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Citation de Partemps


« Exclamation de S... Dans la séquence sur Saint-Pierre-de-Rome, j’aurais dû me promener avec Sade ! Bien sûr ! C’est la clé de Juliette ! Ce que personne ne veut voir, me dit-il, c’est que tout le roman est construit autour de cet épisode central... La messe des messes noires ! Comme quoi Sade a bien compris l’essentiel... C’est vrai... Il a senti comme personne qu’il fallait culminer là... Au point juste ! Au lieu même de la négation suprême de la matière ! A l’oméga du parcours ! Faire fulminer le retour du refoulé ! Les cultes abolis ! Les plus archaïques ! Récapituler l’histoire du coït ! Depuis la préhistoire la plus enfouie ! Avec une majesté de dinosaure ! Insatiable ! Ecumant ! Sacrifices humains ! Mayas ! Trip de tripes ! Giclages en plein charniers successifs ! Viscères déployés ! Cervelles éclatées ! Foetus foulés aux pieds ! Tringlages de culs à la chaîne ! Gougnoteries en série ! Décapitations ! Monstruosités lentes ! Pantelantes ! Le plus amusant, c’est la façon dont le mot de l’époque pour désigner le pénis, la queue, la bite, a vieilli... Le vit... Le vit du Pape ! Démasqué par la philosophie échappée du boudoir pour entrer triomphalement à la basilique ! Aujourd’hui, me dit S., l’église devrait être remplacée par l’Université, la Sorbonne ou paris VIII ; ou, encore mieux, par une salle de rédaction de la télévision, la nuit... Voilà comment vous devez baiser pour passer demain à l’antenne à l’heure de plus grande écoute... Tout évolue... On pourrait garder Juliette... La philosophie en action... Le pauvre Pape mis en scène par Sade n’est autre que Pie VI, Jean-Ange Braschi, né en 1717, mort en France, à Valence, en 1799... Les dates parlent d’elles-mêmes... Je n’ai pas besoin de vous faire un dessin... Sade fait de Pie VI un blasphémateur, un enculé-enculeur, un fouteur, un dépeceur... Il semble éprouver une rage particulière, le délicieux Marquis, à représenter tout ça sous le baldaquin de Saint-Pierre... Les hosties consacrées posées sur les vits en érection et aussitôt transférés dans les culs forcés des victimes... Quel éloge de la transsubtantiation ! Quel vertigineuse analyse concrète de l’Eucharistie ! Quelle intuition du grand TUBE humain, du serpent digestif lui-même ! Quel prodigieux effort de résistance à l’endroit exact où la péripétie humaine est intrinsèquement dévoilée ! Quelle vision ! Des messes incessantes mêlées à des sacrifices répétés ! Inouï ! Sade, ou la Théologie malgré lui... On immole les corps attachés aux quatre colonnes... Bref, Bernini a beaucoup frappé l’imagination de notre écrivain le meilleur, le plus honnête... Et Rome ! Et l’Italie ! Le Vésuve ! Naples ! Olype Borghèse ! Princesse ! La duchesse Grillo ! Le cardinal de Bernis ! Albani !
Habileté de Sade... C’est le Père supérieur violé par la fillette en fureur... Le Père qui tourne au vert... Le grand Pervers mis à nu par l’échevelée paranoïaque en personne ! Le fin fond du Récit ! Curiosité brûlante ! On s’en doutait ! Même si c’est archi-faux, c’est vrai quand même ! Le Démon en direct ! L’effroyable cynisme imparable !
J’accorde tout cela à S... Il est plein de son sujet... C’est plus fort que Diderot... Plus acharné... Plus révélateur de la tornade qui a secoué la France, puis l’Europe, puis le monde...
« Un homme comme moi ne se souille jamais, ma chère fille, me répondit le Pape. Successeur des disciples de Dieu, les vertus de l’Eternel m’entourent, et je ne suis pas même un homme quand j’adopte un instant leur défauts. »
Sade se fait baiser comme un Pape... Insulter, fouetter, ordurifier, sans perdre un instant sa souveraineté... Il se donne le démon femelle adéquat... Le succube rationaliste de luxe ! Juliette est implacable ! Elle dérobe à la caisse ! Pille le trésor ! Elle arrache les faux-semblants de l’hypocrite ! De l’infâme ! Elle veut une franchise totale, Juliette ! La Vérité ! La virilité ! Caton ! Brutus ! On les voit, ces deux-là, dans le théâtre en question ! La gueule qu’ils feraient ! L’Antiquité à poil ! Dans la sodomisation intégrale ! Platon et Aristote en orgie !
Voyons ce que dit Sade du Christ, résumant l’esprit de l’époque et le porte immédiatement à son comble : « Examinons donc ce polisson : que fait-il, qu’imagine-t-il pour nous prouver son Dieu ? Quelles sont ses lettres de créance ? Des gambades, des soupers, des putains, des guérisons de charlatan, des calembours et des escroqueries. » Comme le dira plus tard Goebbels, dans le genre sinistre : " Plus c’est gros, plus ça marche. " Rien n’est plus crédule que l’espèce humaine, surtout quand on lui prêche l’incrédulité ! Logique à suivre... Assez simple, au fond... Vous prenez ce qu’il y a de plus respecté , de plus sacré ; vous foncez dedans froidement... Vous montrez que ça ment partout et toujours... Que ça ne montre que des vertus pour cacher des vices... Ça fonctionne ! A coup sûr ! Tel est le Ressentiment latent ! Vous faites pisser la vésicule ! Déborder la bile ! Comment ça ? A l’héroïne ! A la femme porte-lumière ! A Lucifer ! Elle a des nerfs d’acier ! Rien ne l’arrête ! Le coup de génie est là ! Une femme ravageant la baise ! Comme si c’était possible ! Crédulité surplombante ! L’impossible, donc le réel dont on rêve ! Et dire que Fals, je m’en souviens, trouvait que Sade manquait d’humour ! Mais enfin !
« Plus un être a d’esprit, plus il brise de frein ; donc l’homme d’esprit sera toujours plus propre qu’un autre aux plaisirs du libertinage. »
Le "vit" du Pape ! Cadeau du vice à la vertu ! Merci ! Il n’y a que les vrais salopards pour trouver Sade "illisible", "monotone", "ennuyeux"... Quand vous entendez ça , gaffe ! Vous êtes chez les ploucs qui croient que tout ça est réel ! Que le Pape n’arrête pas d’enculer les masses !
« Sade, continue S., est visiblement révulsé, ou feint de l’être, allez savoir, par deux choses... La première : que quelqu’un osé donné un coup d’arrêt à la nature dans ce qu’elle a de plus sacré, l’excitabilité sexuelle... Il ressent ça comme une castration insupportable. Il veut démontrer qu’il n’en est pas question ; que la machine à faire du foutre à travers le meurtre est infinie comme l’espace et le temps - montrant par là-même, précieuse démonstration, qu’à la base de toute sexualité il y a, en effet, le meurtre... La seconde, et nous retrouvons ici le lieu commun des Philosophes, consiste à s’indigner que ce dieu parle des jeux de mots... « L’imbécile de Jésus, écrit-il, qui ne parlait que par logogriphes. » Tout le christianisme — comme le judaïsme, d’ailleurs — est fondé, c’est ça l’horreur, sur de « fades allégories où les lieux sont ajoutés aux noms, les noms aux lieux, et les faits toujours sacrifiés à l’illusion » . C’est l’indication de l’autre monde par dérivation. Plus de limites aux corps, or on ne vibre que sur cette limite... Du coup, cette histoire de Pierre devenu pierre à l’envers de la pierre tombale sur laquelle on jouit, leur paraît une plaisanterie du plus mauvais goût. De quoi s’agit-il ? D’affirmer des noms, des lieux, et surtout des faits... La philosophie est toujours plus ou moins policière dans l’âme. Elle doit récuser l’équivoque, le sexe métaphorisé. Elle coupe. Elle découpe. Pourquoi ? Parce qu’elle ne saurait douter un seul instant de la réductibilité de toutes choses à une mesure simple. Littérale. Ô hystérie ! Et la mesure des mesures, si ce n’est l’Idée, c’est du moins le Sexe. Pas vrai ? L’Appétit ! La Volonté de Puissance ! Allons ! On ne nous la fait pas ! [...]
" Cela dit, ajoute S., le cas de Sade reste incroyable. Quel romancier ! En réalité, sa provocation est si énorme qu’elle demeurera toujours ambiguë. Point d’orgue. Machine infernale. Tant qu’il y aura des corps... Finalement il n’y a pas d’autre inconscient que l’inhibition à lire Sade... Et j’appelle inhibition non pas seulement le fait d’être incapable de le lire par écoeurement ou dégoût, mais aussi celui de le prendre à la lettre. Comme cet ineffable crétin, peintre, je crois, ou plutôt peinturlureur surréaloïde, qui s’est fait imprimer au fer rouge, un soir, les capitales SADE sur la poitrine, au cours d’un pauvre rituel fétichiste... Le surréalisme ! Parlons-en ! Les pruderies occultes de Breton... L’imposture minaudière d’Aragon... L’exaltation anti-sexuelle d’Artaud... Seul Bataille garde un peu d’allure dans ce grand capharnaüm refoulant... Surtout par rapport à Sartre... La nausée... C’est le cas de le dire... Genet... Bref, sexuellement, rien... Quel désastre... Le " nouveau roman " ? Vous voulez rire... Rien, rien, pas la moindre femme plausible... Donc : rien... Pas un livre... Même pas un passage érotiquement consistant... Mais passons ! Musique ! Enfonçons-nous dans le mouvement ! »
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