AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de JulienDjeuks


Assise sur une pierre, Médée se tait, de même qu’autour d’elle se tait le monde purement physique, comme une atroce et stupéfiante apparition irréelle… Elle est comme hébétée : elle est inexpressive, mais elle a la majesté d’une gigantesque sauterelle, ou d’une divinité de pierre. Elle ne sait pas quoi faire d’elle-même. Elle s’est enfermée dans son silence comme dans un écrin.
Jason, largement repu, alors que les autres sont sur le point d’aller dormir, se lève et part à la recherche de cette femme « folle », qui est allée se fourrer on ne sait où. Léger, comme extérieur aux choses, s’acquittant de cette tâche sans vraiment s’impliquer, il rôde dans les environs sauvagement muets (dans la lumière orangée du soleil et dans la lumière bleutée de la lune), jusqu’au moment où il la voit. Résolu, il s’approche d’elle en souriant, comme un père (lui encore tellement jeune) avec sa fille désobéissante ; mais le regard qu’elle lui adresse l’arrête d’un coup. Ce regard ! Violence et peur mêlées : la première tout emplie de haine, la seconde d’humilité implorante, etc. Jason – lui, Jason ! – se sent confus, embarrassé ; son regard se perd. Il doit faire un effort (le premier), pour oser ce qu’il a décidé : il la prend par un bras et l’entraîne à sa suite. Elle, qui jusque là était royale et presque surnaturelle, cède d’un coup : elle se fait soumise, obéissante comme un enfant, justement. Elle se laisse entraîner vers les tentes.
Presque tous les argonautes sont allés dormir. Dans un coin, sous la lumière lunaire, il en reste quelques uns groupés autour d’Orphée qui joue de la guitare. C’est vraiment une nuit d’été populaire, au son d’une vieille chanson simple, etc.
Jason emporte Médée dans sa tente, et il la fait s’allonger sur la natte d’osier. Il lui sourit (paternel, protecteur). Maintenant, elle le regarde, fidèle et soumise, comme un chien au regard humide. Jason se déshabille. Il dissimule son intention et son incertitude derrière son sourire de petit garçon, tout fier de sa virilité. Médée le regarde enchantée, et elle se perd en lui. C’est un amour véritable, complet, etc. Ce qui prévaut à ce moment-là, c’est la virilité de Jason. Médée n’a plus cette atonie de bête désorientée : dans l’amour, elle trouve tout à coup (en s’humanisant) un substitut de la religiosité perdue ; dans l’expérience sexuelle, elle retrouve le rapport sacré qu’elle avait perdu avec la réalité. Ainsi le monde, l’avenir, le bien, la signification des choses se reconstituent brutalement devant elle. (p. 82-83)
Commenter  J’apprécie          10





Ont apprécié cette citation (1)voir plus




{* *}