AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de Partemps


Le Rhin et le Rhône sont germains, la Seine romaine, la Garonne grecque. On contourne l’éblouissement du Midi par la réflexion atlantique, l’étendue protégée où se trouvent les Hespérides. On peut aller jusqu’en Amérique, mais cela, à la longue, ne servira pas à grand-chose, il faudra revenir au port. Voilà ce que voit Hölderlin dans son poème Andenken [7]. Je le relis souvent. Alors, je me retrouve là-bas, dans le jardin sombre entouré de vignes, sous la protection du " feu du ciel ". Alors, le vent du nord-est souffle, présage heureux pour les navigateurs, et je vois la " belle Garonne " devant moi, vaste, pensive, argentée, avec son sentier qui " longe la rive exacte ". Alors, Maria ressurgit comme aux " jours de fêtes, les femmes de ces lieux, les femmes brunes allant sur le sol de soie ". On est en mars, c’est le milieu du temps où la nuit est égale au jour. Femmes de soie, temps de soie. " Et sur les lents sentiers passent lourds de rêves d’or les souffles berceurs. " Le pollen flotte, les mimosas sont en fleur. On va en promenade jusqu’à " la pointe venteuse, au pied des vignes, où descend la Dordogne, ensemble avec la somptueuse Garonne, large comme la mer ".
Oui, je vois tout cela sans rien voir, c’est une vision pour dormir après avoir bu la " sombre lumière ". Non pas dans une coupe parfumée, comme dit Hölderlin, mais dans un léger verre de cristal qui fait résonner le rouge sang ou l’or des légendes. Et il est vrai que " la mer, qui prend la mémoire, la donne ", puisqu’il s’agit de l’océan, justement, de cet océan-là, et pas d’un autre, de ce vieil océan aux vagues de cristal, de ce fleuve-là, et pas d’un autre, augmenté d’un autre fleuve, qui font que ces deux fleuves forment une mer avant de devenir océan. La mer sans marée se jette dans l’océan qui va et vient sous la lune, et si Bordeaux, avec son croissant, s’appelle le Port de la Lune, ce n’est pas pour rien, mer mêlée au soleil, océan à la lune, opération détournée du temps passant par le mûrissement du raisin et des pins. Le sol soyeux est couvert d’aiguilles, on chausse des espadrilles. Et il est vrai, aussi, que " l’amour rive des yeux attentifs ". De tels yeux attentifs sont rares, l’amour est rare. Pour cette raison, " les poètes fondent ce qui demeure ". Il suffit donc d’entrer dans ce qui demeure. Ici.
Commenter  J’apprécie          00









{* *}