Seul le Diseur, je ne sais comment, semblait éclairer quelque peu le décor. Assis dans un fauteuil quelconque, souriant et les yeux pleins de ce qu'il avait à me dire, il se montrait suprêmement indifférent à tout ce que son environnement avait de tristesse et de négligence, et possédait au contraire l'attitude supérieurement tranquille de ceux qui ont réussi à vivre dans l'univers qu'ils se sont lentement et exactement choisi et façonné.
Son ombre projetée par le feu grandit le long des rayonnages où elle glissa quelques instants, démesurée et folle, avant de se recroqueviller et de s'anéantir dans le fauteuil, brusquement rappelée à l'ordre par le maître.
C'est toujours un peu mystérieux, un enfant. C'est encore plus mystérieux quand ça parle une autre langue.
Ce qui frappe tout d’abord dans Bitches Brew c’est le caractère, disons, pictural de la musique. On a pu, on pourrait la qualifier aussi, cette musique, d’étale, de statique, d’organique. Une musique de l’espace beaucoup plus que du temps. Il n’y a pas de narration, de progression dans Bitches Brew, de morceaux avec un début, un développement, une conclusion. Il y a des pièces sonores comme on pourrait parler des pièces d’une maison, déjà meublées et habitées, d’étrange façon et par des créatures souvent inattendues, mais bel et bien là d’emblée, bâties et présentes de pied en cap sitôt qu’on y met les pieds.