L'abondance des déchets coréens est effarante et préoccupante. Il paraît....qu'il y a, à ce propos, des échanges entre les deux pays grâce auxquels des volontaires coréens viennent donner un coup de main aux Japonais du littoral, quand ceux-ci nettoient les plages, régulièrement paraît-il également.
p.83
De l’intérieur ou vu de l’extérieur, le Japon transcende le clivage Orient-Occident. Il incarne la postmodernité, il la dépasse même, tant les post-modernes occidentaux, à la traîne, sont encore nombrilistes dans leurs référents philosophiques.
L'une des premières choses que font des Japonais se rencontrant pour la première fois, c'est d'échanger leurs cartes de visite. Ce geste, qui frappe beaucoup les étrangers, n'est pas autre chose qu'une pratique mutuelle d'étiquetage (professionnel, social...) permettant le bon fonctionnement de l'étiquette (niveau de politesse, de langage, d'intimité...). Malheur à la personne qui n'a pas son meishi (mot à mot la "pointe de son nom", c'est à dire sa carte de visite) : il ou elle se met aussitôt hors du champ, indiscernable, pas dans le coup.

En somme, loin d’être un groupuscule d’anciens samurai désargentés et romantiques, la Gen.yôsha qui contrôle par ailleurs la presse de Fukuoka et dispose d’appuis dans la presse tôkyôte, constitue bien une puissante association de riches capitalistes faisant de la politique. Les origines géohistoriques des yakuza au Japon dans la riche région minière du Kyûshû septentrional où se combinent exploitation de la houille et tropisme nationaliste-asiatiste confirment ainsi ce que Clotilde Champeyrache dit de l’Italie : contrairement à l’idée reçue qui l’attribue à des zones arriérées « la mafia naît dans des régions à bon potentiel économique ». Il lui faut en effet des richesses ou des perspectives de richesse pour qu’elle prospère.
La chercheuse ajoute que « ce n’est qu’ensuite qu’elle [la mafia] tend à entraver le bon développement économique de ces zones en bloquant les initiatives entrepreneuriales non mafieuses et en détournant les ressources à son profit ». Ce second constat n’est toutefois pas valable dans le cas japonais puisque, au contraire, les yakuza accompagnent le développement économique du pays tout au long du XXe siècle. Conformément à la théorie hédériste, la spécificité s’explique ici par deux facteurs : l’héritage socioculturel et le caractère politique qui lie la pègre au nationalisme, donc à l’empereur, éléments structurants de l’Etat japonais contemporain.
Du jeu d’argent au jeu politique, p. 72-73

L’insertion économique du Japon dans le monde est acquise depuis longtemps. Son insertion politique n’est pas forcément à la hauteur de cette puissance, mais il n’est pas sûr que son actuel alignement et son engagement militaire pro-américain accrus s’opèrent en faveur de la paix, de la sienne ou de celle du monde. En partant du constat que leur culture s’est diffusé partout dans le monde, des mangas aux sushis en passant par le judo ou le karaoke, les Japonais peuvent saisir que leur propre culture contient des éléments d’universalité. En les déclinant à l’intérieur de l’archipel, comme à l’extérieur, ils les propulseront comme ingrédients de l’humanité. Il ne manque pas, dans leur propre histoire, leur propre socio-culture, d’avancées de démocratie directe et de libertés pour qu’ils se passent de recettes toutes faites. Le Japon a connu la leçon de l’ultranationalisme, il peut donner l’exemple d’un nouveau cosmopolitisme.
Faire l’histoire des yakuza revient largement à faire l’histoire de l’extrême droite japonaise.
Introduction, p. 13
A force d’être récurrente, l’évocation de la crise japonaise masque autre chose que la réalité nippone: la peur de soi-même pour l’Occident. Le Japon constitue un miroir de cette angoisse du futur à la fois immédiat et lointain. Ce n’est pas tant le Japon lui-même qui effraie, mais ce qu’il annonce. Le modèle disparait, le vide semble s’installer, que ne colmateront pas aisément les appétits de l’hyper-puissance américaine. Le Japon n’est même plus un repoussoir – le livre d’Amélie Nothomb [Stupeurs et tremblements] n’en est que le feu follet crépusculaire et les turbines du Pentagone se chargent de nous concocter un autre ennemi relevant du choc des civilisations – ni même le bouc émissaire qu’il avait pu incarner lors du « péril jaune » des guerres coloniales ou pendant la déferlante des produits « made in Japan ».
Malgré son apport indéniable, l'analyse du Japon et de l'Extrême-Orient proposée par Reclus et Metchnikoff a été oubliée ou négligée : la restituer n'est, enfin, que leur rendre intellectuellement justice. Outre leur caractérisation judicieuse du phénomène Meiji, considéré comme une véritable révolution alors que leurs contemporains n'y voient bien souvent, comme nous le verrons, qu'un coup d'État ou une simple imitation de l’Occident, outre également leur annonce visionnaire de l'escalade belliciste et impérialiste de ce nouveau Japon dont ils ne verront pas l'aboutissement, ils livrent en effet au public occidental des informations originales.

Le sens du beau au Japon fascine les Occidentaux depuis le XVIe siècle suivi par le japonisme de la Belle époque ou le néo-japonisme actuel : le souci de la perfection, le détail, la précision, le raffinement, la sophistication, l’originalité soudaine ou la simplicité apparente, un certain sens du désordre derrière l’ordre apparent. Il touche tous les domaines, que ce soit la peinture, la littérature, le théâtre, le cinéma, l’architecture, le jardinage, l’artisanat ou l’habillement.
Un tel intérêt résulte de la rencontre de dynamiques séparées, à la fois originales et plurielles, tant à l’intérieur du Japon qu’au sein du non-Japon (Chine et Occident essentiellement, voire Inde). Le mouvement est également réciproque, notamment dans son mimétisme. Le whisky japonais est ainsi l’un des meilleurs au monde, désormais, les interprètes japonais de musique classique sont célèbres. Les meilleurs judoka ne sont plus japonais depuis quelques décennies, les auteurs occidentaux de BD s’inspirent tant et plus des manga.
Le succès de l’esthétisme japonais hors du Japon s’explique largement par une hybridité mutuelle, souvent discrète. Tel est le cas de l’une des estampes les plus appréciées en dehors du Japon : « L’Intérieur de la vague au large de Kanagawa » (Kanagawa-oki nami-ura, 1831), celle où l’on aperçoit le mont Fuji en arrière-plan, derrière une vague immense avec, au premier plan, une barque de pêcheurs.
Son auteur, Katsushika Hokusai (1760-1849), grand amateur et connaisseur de la peinture européenne, recourt en effet à une perspective européenne, qui est inhabituelle au Japon, et à l’usage d’un bleu introduit par les Néerlandais en 1829, connu sous le nom de « bleu de Berlin ».