Derrière ce titre qui fait sourire, se cache un court récit scatologique du 14ème siècle. L’œuvre est anonyme et prend la forme d’un long rouleau peint sur soie, qui se lit de droite à gauche.
Loin d’être anecdotique, ce rouleau est majeur dans le sens qu’il se présente comme l’ancêtre de la bande dessinée. Car il ne s’agit pas ici d’une narration illustrée. Le texte est ici presque entièrement constitué par les paroles des personnages mis en scène dans le rouleau. Si le principe de la bulle n’existe pas encore, on peut noter que la disposition est clairement identifiée, que les textes sont placés au dessus ou en dessous des personnages qui parlent.
L’histoire aussi étonnante soit-elle est la suivante : Hidetake, un pauvre vieillard accablé de misères, reçoit un jour d’un dieu le don d’émettre des pets mélodieux. Un don qui fait sa fortune mais qui entraîne la jalousie autour de lui. Son voisin Fukutomi veut l’imiter, mais le vieillard chanceux réussit à le tromper en lui faisant avaler un purgatif, si bien qu’il échoue piteusement. Châtié, il se traîne jusqu’à sa maison, se débarrasse de son vêtement tâché et découvre qu’il n’a plus rien pour s’habiller, car sa vieille épouse, croyant qu’on allait lui donner quantité de beaux habits, vient de jeter tous ses vêtements dans le feu !
Cette histoire comique fait preuve d’un belle exemple du goût satirique japonais où la veine scatologique provient d’une longue tradition. On trouve des exemples remontant aux 12 et 13ème siècles.
Les Editions Picquier nous présente ici une version illustrée bien sûr, et analysée de cette curieuse histoire.
Bien qu’initialement créé sous forme de rouleau, les scènes sont ici isolées afin que la narration se fasse de manière compréhensible. Chaque partie s’accompagne donc, en dessous de l’image, de la traduction des paroles présentes dans l’image. En tout, c’est 25 scènes qui sont donnés à voir, à lire et à sourire.
La 2ème partie du livre est constituée d’une riche analyse très éclairante sur l’origine et l’intérêt du rouleau du Fukutomi : la veine scatologique, la tradition des « histoires de vieillard », la diffusion orale des contes, l’inversion des valeurs qui joue la satire, l’idée d’un prototype de bande dessinée, avant enfin, de conclure sur la tradition manuscrite de ce fukutomi sôshi.
Bref, petit album souple à la fois réjouissant et instructif, Histoire d’un pet plaira aux amateurs de curiosités et à ceux qui se passionnent pour le Japon évidement !
Lien :
http://grenieralivres.fr/201..