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Les coins coupés de Philippe Garnier
[...] tout le mal venait de ces fichus albums. Pas tant les premiers, qui n'étaient au pire qu'une bénigne arnaque, contenant deux succès et huit plages de remplissage, mais les "concept albums" des années 60 et 70. Sgt Pepper, Tommy, Quadrophenia, tous ces marchepieds à escalade et prétention. De là datait aussi le mauvais goût.[...] Stretch pensait que Roger Daltrey photographié en centaure (sur la pochette d'un album solo) était l'image même de ce que le rock avait fini par devenir. Il s'était depuis longtemps lassé de débusquer cette tendance de la musique à s'alourdir de références, ou à singer la musique "sérieuse". Les Moody Blues. Emerson, Lake and Palmer. Procol Harum. King Crimson. Cette tentation se reproduisait pratiquement à chaque vague nouvelle. Costello and Strings. Pretenders. Portishead, même. Les pires fautifs restant toujours les Who, quand on considérait d'où ils étaient partis. Les Who qui avaient fabriqué peut-être les disques de rock les plus violents et les plus purs. Les Who qui possédaient un mauvais goût inné et authentique, un réel mauvais esprit percutant, et qui l'avaient dévoyé de manière si éhontément bourgeoise. De "Can't Explain" et "I Can See For Miles" à "See Me, Feel Me", de la pure révolte Droog au vaudeville londonnien. "Baba O'Riley" et les synthés dégoulinants. Toute cette confection sonore de plus en plus infecte. Le plus triste étant peut-être The Who By Numbers, le soi-disant retour aux sources, album si "anti-concept" que cela en devenait un concept. Le synthé était banni, mais le coeur n'y était plus. Townshend avait, plus qu'aucun autre rocker peut-être (à part Neil Young), ruminé sur le vieillissement, sur l'impossibilité de rester pareil. De durer.
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