Pierre Bettencourt était le frère d’André, vous savez, le défunt mari de Liliane. Et contrairement à l’affaire du même nom, ce livre de 1986 est d’une grande drôlerie et légèreté. Poèmes en prose d’inspiration surréaliste ou d’une veine absurde trempée dans l’humour noir, ces fables sont une preuve de plus qu’on peut garder éternellement l’âme d’un jeune homme.
Imprimées sur ce beau papier à caresser de la main avant de le découper au coupe-papier, regroupées en « Fables fraîches, Histoires à prendre ou à laisser, Midi à quatorze heures, Non seulement mais encore, Ni queue ni tête, Le coup au cœur, Non vous ne m’aurez pas vivant, Mille morts, Histoires comme il faut », c’est comme un long ruban de cent trente, peut-être cent quarante perles poétiques qui se découvrent sourire aux lèvres.
Une lecture qui reste fraîche quand tout sombre.
« Visage rentré
Quand j’en ai assez, je rentre mon visage en moi-même. Il n’y a plus qu’une peau lisse sur laquelle personne ne peut lire. Cela m’arrive souvent, hier encore dans un salon.
Mais bientôt quelqu’un s’écrie : Oh ! Regardez ! Alors brusquement je sors mon nez, je déploie mes oreilles, j’ouvre la bouche et les yeux. Je vois que tout le monde me regarde.
Il n’y a plus rien à voir. »
« Jouer d’une femme
Nous avons ici des concours de musique ou chacun joue de sa femme. C’est une façon de la caresser, de la pincer, de la chatouiller, de l’étreindre, de la posséder, qui lui fait échapper des ululements, des soupirs, des rires, des cris, des larmes. Un mari qui ne sait pas jouer de sa femme, le chef d’orchestre vient vers lui et il lui montre. »
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Sublime pour le papier, Pour les illustrations, Pour le texte.
Merci aux éditions Corse : Lettres vives.
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Édité en avril 1968, ce recueil érotique est assez surprenant par la liberté de ton de l'auteur qui prend pour pseudonyme Jean Sadinet. C'est transgressif au possible et raconte, par de courtes fables, les volontés d'un roi et de ses sujets dans un royaume qui a pourtant quelques liens avec la France, mais dont on ne sait exactement où il se trouve. L'auteur fait une référence marquée à Jean Dubuffet, « Le roi protège les arts », l'art brut évidemment.
« ''Un bon peintre, dit-il, c'est un ascète qui a renoncé à tout, aux couleurs, aux formes, aux rapports et qui a encore quelque chose à dire et qui peint, avec n'importe quoi et avec tout.'' Il ne s'agit plus de rendre la lumière par de la couleur, à la manière des papillons ou des fleurs, mais la gagnant de vitesse, la battant sur son propre terrain, de forcer la lumière à s'éclairer elle-même. »
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