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Critiques de Pier Paolo Pasolini (114)
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L'odeur de l'Inde

En 1961, invité à la commémoration du poète Tagore, Pasolini se rend en Inde en compagnie des écrivains Alberto Moravia et Elsa Morante. Pendant que ses « collègues » rentrent sagement à l’hôtel le soir, lui, appelé par « l’odeur de l’Inde », déambule dans la nuit à la rencontre de ces hommes et de ces femmes qui, par milliers, dorment à même les trottoirs et le long des plages.





Ses rencontres furtives avec la misère, limitées par l’incompréhension de la langue, le fascinent autant qu’elles l’épouvantent. Alors, tandis que, ne connaissant rien ou presque de la société indienne, il s’accroche désespérément à ses références européennes pour ne pas perdre tout à fait pied face au choc, submergé malgré tout par un tsunami d’impressions et d’émotions où surnagent révolte et compassion, il tente tant bien que mal, non sans naïveté et parfois même à l’emporte-pièce, d’analyser ce qu’il perçoit des mœurs du pays.





Il s’interroge ainsi sur les raisons du système de castes, s’étonne de ce qu’il croit voir de tolérance à la diversité religieuse, s’insurge contre le snobisme de la bourgeoisie montante locale, enfin égratigne ce qui lui semble d’immobilisme chez Nehru tout en se félicitant des initiatives de Soeur Teresa. Et si clairement l’Inde l’impressionne et l’envoûte, sa quête d’explications ne se départit jamais d’une certaine forme de refus critique. S’y reflète sans doute l’esprit d’un écrivain qui ne donna jamais dans la tiédeur ni dans la résignation, mais s’engagea toujours résolument dans un combat semé de polémiques, liées à la radicalité de ses idées.





Moravia, qui relata ce même voyage dans Une certaine idée de l’Inde, déclara : « C'est un pays d'une originalité extrême, un pays qui contraint le voyageur à prendre position. Pour ma part, cela consiste à accepter sans m'identifier ; pour Pasolini - et on peut le dire de toute sa vie - il s'agissait de s'identifier sans accepter vraiment. » Dans la confrontation à ce sous-continent dont on dit que personne ne revient indemne, c’est donc tout autant un certain visage du grand écrivain italien, qu’une vision particulière de l’Inde, que nous fait découvrir son récit de voyage.


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L'odeur de l'Inde

L'Inde est un pays dont on tombe toujours amoureux lorsqu'on y vient, et, ce petit livre de Pasolini, en voyage là-bas en 1961, est une pénétration dans l'Inde profonde, sa spiritualité, sa misère, le sourire omniprésent des enfants, leurs pleurs, leurs joies, tout ce qui émane de ce pays exceptionnel, telle une féerie de senteurs, de couleurs, de sons, de violence et de passions.



C’est avec Alberto Moravia et Elsa Morante, deux grands écrivains italiens, que Pasolini effectue son voyage. Bombay, Bénarès, Calcutta, Cochin, Delhi et bien d’autres lieux sont parcourus par les trois auteurs.



La nuit, Pasolini, non encore comblé par les rencontres de le journée, quitte seul l’hôtel et se laisse engloutir dans le dédales des rues, pour sentir vraiment et respirer avec ses tripes cette odeur de l’Inde qui donne le titre de ce livre.



Il est bien sûr interpellé par la misère, les quelques étoffes qui habillent les gens, il s’intéresse à la civilisation, notamment la problématique des castes, la religion qu’il faut absolument découvrir en prenant du temps dans les temples, où la prière paisible peut côtoyer de véritables transes.



Et puis, les crémations. Un fait sociétal qu’il est important de comprendre tout en regardant "ces pauvres morts qui se consument sans ennuyer personne". L’Inde est vraiment le pays de la beauté, de la saleté et de la purification.

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L'odeur de l'Inde

1962 Pasolini en Inde …..

Personnellement , je pense que c’est un texte court à lire absolument .

Le style est incroyable , c’est une immersion multi-sensorielle de chaque instant.

Je connais bien l’Hindoustan et j’ai un rapport intime avec ce pays .Je suis familier des bidonvilles coquets , des temples bondés , des rivières sacrées qui sont de véritables cloaques certains jours .

Et aussi des quartiers riches ou pauvres et les odeurs , les bonnes et les mauvaises , très mauvaises ou très bonnes .

Les trains bondés où l’on voyage 10 heures debout en n’allant pas aux toilettes , car faire 5 mètres est impossible … je connais bien

La gentillesse intense des gens qui n’a pour limite que le mépris unanime pour celui qui perd son calme .

Les foules omniprésentes où l’on se sent bien , portés par le courant . Les foules inquiétantes aussi car on sait qu’elles peuvent se transformer en un être collectif vengeur et diabolique.

L’inde terrible et attachante décrite par Pasolini n’est pas encore défunte , si vous aimez l’inde et que vous n’êtes pas nés avec une cuillère en argent , vous le savez .

Vous le savez , et partout si vous avez des yeux , vous voyez cette Inde tragique , souriante , épuisée mais d’une force redoutable .

L’inde a changé certes , les tours de Mumbai , la majesté grandiose de New Delhi , les supermarchés de Pune …..

Mais bon , si vous trainez dans les gares bondées , les banlieues , les campagnes et les villes moyennes ou les gros bourgs , vous verrez des gens sans jambes ou sans bras trainer des sacs gros comme eux ( avec leurs moignons et leur dents ) pour gagner leur pitance.

Vous verrez des enfants qui mendient toujours pour se payer des bonbons ou pour courir apporter un chappatti à leurs parents . Si vous êtes généreux vous savourerez aussi le sourire attendrit des témoins de votre générosité .

Il y des vaches dans les gares assez souvent , elles aiment les plages aussi et le farnienté , un peu partout …

La densité humaine ressentie est toujours la même . Et les rivières sont pour les plus petites , souvent constituées d’ordures autant que d’eau . Le Gange à Bénarès m’a une fois empoisonné les narines et raclé la gorge et je me suis assis dans la rue épuisé et assailli par un capharnaüm sidérant et affable .

Les temples fourmillent de questions et accueillent ceux qui sont curieux et patients , la cuisine de rue est toujours aussi savoureuse que dangereuse , la culture est d’une richesse inépuisable .

L’inde est avide de contacts mais elle ne se donne pas facilement , elle est même souvent indifférente à vous si elle ignore que vous l’aimez .

Pasolini a senti le cœur de l’Hindoustan pulser , l’inde a vibré pour lui car il est allé à sa rencontre . Il s’en est trouvé un peu hagard et courtoisement révulsé , indigné et révolté .

Ce n’est pour autant que son texte qui est d’une « immersivité « hallucinante de présence , serrait faux , animé par un tropisme volontaire et une démarche vindicative ou malhonnête .

Il n’a pas tout compris , certainement , parce que l’on trouve d’abord en inde , plus que partout ailleurs , ce que l’on y amène .

Un texte , dur , abrasif même , mais jamais méchant .

Depuis quand l’Inde est simple ? et depuis quand les gens ne la quitte plus en étant persuadé qu’ils ont tout compris ?

La vérité , c’est que beaucoup de gens y font soit un stage de « Mogolisation » , soit ils se persuadent qu’ils ont annihilés leur ego à Rishikesh , alors qu’ils le trainent encore , comme de grosses valoches , derrière eux , jusque leur pénates …

Ceux-là possiblement , ne retrouveront pas l’inde ( leur vraie Inde ) dans ce texte . Personnellement , cette Inde de Pasolini , je la connais . je la fréquente et je l’aime et c’est vrai qu’elle est vicieuse , dangereuse et effrayante de milles manières .

Elle est tout cela l’Inde , jusque le moment magique où elle vous adopte , et là encore , il faut rester sur ses gardes , car il vaut mieux qu’elle vous aime et qu’elle éprouve du respect pour vous .

L’inde est fabuleuse non pas seulement de par ses richesses multiples et foisonnantes . Elle l’est parce que elle exige de vous d’être courageux et humble .

Ne venez pas me dire ceci ou cela , sinon je vous demanderais de faire avec moi une ballade dans la nuit en plein Bombay , pour couler un bronze (eh bien oui ont n’a souvent pas les toilettes ) et si vraiment vous n’êtes pas sage , alors là , on ira couler notre bronze sur les vois ferrées de Bombay en compagnie de nombreuses autres personnes affables , sous les regards désabusés , des passagers des trains constamment bondés aux heures de pointe , enfin bondé , c’est un euphémisme pour dire , plein au-delàs de tout entendement .

Je vous promet pas un seul touriste à la ronde ….

Mais ne vous y trompez pas l’Inde est merveilleuse .

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Les Ragazzi

Une bande de gamins déambulent dans les quartiers de Rome. Ils sont les enfants de familles pauvres dont les parents ont démissionné depuis longtemps de leur rôle d’éducateur. Ils s’amusent des mauvais coups qu’ils font pour gagner la poignée de lires qui leur permettra de louer une barque ou les services d’une pute. Ils parlent tous le langage confus de la rue, amalgame d’onomatopées et d’injures.

Pasolini à travers ce premier roman décrit avec beaucoup de réalisme une strate de la société romaine volontairement ignorée et méprisée, une vie bouillonnante qui ne demande qu’à exploser. Il montre l’immense richesse de ces gamins des rues : leur imagination et leur insouciance. Il peint la pauvreté du prolétariat italien post deuxième guerre mondiale avec les couleur de l’espérance et de la rage de vivre.

« Les ragazzi » irradie une lumière qui rend belle la crasse sauvage de ces vauriens.

Traduction de Jean-Paul Manganaro.

Editions Buchet Chastel, Points Signature, 278 pages.

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Une vie violente

"Une vie violente", ou vie et mort d'un pauvre bougre dans les bas-fonds romains des années 60.

Tommaso est un sale garnement d'un quartier pouilleux de Rome. Autour de lui il n'y a que crasse, puanteur, misère, maladie, faim. Un terreau idéal pour Dame Violence. de fait, le quotidien de Tommaso et de ses compères d'infortune est fait de vols de voiture, de braquages, de bagarres, d'agressions de prostituées. Condamné à deux ans de prison alors qu'il n'a pas 20 ans, Tommaso, à sa sortie, décide de prendre sa vie en main et de se caser avec Irene. Mais, ces bonnes résolutions à peine prises, il se découvre tuberculeux et est hospitalisé. Il en réchappe mais reste en sursis, et on ignore si son héroïsme lors d'une grave inondation du quartier lui aura ouvert les portes du Paradis…

"Une vie violente" est un roman difficile, de par la violence (parfois gratuite, m'a-t-il semblé) dont font preuve ses personnages, décrite sans fard et sans pincettes, par la précarité et la promiscuité de ces vies de crève-la-faim. Difficile aussi par ses dialogues en argot, que j'ai trouvés pénibles à lire et qui m'ont beaucoup freinée dans ma lecture (j'ignore à cet égard quel a pu être l'apport de la nouvelle traduction). Pourtant, ce sont ces mêmes éléments (violence et langage) qui donnent une puissance folle à ce roman. Avec cette description hyperréaliste de vies violentes et violentées par … la vie, et malgré des personnages peu attachants aux agissements et convictions parfois obscurs, ce livre ne laisse pas non plus son lecteur indemne.

En partenariat avec les Editions Buchet-Chastel via Netgalley.

#UneVieViolente #NetGalleyFrance
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Une vie violente

« Une vie violente » parait en 1959, un an après « Ragazzi di Vita » (« les ragazzi » dans sa version française). Il s’inscrit dans la continuité de son premier roman, une histoire de gamins de la rue, des va-nu-pieds des faubourgs de Rome qui vivent de l’air du temps et de menus larcins, parfois de tapinage. La violence de leur condition semble totalement leur échapper. Ils sont absorbés par leur quotidien, insouciants et incapables de se projeter dans leur avenir qui semble être drapé de la brume opaque du mauvais sort. Tout est bon pour eux pour gagner les quelques lires qui payeront une poignée de cigarettes ou un cinéma avec leur petite amie du moment. Ils survivent à l’instinct, en bande, dans une course folle vers leur destinée. Enfants du caniveau, la vie ne leur offrira que le strict minimum matériel, mais bien plus sur un plan humain.

Mal grès la pauvreté de ces vauriens que décrit Pasolini et cet acharnement qu’a la vie à les vautrer dans la fange et l’indigence, ils portent en eux l’insouciance de leur condition et cette hargne à avancer dans une société capitaliste où l’ouvrier est à la limite du servage. Ils sont illuminés, ils irradient cette énergie du désespoir qui les rend attachants.

Il y a dans ce roman toutes les convictions communistes de Pasolini, mais un communisme blanc, attaché aux libertés individuelles et aux égalités sociales en opposition au communisme rouge, bolchevique, où l’individu disparaît au profit de la communauté.

Une fois les difficultés de lecture des dialogues surmontées, l’auteur employant l’argot de son Frioul natal, « Une vie violente » est une immersion dans le monde du vrai, de l’humain et de la sauvagerie de la vie.

Et ils sont riches car ils n’ont pas d’argent…

Traduction de Jean-Paul Manganaro.

Editions Buchet Chastel, Points Signature, 400 pages.

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Les Ragazzi

Dans ce monde de ragazzi aux surnoms très évocateurs, nous sommes plongés dans la banlieue de Rome très paupérisée. Nous suivons cette bande de gamins désoeuvrés qui vivent et survivent de larcins, de magouilles, et nous ressentons avec eux la faim , la misère mais aussi le peu de lumière qui éclaire leur devenir. Tout cela est décrit avec un réalisme impressionnant qui ne tombe jamais dans le misérabilisme, dans le pathos et pourtant !

La traduction du dialecte, de l'argot ne facilite pas la lecture qui devient par moment un peu fastidieuse mais le ressenti général de ce livre est tout à fait particulier et marquant.
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Théorème

Théorème est à la fois un synopsis et une oeuvre d'art qui nous rends compte de la proximité de l'écrit et du cinéma.

Les critiques sans jugements à la sortie du film de Pasolini à l’époque des années 60-70 nous montrent comment certains tabous peuvent devenir des armes frontales. Bien grand lui fût de continuer cette âme d'artiste inachevée une nuit de novembre 1975.

Théorème est l'histoire d'un jeune inconnu invité dans une maison bourgeoise de Milan. IL y a le père , la mère , le fils , la fille , la servante . Tous succomberont à son charme jusqu'au jour de son départ ...



Un livre et un film à (re)découvrir !!!
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La Longue route de sable

Vulcain las des pierreries et de l'or à tailler dans sa grotte, sortit sa masse pour dessiner la cote amalfitaine. Les rocs et les pics à l'aplomb du ciel et de la mer où la lumière s'échappe. L'Italie du Nord au Sud et du Sud au Nord : une carte postale vive et aimante. Pasolini dans son périple, presque badin, mêle le goût des mythes et la fausse insouciance. Sa plume est alerte, belle, grave et lucide. Sur des descriptions oniriques et des anecdotes voyageuses souffle le vent invisible de l'engagement politique et du désir. Il égrène son récit de jeunes gens hâves, presque voyous, désœuvrés. Figures fugitives, ex-voto de la tentation ; ils sont présents sans l'être. Pasolini travaille, car ce périple italien est une commande pour un magasine. Mais peut-être est-ce juste une longue ivresse, de route, de soleil, de paysage. Un étourdissement pour sublimer son pays, aussi en dire toute la rudesse, la pauvreté, la fourberie, l'opulence, la légèreté, la nostalgie. Un credo.
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L'odeur de l'Inde

En 1961, Moravia et Pasolini font ensemble un voyage: l'expérience de l'Inde. Deux sensibilités, un voyage, deux récits. Moravia publie chez Bompiani, L'idée de l'Inde, un livre admirable, récit dépassionné, écrit à froid, désabusé, mais pas insensible. L'Inde le bouleverse, l'afflige: le laisse perplexe, sans voix. Nos outils épistémiques habituels deviennent soudain futiles, inopérants. Le filet sécurisant de nos théories explicatives est rompu, on n'est plus soutenu par rien. Rien ne nous protège contre la laideur et la misère, contre l'arbitraire de la souffrance. Nous sommes face à face avec nos propres frayeurs et nos fragilités. Bannis de notre réconfortante zone de confort, nous sommes nus et désarmés - lâchés dans l'arène aux lions - dans l'effroi confondant et inexprimable de la misère sociale. le récit de Moravia exprime ce malaise. Il fait un effort soutenu, parfois inutile, de trouver un sens, cherchant à reconstituer le contexte, qui le permettra de surmonter, d'amoindrir l'impact de ce voyage, épreuve, qui sans doute est aussi pour lui une remise en question de ses principes, de son mode de vie et de son métier. On ne revient pas indemne de l'Inde, où le réel est tout sauf rationnel et où, la rationalité est peu de chose face à la réalité. L'effort de penser est peut-être une ultime tentative de contrôle. Pasolini dépasse ce dilemme, ne se laisse pas prendre au jeu desséchant de l'intellect. Chez lui, l'empathie a le dernier mot. Il sait que la compassion et la tendresse seuls peuvent faire des miracles. Mais au-delà des différences, les récits se croisent et se complètent: les deux amis ne sont pas indifférents à ces cohues de gueux et de quémandeurs, d'enfants et de femmes, qui ne leur tendent même pas la main et que même en ignorant leur langue, ils comprennent. Mais des deux, Pasolini est encore le plus touchant, parce qu'il se laisse toucher. Plus vulnérable et plus affectueux aussi. Il s'expose plus, se protège moins, tout en gardant une candeur et une confiance indéfectibles. "Rien n'est plus violent que la douceur", écrivait Nicolas de Staël. Il en est question justement dans L'odeur de l'Inde: une douceur qui se laisse contaminer par la pitié et qui vite devient insoutenable. Un grand livre.
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Écrits corsaires

Je viens de terminer la lecture de ce livre. L'impression générale que j'en retire est que tout cela est terriblement italien et ancré dans la réalité des années 70. J'avoue avoir parcouru des passages entiers en diagonale, à la recherche d'un passage sur lequel m'accrocher. Et j'y suis arrivé parfois. Tout ce qui concerne la consommation reste exact, et même amplifié. Mais déjà, sa dénonciation du pouvoir télévisuel perd de sa force à notre époque où les réseaux sociaux semblent prendre l'avantage. D'ailleurs, qu'aurait-il pensé d'Internet ?

Pour autant, tout le reste me semble propre à la culture italienne héritée de l'après-guerre. Les vieux combats entre l'Église, la démocratie chrétienne et le parti communiste sont à remiser au grenier.

Ce qui n'a peut-être pas changé en revanche, et l'actualité nous le montre, c'est cette capacité qu'a la politique italienne, que lui permet les institutions et la constitution, de pouvoir s'adapter, pour le meilleur ou le pire, à force d' »arrangements ». le pays fonctionne comme cela !

Les révoltes et dénonciations de Pasolini paraissent aujourd'hui bien fades, et j'en suis bien déçu, mais ce recueil de textes nous le prouve. Hormis, encore une fois, et là, il fut visionnaire, sa dénonciation du fascisme de la société de consommation qui nivelle la société par le bas. Même si quelques voix éparses se lancent dans la décroissance ou le recyclage écologique.
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L'odeur de l'Inde

Pasolini est un visionnaire, un génie du XXème siècle qu’il faut lire, et relire. Il avait prédit le fascisme consumériste et l’asservissement culturel des masses. Pasolini dérange dans la mesure où il dé-range : il nous oblige à sortir du rang, à combattre notre penchant conformiste. Pourfendeur de la bourgeoisie, marxiste en puissance et curieux du monde, Pasolini devait se rendre en Inde pour y assouvir son désir d’altérité et de vérité - qu’il aime trouver chez les plus démunis.

Il n’y a rien, dans ce récit, qui paraisse anachronique. Ses observations tombent juste. En quelques phrases, il parvient à décrire la complexité de ce pays et de son peuple, sa misère (p39), sa gestuelle (p58), ses odeurs enivrantes (p85) ou ces réflexes de caste et de soumission qui l’indignent (p98). Ce ne sont que des exemples.

J’ai eu la chance d’aller à Mumbai et New Dehli. En le lisant, je me suis souvent dit « mais oui, c’est exactement ce que j’ai ressenti ». Je pense en particulier à ses premières impressions aux abords de « la porte de l’Inde », l’atmosphère troublante, les mendiants se mouvant comme des ombres et la présence incongrue et triomphante du Taj à proximité.

Le récit de voyage de Pasolini n’est pas un fantasme d’orientaliste mais une mise à l’épreuve incessante de ses convictions. Il a l’empathie de l’humaniste mais ne se laisse jamais emporter par ce qui le révolte. Il a pour guide la compréhension et l’émerveillement.

Bilan : 🌹🌹🌹

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Une vie violente

Une lecture pénible pour un roman qui s'inscrit dans un contexte qui l'est tout autant.

Rome, fin des années cinquante. Dans les bas quartiers de la ville, la misère s'entasse dans des taudis insalubres faits de tôles et de bois pourri, le long d'une eau puante. On y survit à peine, pis que des rats. Les gamins déguenillés et morveux jouent dans une boue glauque, livrés à eux-mêmes. En grandissant ils apprennent les quatre cent coups, la rapine, la violence.

Tommaso est l'un de ceux-là, sorti avec peine de l'adolescence pour entrer dans une vie d'adulte sans espoir, il connait les codes, se bat, se bourre la gueule avec ses potes, vole, cherche une fille, essaie de se ranger, tombe, se relève, et meurt.

On a clairement là un fabuleux roman social, un témoignage précieux de l'histoire populaire romaine d'après-guerre, pourtant cette lecture m'a pesé tout du long, et je ne suis pas parvenue à y entrer. Le ton n'y aide pas, avec une narration assez clinique et de nombreux dialogues restitués dans leur jus argotique que j'ai trouvés pesants à lire. Il faut par ailleurs sans doute connaître et apprécier l'univers et le message de Pasolini, que je ne connais pas. Je suis passée à côté.

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Les Ragazzi

Sans aucune intrigue réelle, Pasolini parvient à nous faire partager le quotidien d'une bande d'adolescents végétant dans une banlieue romaine dans les années 50. Si le néo-réalisme s'appliquait à la littérature, ce livre ferait partie de ce mouvement. Ces jeunes semblent tout droit sortis d'un scénario de Zavattini. De ces jeunes désœuvrés, on découvre leurs jeux, leurs passions, leurs désirs… C'est à Rome, mais cela pourrait se passer dans n'importe quel lieu périphérique, abandonné. On sens ce que Pasolini a voulu transmettre. Entre la dénonciation politique d'une pauvreté qui détermine la vie de ces jeunes et le désir érotique devant leur beauté encore innocente.

D'ailleurs toute son œuvre tant littéraire que cinématographique oscille entre ces deux objectifs.
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Sonnets

Comme un écho aux Sonnets de Shakespeare pour l'être aimé, mais qui ne peut être aimé, Pasolini nous conte le chant douloureux de l'amour coupable, pour ce jeune homme adoré et parti pour une femme. C'est une histoire de peaux qui ne peuvent s'oublier, de plaisir et de souffrance.



A lire dans la version bilingue pour ceux qui le peuvent.
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Sonnets

Histoire d'une rupture sentimentale, souffrance de celui qui reste seul. Nino Davoli, « quitte » Pasolini pour vivre avec une femme. La séparation se produit pendant le tournage des « Contes de Canterbury ». Certains sonnets sont vraiment magnifiques. On y retrouve toute la sensibilité de Pasolini, qui dit son amour, sa déception, sa souffrance, pour celui qui partagea sa vie pendant 8 ans.

Poèmes d'amour, mais pas si éloignés des écrits politiques, car il en profite pour dénigrer la vie de petit bourgeois qui attend Ninetto, petite vie de famille bien conformiste, renouant alors avec sa verve anti-consumériste qu'il ne cesse de dénoncer (à juste titre) par ailleurs.

La traduction française me paraît assez lourde et trahit les sonorités et assonances de l'Italien beaucoup plus doux, mais impossible à traduire.
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Les Anges distraits

Ouvrage composé de dix-huit nouvelles très courtes, d'une sorte de "journal" intime sur la vie d'un enseignant et enfin de deux romans, l'on peut donc affirmer que ce recueil revêt de multiples étiquettes, ayant toutes un parfum d'autobiographie.



Se déroulant en Italie pendant la période de l'entre-deux-guerres ou, pour certaines, après la Seconde Guerre mondiale, Pasolini nous fait découvrir ici ce que fut l'ambiance, les conditions de vie de ces jeunes italiens (qu'il fut lui-même d'ailleurs), de ces métayers, des communistes faisant front contre le parti fasciste sans cesse grandissant ou des gens un peu plus aisés et ayant une situation un peu plus confortable.



Il est vrai que, en commençant cette lecture, j'ai été un peu déstabilisée par les nouvelles qui m'ont laissées un arrière goût de frustration. Ce que je n'avais pas compris, c'est que non seulement d'être des nouvelles, elles étaient plutôt des fragments de vie, des souvenirs et que je ne devais donc pas m'attendre à quelque chose d'achevé mais à un fait raconté tel un instantané, même si il n'y a ni début ni fin puisqu'il rend simplement compte d'un fait, dérisoire peut-être, mais qui a marqué l'auteur au cours de sa vie.



J'ai beaucoup plus accroché avec le premier roman retranscris ici et qui nous narre la vie de Don Paolo, un jeune aumônier muté dans la petite bourgade de San Pietro en 1947 où il fera bien plus que recevoir des confessions pour les habitants du village. En y créant une école, il aspire à rendre le monde meilleur en enseignant sa science aux jeunes garçons, dont l'un d'entre eux marquera d'ailleurs sa vie, plus qu'il ne l'aurait jamais imaginé, le jeune Cesare.



Dans le dernier roman intitulé "Pour un roman de la mer", le jeune narrateur, un garçon d'une douzaine d'années habitant à Crémone avec ses parents, il est également question d'éducation puisque notre jeune héros, qui n'a jamais vu la mer, se l'imagine grâce à ses nombreuses lectures qui lui permettent de voyager dans le monde entier et de rencontrer toutes sortes de gens. Ces lectures le remplissent de vie, d'espoir et le nourrissent.



Voilà donc bien le point commun entre tous ces textes : celui du plaisir de lire, du Savoir, d'apprendre, de la curiosité...

Point de vue assez mitigé il est vrai donc pour cette lecture mais qui est rempli de morale, extrêmement bien écrit et qui se doit d'être découvert !
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L'odeur de l'Inde

C'est le livre jumeau de celui de Moravia.

Invités à une commémorataion du poète Tagore en 1961, Pasolini, Moravia font une traversée de l'Inde. De Bombay à Calcutta, Cochin à Delhi et Bénarès.

Récit lyrique, carnet de voyage. "L'Odeur de l'Inde" diffère d'Une certaine idée de L'Inde" de Moravia.

Moravia analyse, presque froidement, tandis que Pasolini se laisse emporter par son humeur vagabonde, Pasolini est un piéton des villes. Il déambule dans les quartiers mal famés du port de Bombay, dans les rues de Delhi et de Bénarès, accueillant chaque rencontre de hasard.

Pour Pasolini, chaque passant, chaque mendiant, ou enfant est une personne dont il nous livre le nom et l'histoire. Il s'attache à un enfant Revi à qui il procure un abri, nous fait connaître la douceur de Sardar et Sundar qu'il compare aux jeunes calabrais venus chercher fortune à Milan, Et Mutil Lal, un brahmane, un "bourgeois" éduqué mais qui dort comme ses camarades sur le trottoir.....

C'est plus qu'un recueil d'anecdotes. Pasolini nous livre aussi des reflexions plus sociologiques, il s'oppose à Moravia qui voit de la religion partout en Inde. Plus critique vis à vis de Nehru aussi. Mais tous deux sont révoltés par le système des castes inacceptable pour un Européen. ,
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L'odeur de l'Inde

L'Inde est sans conteste le pays des paradoxes, les vaches sacrées y mangent du carton, les montagnes et fleuves sacrés y sont extrêmement pollués, la nourriture y est infiniment sucrée ou infiniment pimentée, les gens chatoient de couleurs ou bien revêtent la grisaille de la misère... Il en va de même des odeurs qui peuvent être dans le même temps enchanteresses ou nauséabondes. J'ai pourtant senti que Pasolini n'a vu l'Inde que d'un œil, ou senti l'Inde que d'une narine tant il focalise son récit sur la puanteur et la noirceur d'un pays pourtant si riche... Sans doute a-t-il été trop bouleversé et n'a-t-il pas suffisamment pris le temps de découvrir une terre pleine de surprise...

Son style demeure néanmoins puissant, et si je ne partage pas son ressenti, Pasolini nous livre un texte savamment écrit... qui nous plonge dans "son" Inde
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Nouvelles romaines / Racconti Romani (édition..

Souvent, le réalisme littéraire est lié à la représentation du peuple dans le roman ou la nouvelle, au point que réalisme et sujet populaire sont devenus presque synonymes. La France a eu son Naturalisme, l'Italie son Vérisme, à peu près à la même époque, et dans la lignée des grands auteurs véristes, Pasolini a composé ses Nouvelles Romaines, textes brefs, peu narratifs, destinés le plus souvent à la presse romaine des années cinquante. Les nouvelles du recueil proposées ici en édition bilingue prennent place dans le quartier pauvre du Trastevere, et parfois dans quelques cités populaires au bord de la mer comme Terracina. L'auteur raconte peu, mais excelle à retracer une atmosphère, une silhouette, une relation humaine, et le destin de ce sous-prolétariat romain, dont les membres naissent déjà marqués et dont les vies sont soumises à d'implacables déterminismes économiques et sociaux : la rareté des événements et des surprises narratives s'explique par là.

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L'édition bilingue aidera le lecteur à mesurer à quel point l'italien littéraire est une langue difficile, d'autant plus ardue que l'auteur y insère de nombreux passages en dialecte romain (romanesco), dialogués ou non. C'est un élément qui différencie le réalisme italien de son parallèle français : l'Italie a toujours eu deux niveaux de langue (diglossie), la langue officielle écrite et établie depuis Dante et Pétrarque, et les multiples dialectes locaux auxquels le cinéma de Pasolini a habitué nos oreilles. Il y a toujours eu une riche littérature dialectale en Italie, à l'opposé de la France. Cette dimension double de la langue ne passe bien évidemment pas en français, où la séparation entre langue officielle et langues locales était doublée d'une barrière de classes infrangible, tandis que la situation littéraire et linguistique en Italie a toujours été plus souple. Pasolini nous échappe donc, à nous Français, par les jeux subtils de sa prose à travers tous les étages de la langue.

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Enfin, qui dit réalisme pensera, à l'école de Zola ou mieux, de certains auteurs du Nouveau Roman, objectivité et distance du sujet par rapport à son objet. Rien n'irait plus mal à Pasolini, nouvelliste réaliste et lyrique, dont les récits vibrent d'un amour profond et secret pour les gens et les lieux qu'il décrit. Ce lyrisme discret mais prenant, joint à la brièveté des textes et au cadre urbain, m'ont fait penser plus d'une fois à certains petits poèmes en prose du Spleen de Paris de Baudelaire, à quelques pages de prose poétique de Huysmans ou de Jacques Réda.
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