Citations de Philippe Labro (843)
Tout fait peine. La voix et le regard sont éteints? Mais c'est tout votre corps qui l'est, éteint ! (pge 40)
Lassitude, épuisement, tout est lourd, difficile, insupportable. Seul projet, seul objectif : chercher le sommeil et s'y réfugier. Ah ! pouvoir dormir, pouvoir prolonger l'oubli de moi, mon corps, mes jours de la vie. Et espérer que le sommeil m'aidera et me réparera, que j'en ressortirai meilleur, plus en forme.
Vite, vite : du sommeil, comme on réclame de l'eau, du pain, comme un clochard quémande de l'argent !
Leurs visages et leurs expressions m'échappent, m'indifferent. Rien ne m'interesse que la douleur qui est en train de m'isoler et dresser un mur de verre entre les autres et moi.
Mais faire semblant tout de même ! Par je ne sais quel réflexe d'orgueil, la peur de ne pas être à la hautuer de ce que je crois qu'on attend de moi, je vais m'accrocher à mon travail, au bureau, aux horaires et aux réunions. Je vais faire semblant d'être "opérationnel". Peut-être ai-je commis une erreur. J'aurais peut-être du tout lâcher et dire : "Voilà, je suis malade, je prends un congé, débrouilliez-vous sans moi, je vais me faire soigner". Mais d'abord, je n'avais pas encore admis et accepté que j'étais malade. Je n'arrivais d'ailleurs pas à définir la maladie. Il faut sauver la face, sauver le job aussi, peut-être ?
Il paraît que c'est un signe de folie, il paraît que c'est une preuve de sagesse - Nous nous parlons tous à nous même et ce dialogue entre le moi que nous sommes et celui que nous voudrions être permet de mieux mesurer l'étendue de notre solitude et mieux écarter les tentations de nos mensonges.
Il y a un moment dans la vie où une sorte de beauté peut naître de la multiplicité des discordances qui nous assaillent.
Je me suis demandé pourquoi cet air m’était venu à l’esprit – pourquoi donc l’avais-je sifflé d’un seul coup comme ça ? Parce qu’un passant anonyme qui s’avançait vers moi en était, lui-même, habité et hanté ? S’agissait-il d’un phénomène d’ondes ? Il parait que ces choses-là arrivent. P 43
"Si nous pouvions, ne serait-ce qu'une fois par jour, regarder clairement la douleur des autres, la petitesse de nos propres affaires prendrait la forme d'un tas de brindilles posé sur un banc de pierres grises dans un jardin d'automne."
« Si l’on veut comparer une vie à un mille - feuille , dont chaque tranche s’accole à l’autre la couche la plus importante reste la première , les premières ——-et elles demeurent ———quel que soit le changement du mille - feuille. La scène de la honte et de l’humiliation appartient aux feuilles premières . J’en suis venu à me demander si la honte éprouvée pendant et après cette épreuve n’expliquait pas tous les silences de ma mère devant nous. L'orgueil , ou plutôt la fierté l’ont poussée à tout taire. Elle avait honte de révéler son histoire à ses enfants. Et honte d’avoir eu honte. Il est des moments qui ne durent pas plus d’un moment et qui durent le reste d’une vie. »
"Tu apprendras d'elle." Quel est l'héritage d'une dépression ? Qu'ai-je reçu que je n'avais pas ou que j'avais oublié ?
Un peu plus de modestie, une forte dose du sens de la relativité des choses, la conscience que ta douleur ne pèse d'aucun poids par rapport à celle de tant d'autres. Le simple recul d'un demi-millimètre sur toi-même, et tu mesures à quel point tes plaintes et souffrances n'étaient que pleurnicheries, eu égard à la misère absolue des condamnés de cette terre.
Lorsque j’étais au plus mal du plus mal, je ne voyais plus les gens. Je regardais encore ma femme et mon fils… je les voyais encore tous les deux puisque je cherchais dans leurs yeux un réconfort, une réassurance dont, de toute manière, je ne parvenais pas à profiter. Pour le reste, je ne voyais plus personne. Le déprimé ne voit rien et ne retient rien d’autre que l’image de sa détresse, l’autoportrait de son autodestruction. P 139
Mais si tu ne me reconnais pas, je te massacre, je t'explose, je t'exécute, je t'inquisitionne, je te terrorise, je t'onzeseptembrise, je te guantanamise, je te benladise, je boirai le sang qui giclera des veines éclatées de ta tête que j'aurai tranquillement tranchée, je te hututerai et tu tutsimourras. Je t'irakerai. Je te djihaderai. Je te poutinerai. Je te pentagonerai. Faut pas croire, je suis capable de tout, si tu refuses de me reconnaître.
J'avais appris très tôt, grâce à quelques mentors, l'exercice de l'entretien. Il faut respecter les silences, quitte à les prolonger, car celui que vous interrogez finira par les rompre et ira plus loin, plus profond. Il faut creuser la question par rapport à la réponse donnée et ne jamais perdre le fil et s'égarer en posant une question différente, simplement parce que vous l'aviez programmée auparavant. C'est un défaut des interviewers qui ont enregistré leur liste de questions dans un coin de leur tête.
Ce ne sont pas les lieux qui comptent, c'est l'amour qu'on y transporte.
Le déprimé est fondamentalement un égoïste, autocentré, il ne s'intéresse qu'à sa maladie, il est incapable de se mettre à la place des autres. Il ne connait plus l'affection. Il est même d'une certaine façon amoureux de sa propre dépression.
Les hommes sont plus prudents en matière d'adultère. Ils tergiversent, dissimulent, reculent et louvoient, temporisent. Une femme, quand elle quitte un homme pour un autre, est susceptible de rompre avec la rapidité et la dextérité du chirurgien maniant le scalpel. C'est précis, net, sans retour, tant pis pour les éclaboussures de sang qui ont tâché le champ opératoire.
Dans la réalité, allons un peu de lucidité, d'humour et de réalisme : quels balbutiements, quels tâtonnements, quelles insatisfactions et quels efforts pour se remettre debout ! Mais alors, aussi, quelle vigueur cela vous a réinjectée à chaque fois, quelle dynamique et comme il est enrichissant et instructif d'analyser les raisons d'une chute et de comprendre comment et pourquoi le mouvement a repris le dessus, le moteur s' est fait à nouveau entendre. Il existe une indescriptible allégresse interieure à ressentir que votre volonté l'a emporté sur votre démon et que l'estime de soi est revenue, que vous en savez un peu plus sur vous même. Et que ce nouveau savoir constitue une force. Puisque, au-delà de l'estime de soi, vient poindre, comme une lumière pour définitivement tuer la nuit, la maitrise de soi.
"[...] la vérité et le passé d'un homme sont plus visibles dans se yeux que sur ses lèvres. Les lèvres peuvent mentir, pas le regard."
(Nouvelle "Le regard de Toma")
Un ami, pour moi, à partir d'une certaine durée d'amitié, à partir de certaines épreuves communes, devient un frère.
Les gens, il faut les regarder, il faut tenter, non pas forcément de les aimer, mais de les connaître et les comprendre.