La rue est barrée. Un arbre est couché en travers et bouche le passage. Il fait beau, pas d'orage, mais l'arbre vient de tomber, écrasant au passage une voiture grise dont les occupants ont pu s'extraire à peu près indemnes, quoiqu'avec peine. La carrosserie est totalement défoncée, les vitres éclatées, les pompiers s'activent autour pour réconforter les victimes, écarter les badauds trop curieux, d'autres équipes surgissent pour débiter l'arbre en tronçons afin de l'évacuer au plus vite - et tout autour le ballet des smartphones de touristes ou de Parisiens en vadrouille immortalisant l'événement, le partageant sur de multiples réseaux plus ou moins sociaux, espérant bien cette fois-ci récolter un maximum de likes, de retweets, de manifestations d'intérêt venues d'autres individus épatés que leurs « amis » puissent avoir été témoins d'un événement si extraordinaire, comme s'ils avaient réalisé quelque chose de difficile, une apnée de six minutes, l'ascension d'un piton particulièrement redoutable, un poème sans voyelles.