant, libre. Il ne voulait insulter personne par ce choix.....
Oui, nous sommes seuls, profondément seuls, jamais au bout de nos strates de solitude. Et nous n'y pouvons rien. Non, la solitude ne devrait pas nous surprendre, pour stupéfiante qu'elle soit à vivre.
Est-ce qu’il m’est arrivé de penser que j’avais perdu mon inspiration ? Certainement. Par période. Sûrement entre deux livres lorsqu’on se dit ‘’je ne pourrai plus écrire un autre’’. La peur ne vous quitte jamais d’un livre à l’autre. Mais, je ne me vois pas arrêter d’écrire. Je vais continuer à le faire. Je n’arrête jamais.
Les pires moments c’est quand je n’écris pas. Je suis un homme malheureux, dépressif, anxieux. Donc j’ai besoin d’écrire. Désespérément. Ecrire vous tient à distance de la dépression.
(Interview "Philip Roth- sans complexes" 2010)
On est immortel, tant qu’on est vivant.
Aussi bien, cette réunion de famille n’avait lieu qu’une fois l’an, pour Thanksgiving, fête neutre, vidée de son contenu religieux, où tout le monde mange la même chose, et personne ne va se cacher pour consommer des mets bizarres, style kugel, gefillte fish, et herbes amères. Deux cent cinquante millions de personnes mangent une dinde unique et colossale, qui nourrit tout le pays. On met entre parenthèses les mets bizarres, les pratiques bizarres et les particularismes religieux, entre parenthèses la nostalgie trimillénaire des Juifs, et chez les chrétiens le Christ, sa croix et sa crucifixion ; chacun, dans le New Jersey et ailleurs, met son irrationalité en veilleuse mieux que tout le reste de l’année. On met entre parenthèses griefs et ressentiments, et pas seulement les Dwyer et les Levov, mais tous ceux qui, en Amérique, soupçonnent leur voisin. C’est la pastorale américaine par excellence ; ça dure vingt-quatre heures.
Il ne put poursuivre, il s'était mis à pleurer, de façon gauche, inexperte, comme pleurent les hommes qui d'habitude se croient de taille à faire face à n'importe quoi.
" Je veux bien admettre qu'il soit plus aisé au ministre de la justice de faire voter une loi qui déclare la littérature illégale que d'empêcher quiconque d'acheter par correspondance un revolver pour quinze dollars; mais il n'en reste pas moins vrai que les armes à feu tuent chaque année plus de personnes dans ce pays que les œuvres satiriques."
Nous sommes dans le flot du temps, nous y coulons jusqu'à la noyade finale.