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Citations de Pierre Bordage (1797)


L’interminable claustration dans la chambre obscure du pavillon de tante Destinée avait brouillé sa mémoire.
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Les éducateurs avaient décidé de mettre des kilomètres entre sa tante et elle, de la transférer dans un foyer de la lointaine banlieue est en attendant que la commission d’évaluation des immigrés statue sur son sort. Elle n’avait pas d’existence légale pour l’instant. Selon les nouveaux critères du ministère de l’Immigration, elle se verrait proposer la nationalité française, un grand honneur, ou serait embarquée dans un charter à destination du Liberia, un pays qu’elle avait quitté à l’âge de huit ans et dont elle gardait des souvenirs approximatifs.
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Bien qu’elle parlât un français approximatif, Léonie avait réussi à se faire comprendre de ses interlocuteurs – les clients, avec leurs mots orduriers, leurs exigences salaces et leurs couinements, avaient été ses seuls professeurs de français, les porcs.
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Destinée, une femme aux yeux éteints l’avait abordée et emmenée dans son minuscule appartement. Monique, la femme aux yeux éteints, lui avait servi un petit déjeuner copieux et offert des vêtements de sa fille, morte deux ans plus tôt d’anorexie, avant de la conduire dans un centre d’accueil pour les sans abri ni papiers.
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Léonie avait marché jusqu’à l’épuisement dans les rues désertes, s’était terrée, petite chose effrayée et tremblante, dans la cave d’un pavillon abandonné, emmitouflée dans des sacs de jute crasseux et humides, puis, chassée de son abri au matin par la faim et le froid, alors qu’elle envisageait de revenir tête basse, genoux tremblants et ventre en vrac, dans l’antre de tante
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Habitués à son odeur, les deux dobermans de Lucius l’avaient accompagnée sans un grondement jusqu’à la grille d’entrée. Elle les avait remerciés d’une caresse sur le museau.
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D’eux, elle gardait l’image d’épaves échouées sur le tapis du salon, fils de salive et de vomi dégouttant des mentons, rondeurs luisantes et sombres sous le fouillis des vêtements, relents d’alcool flottant dans la pièce comme des remords fielleux.
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À la première faute d’inattention de ses deux geôliers, elle s’était enfuie dans la nuit glacée, nue sous une chemise de laine, stupéfiée par sa propre audace. Ils avaient tellement bu après le départ du dernier client qu’ils s’étaient assoupis à même le sol en oubliant de tirer le verrou de la porte de sa chambre. Elle les avait contournés, craignant d’être trahie par les frôlements de ses pieds sur le carrelage, les battements de son cœur, les clignements de ses cils.
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Léonie craignait également que l’esprit mauvais ramène dans son sillage tante Destinée, la mangeuse d’hommes, et Lucius, le paon, son amant aussi élégant que cruel.
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Rien à voir avec les effets secondaires évoqués par les techniciens du laboratoire : un esprit mauvais la possédait, une araignée emberlificotait son âme, elle mourrait bientôt dans d’atroces souffrances et la médecine des Blancs ne pourrait pas empêcher son agonie, pas même l’adoucir.
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Bien que lointaine, la voix résonnait en elle avec une netteté dérangeante, comme si une étrangère – un étranger ? – lui parlait du fond de ses tripes.
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Sa vie, la chienne, avait apporté bien plus que de menus désordres à Léonie. Elle s’était enfuie quelque temps après que tante Destinée lui avait rendu ses rognures d’ongles. Elle avait pensé, avec sa candeur habituelle, qu’elle en avait terminé avec son cauchemar ininterrompu de douze années, qu’une nouvelle vie commençait à l’aube de ses vingt ans, mais tante Destinée, la hyène, avait probablement gardé d’autres bouts d’elle, des poils, une fiole de son sang menstruel, les trois dents brisées par les poings ou les pieds des clients sadiques, bref, tout ce qu’il fallait pour se rendre chez un marabout et jeter sur elle une malédiction.
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La voix, à nouveau.

Le sang de Léonie se figea. Les deux techniciens en blouse blanche lui avaient assuré qu’elle ne courait aucun risque : la nouvelle molécule avait été testée sur les rats, sur les chimpanzés, puis sur des milliers d’enfants bengalis, les effets secondaires étaient négligeables, sensation de dédoublement, légère tendance à la schizophrénie, elle n’avait que quatre jours à tenir, mille cinq cents euros pour quatre jours, ça valait le coup de supporter de menus désordres pp (psychophysiologiques), non ?
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Elle imprégnait chacune de ses pensées, il était infecté, bon Dieu, contaminé par cette femme. Le pire était qu'il ne s'en défendait pas, qu'il accueillait la maladie avec joie, qu'il acceptait de foutre en l'air sa tranquillité pour le bonheur crétin de sentir le souffle de Sylvaine dans son cou. Il n'avait rien ressenti de tel pour celle qui avait partagé dix ans de sa vie. Ils s'étaient embrasés et consumés en un feu aussitôt réduit en cendres, la passion et les frissons les avaient liés trois ou quatre ans, puis les engueulades et les coups leur avaient tenu lieu de rapports avant qu'une lame silencieuse et empoisonnée se glisse entre eux pour les dépecer. Sylvaine, il avait juste envie de lui tenir la main, de l'entendre rire, de la couvrir d'une tendresse qu'il n'avait jamais ni prodiguée ni partagée.
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[...] les êtres humains vivaient tous sur la même Terre, mais chacun se figurait que l'univers se résumait à ses seules perceptions, à son seul moi. De là sans doute la plupart des malentendus humains. Si les croyances et les certitudes dépendaient de la façon dont les sens appréhendaient le monde extérieur, comment se mettre à la place de l'autre ?
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Anselme n'était pas devenu SDF par accident ou par étourderie. Il avait choisi de vivre des miettes d'une société dont le gaspillage le révulsait. Il avait mis un point d'honneur à ne jamais travailler malgré des études réussies et un avenir qu'on lui promettait brillant.
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On vivait assis ou penché dans un univers dont la hauteur n'excédait pas un mètre cinquante. Les étourdis se cognant régulièrement la tête aux poutrelles de béton du plafond, on choisissait vite d'évoluer à genoux ou à quatre pattes. Cet aspect maison de poupée ou de hobbit avait un effet rassurant sur Léonie. Elle cessait tout à coup d'errer comme une étoile refroidie dans l'espace infini, elle touchait des épaules, des fesses et du crâne les frontières de son monde, comme si le monde devait se replier à ses dimensions pour qu'elle puisse enfin l'occuper, y prendre sa place.
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De deux maux elle devait choisir le moindre. Elle userait de tous les subterfuges pour éviter d'être touchée par Tan, mais, puisque Dennis était mort - elle l'admettait pour la première fois -, il lui suffirait, si elle n'avait pas vraiment d'autre choix, de descendre loin en elle-même, de s'isoler, de s'enduire de la même indifférence qu'avec les clients de la tante Destinée, de redevenir un bout de chair sans âme, un corps anonyme.
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Elle n'était pas certaine d'avoir une très grande envie de survivre, mais quelque chose, un instinct ancestral ou un vieux principe niché dans ses fibres, lui interdisait de mettre un terme prématuré à son existence, elle aurait eu l'impression de commettre une faute impardonnable, un crime contre l'humanité, si elle cédait à la tentation parfois entêtante du suicide.
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Il s'immergea dans un flot sans commencement ni fin, où n'existaient ni passé ni futur, où l'être se suffisait à lui-même. Il se sentit imprégné d'éternité, non pas à la manière de ces fous d'immortalité qui se dérobent sans cesse face à l'énigme du temps, mais éveillé, vigilant, tout entier contenu dans le présent.
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