Citations de Pier Paolo Pasolini (363)
Le refus a toujours constitué un rôle essentiel. Les saints, les ermites, mais aussi les intellectuels, le petit nombre d'hommes qui ont fait l'Histoire sont ceux qui ont dit non, et non les courtisans et les valets des cardinaux.
(La Stampa, 8 novembre 1975)
Les biens superflus rendent la vie superflue.
Une bonne partie de l'antifascisme d'aujourd'hui, ou du moins ce qu'on appelle antifascisme, est soit naïf et stupide soit prétextuel et de mauvaise foi. En effet elle combat, ou fait semblant de combattre, un phénomène mort et enterré, archéologique qui ne peut plus faire peur à personne. C'est en sorte un antifascisme de tout confort et de tout repos. Je suis profondément convaincu que le vrai fascisme est ce que les sociologues ont trop gentiment nommé la société de consommation, définition qui paraît inoffensive et purement indicative. Il n’en est rien. Si l’on observe bien la réalité, et surtout si l’on sait lire dans les objets, le paysage, l’urbanisme et surtout les hommes, on voit que les résultats de cette insouciante société de consommation sont eux-mêmes les résultats d’une dictature, d’un fascisme pur et simple.
Tu as été l'époque la plus belle de ma vie. C'est pourquoi, non seulement je ne pourrai jamais t'oublier, mais même je t'aurai constamment dans la mémoire la plus profonde, comme une raison de vie.
Je regarde le soleil
des mortes étés,
je regarde la pluie,
les feuilles, les grillons.
Je regarde mon corps
de quand j’étais enfant,
les tristes dimanches,
la vie perdue.
Aujourd’hui te revêtent
la soie et l’amour,
c’est aujourd’hui dimanche,
demain on meurt.
Le jour de ma mort
Dans une ville, Trieste ou Udine,
le long d’une allée de tilleuls,
au printemps quand les feuilles
changent de couleur,
je tomberai mort
sous le soleil qui brûle
blond et haut,
et je fermerai les yeux,
laissant le ciel à sa splendeur.
Sous un tilleul tiède de verdure
je tomberai dans le noir
de ma mort qui dispersera
les tilleuls et le soleil.
Les beaux jeunes garçons
courront dans cette lumière
que je viendrai de perdre,
essaimant des écoles,
les boucles sur le front.
Je serai encore jeune
en chemise claire,
les cheveux tendres en pluie
sur la poussière amère.
Je serai encore chaud,
et courant sur l’asphalte
tiède de l’allée,
un enfant posera sa main
sur mon ventre de cristal.
Fatum
La lumière vespérale
de ton village du nord,
son soleil terreux,
pèseront toujours sur ton coeur.
L'histoire, c'est la passion des fils qui voudraient comprendre les pères.
"Seul peut éduquer celui qui sait ce qu'aimer veut dire [...]."
"Le temps perdu ne se rattrape pas ! En fait, il vit au plus profond de nous, et seuls quelques-uns de ses fragments, anesthésiés ou embaumés par une mémoire conceptuelle et intéressée, vivent dans la conscience et forment notre autobiographie."
Le ceneri di Gramsci
.... Me ne vado, ti lascio nella sera
che, benchè triste, cosi dolce scende
per noi viventi, con la luce cerea ....
Les cendres de Gramsci
.... Je m'en vais, je te quitte, dans le soir,
qui, malgré sa tristesse, tombe si doux,
pour nous, vivants, dans la clarté cendrée ...
Tant que l’homme exploitera l’homme, tant que l’humanité sera divisée en maîtres et en esclaves, il n’y aura ni normalité ni paix. Voilà la raison de tout le mal de notre temps.
Je pleure un monde mort. Mais moi qui le pleure je ne suis pas mort.
Tellement distrait au fond de ma chair,
- Ce ciel couvert qui ne laisse filtrer ni
Ombre ni soleil – à la surface, je ne fais que
Recommencer à m'étonner de mon destin.
Mais si je regarde mes yeux dans le miroir
Je vois qu'ils sont encore brillants (oui, au fond,
Une lumière trouble y brûle: mais c'est de l'amour
Réprimé, stupéfait d'être coupable).
Celui qui, en péchant, a senti dans sa gorge
La brûlure du lynchage, est resté toujours pur
S'il ne sait pas encore haïr, et dans ses yeux
Brûlés, une clarté aimante monte encore,
De douceur et de courage.
La fièvre de la consommation est une fièvre d'obéissance à un ordre non énoncé. Chacun, en Italie, ressent l'anxiété, dégradante, d'être comme les autres dans l'acte de consommer, d'être heureux, d'être libre, parce que tel est l'ordre que chacun a inconsciemment reçu et auquel il "doit" obéir s'il se sent différent.
Chaque fois qu’en Inde on laisse une personne, on a l’impression d’abandonner un moribond qui va se noyer au milieu des épaves d’un naufrage.
Toute discrimination est non historique et inhumaine. Il n'existe rien de plus follement aberrant que le racisme.
(Le belle bandiere. Dialoghi 1960-65)
Sans toi, je revenais, comme enivré,
Incapable désormais d'être seul le soir,
Quand les nuages las se dissipent
Dans le noir incertain.
Mille fois j'ai été aussi seul
Depuis que je suis vivant, et mille soirs semblables Ont obscurci à ma vue l'herbe, les collines,
Les campagnes, les nuages.
Seul dans le jour, et ensuite dans le silence
Du soir fatal. Et maintenant, enivré,
Je m'en reviens sans toi, et à mes côtés
Ne se trouve que l'ombre.
Et tu seras loin de moi mille fois,
Et ensuite à jamais. Je ne sais pas refréner
Cette angoisse qui monte dans mon cœur ;
Être seul.
.
Autrefois le couple était béni, aujourd'hui il est maudit... Autrefois "l'espèce" devait lutter pour survivre et, par conséquent, le nombre des naissances devait dépasser celui des décès. Aujourd'hui, par contre, "l'espèce", si elle veut survivre, doit s'arranger pour que le nombre des naissances ne dépasse pas celui des décès. Et donc, chaque enfant qui naissait autrefois, représentant une garantie de vie, était béni, tandis que chaque enfant qui naît aujourd'hui, contribuant à l'autodestruction de l'humanité, est maudit.
(janvier 1975)
Je me demande, cher Alberto, si cet antifascisme furieux qui s'épanche dans les places aujourd'hui ne serait pas au fond une arme de distraction dont la classe dominante use envers les étudiants et les travailleurs pour provoquer la discorde. Inciter les masses à combattre un ennemi inexistant pendant que le consumérisme moderne rampe, s'insinue et ruine une société déjà moribonde.
Pier Paolo Pasolini - Conversation avec Alberto Moravia.