Philippe Lobjois, reporter de guerre, publie avec Michel Olivier, ancien officier des forces spéciales, un livre intitulé "Ne pas subir: Petit manuel de résistance en temps de guerre terroriste". Le but ? Savoir quoi faire, très concrètement, en cas d'attaque terroriste. Boulevard Voltaire
La cathédrale maronite de la ville a été touchée et détruite. Il paraît que tout le plafond est tombé. Ici, même Dieu n'a plus de maison.
Vous étiez où hier, lorsque toutes ces familles ont dû quitter leur appartement ? Où était l'ONU ? Ici nous avons 150 familles à nourrir. Vous vous en fichez bien !
Il vous faudra choisir une pierre qui a du sens pour vous et, cette pierre, qui vient de la destruction, nous l'utiliserons pour la construction de notre crêche. Ces pierres sont les témoignages de ce qui s'est passé ici. Elles doivent servir à reconstruire la ville. Ces pierres de la guerre doivent devenir des pierres de la paix.
Le retour de l'école sent le thé au gingembre du café Ammouri ; le samedi sent le pain rond et chaud du boulanger du coin de la rue ; le dimanche a l'odeur des cierges de l'église Saint-Georges ; les balades dans le vieux souk, celle du savon à l'huile d'olive et des épices.
Mes anniversaires ont le goût du miel ; l'été a le goût des dattes ; le printemps, celui de l'abricot de Damas ; et l'hiver, celui du thé à la cannelle de ma grand-mère.
Jusqu'aux évènements, j'ai grandi dans ce paradis de couleurs, d'odeurs, de saveurs.
Jusqu'aux évènements, j'ai bronzé au soleil d'Alep, bu l'eau d'Alep, me suis lavée au savon d'Alep.
J'adorais ma ville, mon quartier. J'aimais sentir la chaleur des pierres polies par le temps, entendre le chant des muezzins, m'abriter à l'ombre des églises. J'étais heureuse, légère. Et je n'imaginais pas que la vie puisse en être autrement.
À un moment, un bruit a retenti au loin. Long, saccadé. Tout le monde s'est arrêté net. « Kalachnikov », a dit Johnny. Puis, il a expliqué que, un coup, c'est un sniper. Deux coups, c'est un sniper qui a raté sa cible. Plusieurs coups, c'est un règlement de comptes.
Ce soir, les tirs ne s'arrêtent plus.
J'ai treize ans. J'ai grandi vite, trop vite.
Je sais reconnaître les armes, je sais reconnaître les bombes. Je sais quand il faut se cacher et comment.
Mais, surtout, je sais ce qu'est la mort. La perte de gens qu'on aime, et la peur de mourir.
On fait tout ce qu'on peut pour tenir et oublier le Alep qu'on a perdu, mais c'est chaque jour plus difficile.
Je n'arrive pas à dormir. J'ai compté : depuis que je suis couchée, il y a eu dix bombes. J'en ai assez d'avoir mal au ventre. Je veux jouer dehors. Je veux voir Fadi. Je veux retourner à l'école.
Moi, de mon enfance, il ne reste que ça. Qu'une petite boîte cabossée.
Ce matin, c'est le silence qui m'a réveillée.