De mon point de vue, son magasin occupait une position stratégique. Situé au carrefour, à équidistance du fourreur et de la fleuriste, il avait été le témoin de leurs heures et de leurs jours. Un frisson me parcourut quand je pris conscience que mon miroitier était le seul reflet de l’intime tragédie qui liait secrètement les Fechner et les Armand-Cavelli depuis deux générations. Sauf que ce reflet-là avait une propriété qui le rendait unique. Il absorbait autant qu'il renvoyait les images. Toute l'histoire de ce morceau de rue avait défilé devant ses glaces.
Monsieur Adret leur ressemblait. Il savait se taire, et taire ce qu'il savait. Parfois, il réfléchissait. Le plus souvent, c'était un homme sans tain.