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Critiques de Philippe Berthier (12)
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Stendhal : Vivre, écrire, aimer

Grand spécialiste De Stendhal, éditeur de ses Oeuvres romanesques complètes dans la bibliothèque de la Pléiade, Philippe Berthier s'attaque à la biographie de l'auteur de la chartreuse de Parme. Une biographie dans les règles de l'art, nous suivons Henri Beyle depuis sa naissance, jusqu'à sa mort. La famille, les amitiés, les amours, la carrière professionnelle....tout est passé en revue de façon chronologique. Nous revivons donc la fin du XVIIIe siècle, la révolution, la mort de Louis XVI, l'épopée napoléonienne à laquelle Stendhal a participé (dans l'intendance), puis la restauration, qui le mettra sur la touche, avant de pouvoir reprendre du service dans les rangs subalternes de la diplomatie sous le règne de Louis-Philippe.



Un auteur dont la vie est l'oeuvre s'entremêlent, écrire et vivre est au final la même chose. La vie ne prend son sens que grâce au remaniement par l'écriture, elle est une oeuvre en soi. Les amours par exemple ont besoin d'être fantasmées et imaginées, plus que vécues au sens trivial, Les écrits ne sont pas coupés de l'existence : tout événement ne prend forme que par la conscience que l'on en prend, qui structure l'individu ; écrire permet la cristallisation, la transformation de sensation brutes en connaissance du monde et de soi. D'où l'importance de connaître la vie De Stendhal pour mieux pénétrer ses oeuvres.



Mais Philippe Berthier, est non seulement un spécialiste, mais aussi un grand amoureux De Stendhal. Cela semble d'ailleurs une caractéristique incontournable pour tous les spécialistes de cet auteur. le beylisme, qui consiste aussi bien à aimer l'oeuvre qu'être fasciné par l'homme qui l'a créée, semble une constante parmi les experts. Stendhal paraît avoir été un outsider, un homme qui observait, dont l'esprit aiguisé et plein d'ironie s'adonnait à des brillants paradoxes. Peu connu de son vivant en tant qu'écrivain, tout au moins du grand public, il pensait devoir être reconnu par la postérité, ce qui en effet arriva. Après avoir voulu être auteur de théâtre, c'est finalement au roman qu'il doit être célèbre aujourd'hui, bien qu'il ait écrit des livres sur l'art, sur les voyages, des novelles, un journal… Fasciné par Don Quichotte, l'Arioste entre autres, l'art de conter, le romanesque, lui semblent naturels. Mais ses romans portent la marque de son temps, ils sont historiques, ils analysent le politique. Toujours avec une sorte de distance, d'ironie, de second degré. le rêve romanesque se brise sur l'écueil du monde prosaïque dans lequel vit le héros.



Philippe Berthier tente dans son biographie de retrouver le ton, l'esprit, et la verve de l'auteur qu'il évoque. Et il y réussit en très grande partie. le livre est vivant, amusant, jubilatoire, comme Henri Beyle devait l'être. Il donne envie de se (re)plonger dans les oeuvres. Peut-être le petit regret serait qu'elles ne sont pas suffisamment analysées, mais cela aurait sans doute allongé le livre de façon trop importante. le lecteur n'a plus qu'à se précipiter sur présentations et notes de la Pléiade, pour en savoir plus. Et pourra peut-être déterminer s'il est davantage rougiste ou chartreux, les passionnés De Stendhal semblant se diviser entre ces deux courants. Philippe Berthier ne cache pas ses préférences : chartreux sans l'ombre d'un doute.
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Le Crocodile de Flaubert : Essai sur l'imag..

Je connais Philippe Berthier surtout comme un spécialiste et un amoureux De Stendhal, je recommande d'ailleurs très chaudement sa biographie de l'auteur de la Chartreuse de Parme  « Stendhal : Vivre, écrire, aimer ». J'ai donc été très curieuse de lire cet essai consacré à Flaubert, écrivain très important pour moi, avec ce titre énigmatique évoquant un crocodile.



Le crocodile a bien existé, Flaubert en a fait l'acquisition lors de son grand voyage d'Orient qu'il a effectué avec Maxime du Camp. Philippe Berthier fait du crocodile embaumé, « souvenir » ramené de Nubie, le symbole de l'écrivain lui-même : « Car le crocodile poussiéreux, dégradé en épave, et qui ne sait plus où il est, évidemment, c'est lui ».



C'est le goût du voyage, de l'exotique, d'un ailleurs fantasmé, d'une fuite vers quelque chose d'autre que le connu, présent chez Flaubert depuis toujours, qu'interroge Philippe Berthier. Flaubert a toujours rêvé d'un ailleurs, très vaste : « En fait, aucun pays ou presque, pourvu qu'il soit solaire et inaccessible, ne reste en dehors de la rumination exotique de Flaubert ».



Mais cet amour reste essentiellement un amour platonique. Les voyages imaginés, ressassés, mais pas forcément effectués, l'idéal du voyage ou voyage idéal plutôt que réalisé, car « Plutôt que de se confronter au désenchantement inhérent à la réalité, mieux vaut la tenir à distance, pour la créer librement aux ordres d'un désir souverain ». D'une certaine manière, imaginer, appréhender par l'esprit et les mots est ce qui est le plus riche, le plus vrai. L'écrivain domine, au détriment du voyageur, de l'homme d'action, de celui qui vit les choses.



Et puis comment éprouver l'ailleurs, comment mettre de côté tout ce qui a été écrit, ressenti, par les autres, ceux qui ont fait le voyage précédemment ? Comment se dégager du kitsch, du lieu commun, du « fantasme d'occasion » ? le voyage devient banal, à la mode, commun. Il a son vocabulaire, ses passages obligés, ses conventions. Il devient difficile à vivre en dehors de routes toutes tracées, de réactions, d'admirations déjà exprimées, recensées. Quelle est la part de l'authentique et celle de l'imitation obligée ou de la comparaison aux illustres voyageurs qui ont précédé ? Quelle est la part du dépaysement dans ces routes déjà parcourues par d'autres, de fait connues, nommées, décrites ? L'imagination seule ne permet-elle pas au fond un voyage plus véritable, plus personnel ?



Et surtout, une fois parti, comme Flaubert l'a fait, ne reste-t-on pas au final à l'endroit que l'on a quitté ? le Croisset n'est-il pas toujours présent à l'autre bout de la terre, incrusté, gravé, dans le cerveau, dans les yeux, d'une manière indélébile ? C'est à Djebel-Aboucir, aux confins de la Nubie, que d'après du Camp Flaubert aurait trouvé le nom de son héroïne emblématique, Emma Bovary. Aussi loin soit-il, ses ruminations, son univers sont toujours là, mieux peut-être que dans son cabinet de travail.



Car au final la grande aventure, le grand voyage flaubertien, c'est l'écriture, la production de la beauté, mal comprise, insaisissable, dérisoire peut-être. Comme un sacerdoce, un sacrifice inévitable. Philippe Berthier compare Flaubert à un chameau « animal méprisé, opiniâtre, dont le regard énigmatique reflète ce que Baudelaire appellera « les limbes insondés de la tristesse » ». Tristesse de s'être assigné une tâche éprouvante, démesurée, entre souffrance et jouissance, les deux liées d'une manière inextricable.



Quel grand plaisir que de lire cet essai, fin intelligent, pensé de bout en bout. Chaque mot, chaque virgule, font sens. Rien d'inutile, de vide, de décoratif. Un mélange de profondeur et de légèreté, celle d'une ironie toujours présente, mais jamais gratuite. Il ne s'agit pas de faire un bon mot pour le seul plaisir (quoique…) mais de dire l'essentiel avec esprit, par une suggestion, une comparaison, une image.



Faire toucher du doigt le complexe, l'ambigu, n'est pas obligatoirement aride ni ennuyeux : ici c'est virevoltant, stimulant, drôle, élégant. du grand art en somme. A recommander à tous les amoureux de Flaubert, ou tout simplement de la littérature.
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Barbey d'Aurevilly Cent Ans Après, 1889-1989

Il s’agit de la publication de contributions d’un colloque autour de l’auteur des Diaboliques, tenu cent après sa mort. J’avoue avoir eu entre les mains ce livre un peu par hasard, cherchant les livres de Philippe Berthier, spécialiste du XIXe siècle, de Stendhal et de Barbey d’Aurevilly entre autres. Mais le catalogue des bibliothèques parisiennes n’est pas très explicite, et je me suis donc retrouvé entre les mains avec les textes de ce colloque, réunis par Philippe Berthier, qui se contente d’une rapide introduction.



Comme dans toutes les publications issues de colloques, c’est très divers, très disparate, et d’intérêt inégal. Et cela reflète en réalité la manière dont on appréhende une œuvre à une époque donnée, avec les présupposés et les cadres d’analyse propres et spécifiques au moment où ils sont faits. Et que l’oeuvre, lorsqu’elle est vraiment importante, les dépasse, en permet d’autres, ne peut être limitée à cela. S’ajoute le recul lorsqu’on lit ces analyses quelques dizaines d'années d’après : les cadres et les approches ayant changé, on en trouve certains datés, et plus très pertinents. Le cadre contraint du colloque, avec une dimension limitée des contributions, n’est pas non plus le plus intéressant pour un non spécialiste, cela donne parfois des choses très pointues, sans perspective plus larges. Globalement, je crois qu’on utiliserait plus l’approche psychanalytique de manière si systématique, et si poussée maintenant, et si je peux me permettre, de manière si abusive.



Certains textes offrent quand même des pistes de lecture surprenants, comme le rapprochement entre Barbey d’Aurevilly et Marguerite Duras : une analyse du vocabulaire, de la façon de dire, offre des similitudes troublantes, et finalement convaincantes. Un autre texte, qui au-delà des époques et des catégories définies de façon trop catégoriques dans les manuels de littérature (classique- romantique) montre qu’à toutes les époques il y avait des baroques et des classiques (la terminologie est de moi, elle n’a rien d’une dénomination universitaire reconnue) est aussi très féconde à mon sens. D’autres textes qui analysent la mise en scène du récit de Barbey, souvent un narrateur qui raconte un récit rapporté par un autre, avec tout les questionnement inhérents à la véridicité, aux filtres, à la transformation, apportent des pistes de lecture. Comme ceux qui tentent d’étudier la langue, le vocabulaire, les procédés stylistiques, qui se révèlent d’une grande complexité.



Pas vraiment indispensable, mais une publication qui montre l’intérêt de l’oeuvre de Barbey d’Aurevilly, qui reste, peut-être à cause de son caractère amoral, un auteur sous-estimé, et au final peu étudiée dans les lycées et même les universités.
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Charlus

Occasion de retrouvailles pour certains ayant lu la Recherche, matière à curiosité pour d'autres, cet essai peut séduire par son portrait réussi d'un « people » hors norme, et comme on n'en fait plus, de la littérature mais aussi par l'analyse interprétative qui est faite du personnage à partir des textes extraits de l'oeuvre, mettant Charlus « en situation », et des correspondances de Proust. Unique et multiple comme toute grande figure de création romanesque le baron est une source d'inspiration d'autant plus inépuisable que le personnage stupéfie par son apparence d'abord, puis par la paradoxale complexité de son caractère, imprévisible et obscur, enfin par l'inépuisable curiosité provoquée par son « inversion » et plus exactement ce que Berthier appelle sa « chimie sexuelle ». Charlus est, dit-il, ce corps tenaillé par l'assouvissement de désirs s'accordant mal avec le prestige lié à son rang. Court essai d'une dizaine de chapitres aux titres assez égayants sur le plus emblématique, sans doute, le plus déviant, le plus saillant, le plus dissonant personnage de la Recherche, issu d'une fratrie « Haute époque », très fin de siècle, comptant aussi le duc de Guermantes son frère aîné, époux de la belle Oriane à la langue acérée, et madame de Marsantes, leur soeur, dont le fils Saint-Loup a déjà fait l'objet d'un précédent livre du même auteur. Un diptyque très ciblé appariant donc l'oncle et le neveu et qui se limitera à ces deux spécimens, promet Philippe Berthier, au lecteur réjoui ou déçu c'est selon, craignant sans doute de le lasser avec ce qui pourrait ressembler tôt ou tard ou plus ou moins à une banale « revue » des personnages de la Recherche si la liste venait à trop s'élargir. Sous la plume de l'auteur, et en référence à la dernière édition de la Pléïade qu'il est utile d'avoir en main à la lecture, revoici donc Palamède de Charlus veuf et "homo" non éploré – on oublie souvent que ce vrai/faux mari a rendu une femme « heureuse » par le passé !



Splendide et décadent baron affublé du petit nom de « Mémé » tellement insolite dans sa galaxie aristocratique (les Guermantes) dont on découvre en préliminaire la généalogie aussi sophistiquée que comique… dandy, esthète raffiné et érudit, brillant névrosé, théâtral(e), « La véritable grande théâtreuse de la Recherche » (p. 49), c'est lui. Allumeur, amant grotesque et pitoyable, moqué chez les Verdurin, adulé chez d'autres, vaquant d'un giletier (Jupien) à un musicien virtuose (Morel), l'oeil en alerte et toujours à l'affût de partenaires potentiels. Mimiques et gestuelles d'une figure de « tante » qui ne sauraient le résumer (celle qui horrifiait André Gide). Personnage composite s'il en fût, pieux à ses heures, sans être torturé car il n'est pas né chez Bernanos encore moins chez Julien Green souligne Berthier avec humour (« Folle en Christ », fait beaucoup rire). Mais un Charlus également « pédagogue » – au sens où, comme dans la Grèce antique, « désirer c'est éduquer » –, faisant des propositions à ce narrateur naïf que dès le départ l'auteur prend le parti d'identifier nommément, mettant celui qu'il appelle « Marcel » face à sa propre créature pour en fouiller l'énigme. « le corps de Charlus est « une Egypte », et Marcel son Champollion aurait dit Deleuze (p. 47). Pierre de Rosette que cet essai, avec un décryptage du tête-à-tête Charlus/Marcel (le narrateur) illustré d'extraits savoureux de la Recherche, assorti d'un vis-à-vis Proust/Montesquiou (censé avoir été l'un des modèles du baron) illustré dans ce cas d'extraits de leurs correspondances. Effets de miroirs garantis. Mais si Proust a mis en scène un personnage, l'âme du baron Charlus semble plutôt vagabonder et gagner en autonomie au fil de l'analyse pour échapper peu à peu à son créateur ou ses modèles. Charlus apparaît bien comme le propre ordonnateur de sa vie. Il y a un territoire Charlus et un langage Charlus, selon Berthier, dont les frontières insaisissables gisent dans les soubassements de « l'écriture en palimpseste de Proust ». L'une des clés Charlus pour notre auteur, qu'on ne révèle pas pour maintenir certain suspens, pourrait résider alors au coeur d'une autre exceptionnelle figure littéraire du XIXe siècle... Tout cela tient bon et est littérairement convaincant. Quelques coquetteries lexicales de style ou autres latineries mises à part, que le climat proustien fait aisément pardonner, ce moment de lecture « charlusien » reste hautement stimulant. Tous les amis de la Recherche devraient y trouver leur compte.

















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Stendhal : Vivre, écrire, aimer

Je me souviens encore du sentiment ressenti à la lecture de La Chartreuse de Parme, en plus du lieu et de la saison. C’était l’été des vacances scolaires, j’avais seize ans et, au gré de mes promenades sur la terre familiale, je buvais goulûment les mots de Stendhal, sans toutefois bien saisir toute la portée de ce magnifique et gigantesque roman; c’était ma première incursion dans la littérature dite classique. J’ai ensuite admiré Gérard Philipe dans le film Le Rouge et le Noir, toujours aussi éblouie par l’histoire et le style stendhalien. Et par un concours de circonstances, j’ai pris note récemment d’un ouvrage écrit par Philippe Berthier intitulé Amitiés d’écrivains, ce qui m’a amenée à cette biographie monumentale de Henri Beyle, alias Stendhal, Vivre, écrire, aimer. Un mantra qui sied à merveille à l’homme qui écrivait avant tout dans le plaisir.

Philippe Berthier, en spécialiste avéré de Stendhal, s’amuse sans conteste à retracer le parcours d’un enfant unique séparé trop tôt de sa mère et qui abhorrait son géniteur, soumis aux infortunes d’une condition modeste, et qui sera chargé, un temps, de l’intendance de l’armée napoléonienne sous l’Empire. Des postes administratifs dans l’appareil d’État lui seront ensuite offerts sans vraiment qu’il n’y attache l’importance que ses bienfaiteurs auraient voulu. Sa grande affaire, cependant, c’était l’écriture, en tout bien tout honneur.

Cette biographie nécessite une adaptation car qui n’est pas féru de l’œuvre stendhalienne doit s’accrocher ferme. Philippe Berthier pose ses mots choisis comme l’aurait fait son sujet, avec panache et humour. Érudit, approfondi jusque dans les moindres détails, l’ouvrage en impose. J’ai bafouillé sur les premières pages, mais j’ai tenu le coup et pris le rythme imposé avec la satisfaction d’avoir embrassé pendant quelques jours la vie d’un écrivain de son temps, « (…) éternel paradoxiste flippant, aimable causeur italomaniaque et caustique mauvais esprit (…) »

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Saint-Loup

Philippe Berthier est proustophile mais dit-il pas proustolâtre ni proustologue , du coup je me suis reconnue en lui.

Comme moi il fut agacé par le Dictionnaire de Proust commis par les Enthoven père et fils, pour lui le plus grand défaut de ce dictionnaire c’est l’absence d’une entrée « Saint-Loup » son préféré

« Honte à vous, qui avez marginalisé Robert de Saint-Loup ! On voit bien que personne, pour vous éviter de prendre froid, ne vous a jamais apporté une fourrure en dansant »



Et nous voilà parti pour la biographie d’un héros de roman. Avouez que ce n’est pas banal.

Philippe Berthier c’est l’intelligence et la parfaite connaissance de l’oeuvre au service d’un esprit parfois caustique, quelque fois bougon mais toujours rutilant, pétillant, élégant.

Il va vous aider à retrouver la trace de Robert de Saint-Loup, sa première rencontre avec le narrateur qui bien sûr comme chacun le sait n’est pas Marcel Proust !

L’ivresse de la rencontre, de l’amitié, les pas de deux, les rapprochements, l’amitié parfois mise à mal, les amours des uns et des autres.

Mais on découvre aussi les prémices de Saint-Loup quand il ne portait pas encore ce nom là dans Jean Santeuil, et pourtant c’était déjà lui l’aristocrate, le militaire, le cavalier fier, l’amoureux de Rachel.

L’ami qui va lui ouvrir les portes de la maison de Guermantes, l’ami le plus cher mais qui finit par s’éloigner.



Philippe Berthier je l’avais déjà rencontré auprès de Stendhal et j’ai eu grand plaisir à le retrouver ici. Un livre léger comme une bulle de champagne mais riche en couleurs, plein de détails oubliés et que l’on va immédiatement vérifier en feuilletant l’oeuvre, comme cette discussion du narrateur avec Saint-Loup à propos de Stendhal et là pas étonnant que Philippe Berthier apprécie particulièrement ce passage.

Un livre sur un homme que Marcel nous présente comme beau, intelligent, courageux, chevaleresque, qu’il compare au Duc de Nemours, Philippe Berthier approuve et nous fait partager son amitié pour Robert de Saint-Loup.



J’ai aimé ce livre, j’ai souri, j’ai relu maints passages de La Recherche, les citations sont parfaitement choisies pour nous éclairer, j’ai découvert des détails qui m’avaient totalement échappé, bref ce fut un bon moment de lecture.

Ce livre va aller rejoindre Céleste Albaret et Pietro Citati dans ma bibliothèque Proustienne


Lien : http://asautsetagambades.hau..
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Le Crocodile de Flaubert : Essai sur l'imag..

Tout d’abord je remercie Babelio, et les Éditions Honoré Champion pour l’envoi de cet essai à commenter.



Cet essai se divise en seize petits chapitres avec un thème particulier, que développe Philippe Berthier - spécialiste De Stendhal - qui dans cet nouvel essai commente Flaubert. Rappelons que beaucoup d'ouvrages sont récemment parus pour célébrer en 2021-2022 le bicentenaire de la naissance de Flaubert. En l'occurrence cet essai se veut original par son titre qui est un clin d'oeil au crocodile embaumé comme au perroquet empaillé de Flaubert.



Ici ou là-bas ? doit bien se demander Flaubert. S'il reste dans son Croisset, le jeune homme déjà se sentira dans un univers fermé. le grand rêve qui l'anime ne se réalisera jamais. Il lui faut donc partir à l'aventure. La Corse, il la connaît. Cela ne lui est pas suffisant. Il lui faut le grand voyage. « Flaubert ne rêve que du tapis volant des mille et une nuits qui l'emmènerait vers ce là-bas, tantalisant dont il le sait pourtant mieux que quiconque, et avant même tout expérience concrète, qu'il ne fera que le rejeter aux séduction ankylosantes de l'ici. »



Quand même ? partir, revenir que faire ? Flaubert est un nomade permanent, déchiré entre quitter sa mère et son nid douillet et découvrir d'autres lieux et visages. Et si « Croisset est la caverne du lion », où tout est classé et archivé, solide et contenu, sécure et figé, le Caire et l'Egypte sont le repaire du crocodile, dont il faut se méfier (même embaumé ?) du chameau-balancoire et des Pyramides exposées aux tempêtes du désert… Quand même, cela vaut sans doute le voyage ? Et si partir c'est mourir un peu, revenir c'est revivre. Quoique…



Oscillation pendulaire d'un coeur vaillant et pur qui ne tient pas en place, ni ici ni là, qui s'imagine posséder une femme qu'il croise au hasard d'une rue et quelques secondes plus tard se rend compte « qu'il déraille », car ainsi le dit P. Berthier : «Tout passage à l'acte est une défaite ». « S'il se monte le bourrichon » à propos de tout et de rien, il a conscience de ses erreurs, une fois revenu sur terre. Mais la nostalgie demeure, le désir inassouvi reste enfoui dans le cortex tourmenté. le sexus, chez lui, á cette époque où il en fait sa nourriture quasi quotidienne, dans cet Orient, se change presque aussitôt en désir de solitude, pire encore, en « petite mort », car « la déception est cent fois plus poétique par elle-même. ». Ainsi écrit P. Berthier « « C'est pourquoi il éloigne la consommation sexuelle non certes par puritanisme, mais parce qu'elle ne lui apporte plus rien, puisque le désir et son état permanent, il n'en a plus ». Ainsi, à Keneh Flaubert explique pourquoi il ne veut plus faire l'amour avec trois femmes : « exprès par parti pris, afin de garder la mélancolie de ce tableau et faire qu'il reste plus profondément en moi ».



Á la sage maxime grecque meden agan « rien de trop », qui prône la modération et répudie toute démesure, Philippe Berthier oppose l'amusant « trop n'est jamais assez » chez notre Flaubert, en rappelant son admiration pour Satan et Néron, son goût pour la peinture et le récit des batailles sanglantes, puisqu'il « il faut ahurir le lecteur » par un lexique tonitruant et rare, « coruscant et abstrus » ! Et cependant la grande pyramide qu'il gravit semble avoir déjà été dans son esprit. « Tout ça pour ça, », à quoi bon partir et voir, puisque tout était déjà gravé dans sa tête et dans ses émotions ?



Car l'ancien monde est déjà corrompu par le progrès, la décoration, les peintures, qui l'ont envahi peu à peu. Alors pourquoi partir au loin pour retrouver une copie de son pays d'origine ? Et tant qu'à faire, tirer « un gros pet » permet de désacraliser les lieux les plus saints comme à Jérusalem. Je pète, donc je suis. Quoi de plus naturel : être un homme et se décharger de sa besace dans la demeure de l'Eternel ?



Hésitation du pendule toujours entre se reposer, rêver, se laisser couler sur le Nil, ou sur son cheval comme à Constantinople faire dans la neige « une grande galopade mémorable » !

Comme l'écrit Philippe Berthier, « c'est l'anti Croisset maximal » - ce dont Flaubet se réjouit c'est le fait de n'être pas à Paris, avec l'agitation des petits bourgeois, se groupant autour des théâtres, satisfaits de peu. Il est rare de trouver un peu d'équilibre chez Flaubert. D'ailleurs c'est toujours la même bêtise qu'il constate chez ses semblables : « le ver est déjà dans le fruit » avec tous ces Européens, ces français qui dénaturent les colonnes d'Alexandrie en y traçant leur nom : pour se débarrasser de cette débâcle, par réaction antinomique, il proteste : il se vêt de vêtements et d'accessoires locaux pour ressembler à un égyptien.



Á l'heure du départ Flaubert sait qu'il va regretter ces paysages et surtout la douleur de ne plus les avoir va le hanter et l'inspirer une fois disparus, alors que sur place il s'ennuie parfois et semble déjà avoir tout connu et imaginé auparavant.



Flaubert n'est jamais à sa place dans sa tête, comme l'écrit Philippe Berthier « en tirant des plans sur la comète », en se fixant des pays à découvrir, leur distance, ou estimant un nombre d'années pour écrire sa Madame Bovary, qui l'épuise - il s'en plaint, il souffre à en mourir. Mais il le faut, c'est á ce prix que s'incarnera la Beauté. C'est bien le fameux bourreau de lui-même, de Tėrence, qui s'incarne en Flaubert. Névrose ou idiosyncrasie qui l'entraînera, ici et là hésitant, oscillant, balançant, mais parfois fixe : et c'est l'oeuvre accomplie.



J'ai pris un très grand plaisir à lire ce fascinant essai de Philippe Berthier qui a bien compris l'âme de Flaubert, « fixant des vertiges » comme Rimbaud, qui nous l'a fait renaître de nouveau, plus attachant encore, encore plus vivant. Je suis certaine que les amoureux de Flaubert adoreront ce nouveau témoignage, original et très humoristique aussi.





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Avec Stendhal

Une vingtaine de brefs portraits de Stendhal, comme des croquis : nous le croisons à l’opéra, en voyage, à la guerre, à table, avec Dieu, avec l’argent etc. Propos inspiré, écriture fluide, sans tomber dans la pamoison. Et, dans un geste transgressif parfaitement assumé, l’auteur, professeur à la Sorbonne, glisse une réflexion sur soi, en contrepoint, allégée par une douce auto-ironie.



« Stendhal sort des pages et devient une présence qui nous accompagne dans toutes les circonstances de notre trajectoire biographique, tel un témoin amical que nous consultons dans les petites choses comme dans les grandes : qu’aurait-il fait, ici, maintenant, à ma place ? » Avec Stendhal, « impossible de séparer l’homme de l’œuvre. » p17-18



Des extraits sur son écriture : « Ce qu’il abomine, c’est ce qu’il appelle « le métier d’auteur ». Il aurait honte de l’exercer parce qu’il le juge avilissant, ou plutôt avili par les trafics d’influences et le charlatanisme généralisé. »

« Ce que j’ai toujours trouvé de plus précieux dans l’exemple stendhalien, c’est son détachement si rafraîchissant à l’égard de sa production littéraire ».p114-115



A la fin de l’ouvrage je découvre cette étonnante pique que l’auteur destine à son confrère : « Le plus grand Stendhalien actuel, Michel Crouzet, d’une science admirable et intarissable, est aussi à mes yeux le plus anti-Stendhalien qui soit, empilant pavé sur pavé pour édifier une monstrueuse barricade critique derrière laquelle HB devient invisible et illisible. »P171

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Le Crocodile de Flaubert : Essai sur l'imag..

Contrairement à l'âne de Buridan qui meurt de faim entre deux bottes de foin - sans doute par manque d'imagination - la créativité de Flaubert quant à elle, est littéralement nourrie par ce que Philippe Berthier nomme l'imagination pendulaire : tel est du moins le coeur de cet essai.



On ne désire que ce que l'on ne possède pas : c'est ainsi que la satisfaction s'oppose au désir comme la réplétion s'oppose à la faim. L'imagination pendulaire serait cette forme d'imagination fantasque qui balance entre deux objets. Dégoutée de l'un, elle rêve de l'autre. En présence de l'autre, elle a la nostalgie du premier. Et ainsi de suite, l'imagination produit des effets moirés entre réalité rêvée et rêve réalisé.

Gustave Flaubert avait proclamé sans sourciller que Madame Bovary, c'était lui. Il avait sué sang et encre pour coucher sur les pages d'un gros roman les turpitudes sentimentales d'une éternelle insatisfaite. Ensuite il entreprend les minutes détaillées des errances et émois dérisoires de Frédéric Moreau. Puis, mobilisant les premiers résultats d'une archéologie d'ambition scientifique pour recréer Carthage en littérature, Flaubert produit avec salammbô une vaste fantasmagorie qui est à l'opposé des effets de réel qui faisaient sa marque d'écrivain.

Flaubert n'était pas la dupe de ses imaginations. Comme son Antoine pour rester saint, il savait conjurer les tentations pour rester écrivain. Son tempérament contemplatif et sa disposition presque maladive à l' (auto) ironie lui permettaient de repousser tout à la fois froidement réaliste, les vanités mondaines et quasi mystiquement, les embrasements d'un imaginaire érotique nourrit d'Orientalisme.

Quand à vingt ans "il voyagea", son imagination désorientée lui fit rêver sa Normandie : c'est au bord du Nil qu'il trouva le nom de Bovary.

À Croisset, les pieds dans la boue normande, il contemple la Seine et ses péniches bordées de trivialités marchandes pour y voir, en surimpression, le Nil et ses felouques embarquant des princesses enlevées par de méchants vizirs.



En exergue de cet essai, Philippe Berthet a pris soin d’apposer cette définition de l’adjectif “pendulaire”, tirée d’un dictionnaire : “Qui oscille comme le pendule”. Convenez qu'il pouvait épargner à son lecteur une définition aussi triviale, même auréolée du prestige académique du grand Littré. D’autant qu’il ne se prive pas de lui infliger un vocabulaire impossible : ainsi page 141, de “la vésanie de deux allumés” (il s’agit de Bouvard et Pécuchet).



Avec le vocabulaire riche en mots rares et précieux d'un universitaire érudit, avec ce bélier incrusté d'ors et de gemmes, Philippe Berthier n'enfonce t-il pas les grandes portes historiées et largement ouvertes de l'œuvre de Flaubert dont il connaît comme sa poche les moindres recoins? Avec le même travers que son sujet écrivant Salammbô, le professeur émérite ne charge-t-il pas d'ornements trop savants la réalité triviale des arrières cuisine de l'art et de la littérature?

Que cette dernière remarque ne dissuade pas les amateurs de se laisser introduire dans l’univers flaubertien avec Philippe Berthier pour guide : on a toujours plaisir à visiter un monument avec un connaisseur.
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Stendhal : Vivre, écrire, aimer

Vivre, écrire, aimer : le titre même de cette biographie virevoltante dit l’essentiel de son sujet. La vie d’un homme pour qui la vie passe avant la littérature et ne peut se concevoir sans une quête permanente de l’amour.

Je ne savais quasiment rien de la vie d’Henri Beyle, quelques clichés tout au plus. Cette lecture fut donc une totale découverte et grâce à la virtuosité de Philippe Berthier ce fut un grand plaisir. C’est enlevé, vivant, bouillonnant, parsemé de citations, de jeux de mots, de comparaisons audacieuses. Bref on ne s’ennuie pas un instant.



Amant malheureux et parfois éconduit, passionné de théâtre, complètement dingue d’opéra, un amoureux de l’Italie et de ses peintres, un écrivain magnifique mais qui ne connu pas le vrai succès de son vivant, journaliste pour faire bouillir la marmite, perpétuellement à court d’argent. Voilà le portrait brossé à grands traits d’Henri Beyle dit Stendhal.

Mais approchons nous plus près grâce à la lorgnette de Philippe Berthier

Je vous fais grâce des détails pour retenir les traits caractéristiques.

Henri Beyle fut un lecteur acharné.

Chez lui l’amour des femmes et l’amour des livres se mêlent « Lire c’est jouir. Et écrire donc ! »

Il écrivit pendant des années des chroniques pour les journaux anglais « N’ayant personne à ménager pour des lecteurs d’outre-Manche, Stendhal à la bride sur le cou et s’ébroue en toute liberté » il y parle de tout, de politique, d’actualité littéraire, de théâtre.

Il n’aimait pas tout le monde, dans une notice biographique il dit de lui « Il n’aima aucun de ses parents » on peut dire même qu’il détesta son père alors que celui-ci lui permit de passer des années à faire ce que bon lui semblait.

Les moments les plus précieux de son existence ne seront pas la publication des ses romans mais ses séjours italiens qui parfois tournent à la farce tant il est habile à se mettre les gens à dos.

A t-il comme on le prétend occupé des postes de façon bien légère ? Souvent malade c’est le roi de la demande de congés exceptionnels, jugez en « Les uns prétendent que Stendhal a été un fonctionnaire dilettante, négligent, scandaleusement même, si l’on songe qu’en additionnant ses éclipses, on arrive parfois au total en effet effarant de sept mois en un an »



Mais la littérature dans tout ça ? Philippe Berthier nous dit « Stendhal n’a jamais sacralisé la littérature au point de lui sacrifier les autres plaisirs de la vie » J’ai découvert que Henri Beyle n’était pas du tout gêné de plagier allégrement , il a une façon bien à lui d’écrire « je compose 20 ou 30 pages puis j’ai besoin de me distraire, d’un peu d’amour quand je puis ou un peu d’orgie »

Il écrit la Chartreuse de Parme en quelques 60 jours !!!

Cet homme qui courut après l’amour d’une femme toute sa vie n’était pas beau et le savait « il a été capable d’en parlé avec simplicité » cela ne l’empêchait pas de poursuivre les soubrettes avec acharnement tant son amour de la vie était grand.

Loin des pensums d’analyse d’oeuvres littéraires ou des biographies poussives, ce livre est tonique et drôle, d’une érudition folle, bref un livre passionnant. Une critique et après on en parle plus : je trouve un peu méprisant pour le lecteur que l’auteur ne juge pas nécessaire de traduire les citations en italien, allemand ou latin. Travers d’universitaire peut être ?

Le tempo de la biographie est celui de la vie de Stendhal, toujours courant après l’amour, le plaisir et parfois les honneurs qui toujours lui échappent




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Petit cathéchisme stendalhien

Après une magistrale biographie, […] Philippe Berthier se penche aujourd’hui sur la religion d’Henri Beyle, « le rêveur définitif », le chantre de l’autonomie maximale.
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Stendhal : Littérature, politique et religion..

Quinze études sur Stendhal enlaçant littérature, politique et religion, et cherchant à rendre compte de son écriture insurrectionnelle.


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