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Citation de ssstella


Banes froissa le quotidien. Comme il s'apprêtait à le jeter dans le caniveau, Gerald le retint :
"Faites pas ça ! Faut pas gaspiller ! C'est précieux, le papier journal tout propre ! "
Déchirant soigneusement les feuilles, le petit homme au nez en trompette montra au professeur comment placer des pages à même la peau sous son pull pour couper le vent et le froid. "C'est une des trois seules vraies utilités des canards, ajouta Gerald. Faire isolation sous les fringues..."
Constatant immédiatement l'efficacité de cette pratique, Banes eut assez de curiosité pour s'enquérir des deux autres fonctions.
"Ben, servir d'allume-feu et emballer le poisson, pardi !
- Vous oubliez informer, quand même, non ?
Gerald pouffa. "Vous croyez à ça, vous ? C'est vraiment un truc "d'abonné" de croire que la presse est là pour instruire le peuple ! Moi, je vais vous dire : elle est là pour le faire tenir tranquille, et c'est tout ! Brouiller définitivement le peu d'esprit des couillons avec des trucs sans importance, genre sport et potins, et faire croire aux légèrement moins couillons qu'ils font partie de l'élite sous prétexte qu'on les entretient un peu des grandes affaires du monde. Mais c'est rien que du vent, tout ça. Les journaux appartiennent à des banques ou à des consortiums industriels. Vous croyez vraiment que les conseils d'administration vont laisser les reporters travailler au risque de nuire aux intérêts des actionnaires ? De la blague, oui ! D'ailleurs, j'ai toujours dit qu'il suffisait de prendre le mot "information" dans sa forme brute pour comprendre ce que ça voulait vraiment dire.
- Je ne comprends pas...
- "Informer", littéralement, c'est rendre informe, non ? Eh bien c'est justement ce que font les journalistes, d'après moi. Ils sont payés pour rendre "informe" ce qui justement devrait avoir une "forme". Vous me suivez ?"
Banes acquiesça vaguement, sans être convaincu le moins du monde par cette démonstration hasardeuse. Sur sa lancée, Gerald continua :
"Dans le même registre, vous savez pourquoi le gouvernement laisse tant de pauvres dans la rue, m'sieur ?
- Parce qu'il n'y a pas assez d'argent pour les accueillir dans des centres sociaux. C'est la crise..."
Gerald éclata de rire. "La crise, c'est aussi un mensonge des journaux, m'sieur ! J'y croirai quand les traders et les banquiers de Wall Streeet se jetteront du haut de leurs tours ! Non, vous avez tout faux. L'argent, le gouvernement en a bien assez pour ses prote-avions, ses missiles de croisière, ses satellites et tout le tremblement ! Alors, vous savez pas, hein ?
- Non.
- Ben moi, je vais vous le dire, la vraie raison ! Le gouvernement, démocrate ou républicain, notez bien, de toute façon c'est pareil... le gouvernement laisse des millions de gens crever dehors pour faire peur au reste de la population ! c'est du contrôle social, que ça s'appelle !
- Vous voulez dire que c'est une manière d'effrayer ceux qui ne sont pas encore tombés dans la pauvreté ?
- Tout juste ! On laisse les miséreux déambuler dans les villes parce que c'est comme un message lancé par les autorités. Ça veut dire : "Regardez un peu ce qui vous attend si vous ne filez pas droit ! Il y a des millions de braves gens qui dorment dehors, un de plus un de moins, ça ne fera pas de différence. On n'aura aucune pitié pour vous si vous sortez des clous ! Payez vos impôts, travaillez, consommez, baissez la tête, soyez contents et surtout pensez pas !" Voilà pourquoi ils font pas grand-chose pour remédier à la misère, les types aux commandes. Vous captez ?
- Oui, oui... convint Raphaël pour la forme.
- À la fois victimes et épouvantails du capitalisme ! poursuivit le vagabond. C'est comme ça qu'on est, nous autres. Comme des pendus pour l'exemple accrochés à leur gibet en plein milieu de la place du village, voyez ? C'est le même principe ! J'ai saisi ça parce qu'on réfléchit mieux quand on est dans le besoin que quand on a tout ce qu'il faut, conclut Gerald. On voit les choses que le commun voit pas et on comprend des trucs que les "abonnés" veulent surtout pas comprendre..."
Malgré leur caractère loufoque et assurément paranoïaque, les remarques du vagabond ne semblaient pas si stupides.
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