Citations de Pierre Drachline (31)
La voix du vieil homme me hante. Impossible de m'en défaire. La prégnance des chants tziganes. Rires et larmes sous l'archet du violon.
Nous avons l'après-midi devant nous.
Il n'est pas de plus grande richesse que d'avoir le loisir de dilapider des heures.
Tout temps flambé est de la vie gagnée.
Elle n'avait pas la peau de son âge. Le temps lui avait fait la grâce de ne pas honorer son corps. Celui-ci semblait avoir été greffé sur son visage où la lassitude avait installé ses quartiers de détresse.
Mes voisins me considèrent de loin. Pour les uns, je suis un demeuré social; pour les autres, un misanthrope atrabilaire. La majorité évite de passer sur le trottoir. Craignent-ils que les livres soient des bombes à retardement ? Des attentats contre les certitudes. (p.12)
Raoul Vaneigem ( dans sa préface du livre ) : Pierre n'était pas de ceux pour qui tirer des salves de boulets rouges contre l'oppression est un feu d'artifice , il avait l'innocence de penser qu'un coeur meurtri a les meilleures raison de dynamiter le vieux monde ; que le fulminate de la violence créatrice est paradoxalement le mieux à même de guérir nos plaies existentielles , par la raison que les armes de la vie sont les seules qui ne tuent pas .
Il m'arrive encore de refuser de serrer une main, mais c'est plus par hygiène que par conviction.
Chaque corps est un port d'amertume .
J'en ai plein l'épididyme et je vous en Jérusalem.
Achille Chavée - œuvres
Il surprit dans son regard une sorte de voile. La cataracte ou le chagrin, comment savoir ? Il comprit alors qu'il ressemblait à son géniteur. Deux emmurés. Et les murs ne se parlent pas. Au mieux, ils se font face en attendant que l'un deux s'effondre sous la charge des ans. Le poids des fissures.
Les vieux amants résident en enfance parce qu'il ne saurait être ailleurs.
La terre étant infestée d'adultes, il leur faut construire des iles artificielles où les marées viennent à reculons pour mettre les cœurs à l'heure.
La Singulière m'embarque parfois plus loin vers des rivages incertains.
Je la suis par peur de me perdre.
Borinka repart tête en arrière. quel homme étrange ! Je ne sais plus que penser de lui. Une innocence en acier. De quelles blessures est-il la progéniture ? Je le connaîtrai mieux en découvrant sa bibliothèque. Un individu est la somme de ses lectures. aussi et surtout.(p.47)
Qui ne connaît pas l’ivresse littéraire ignore qu’il est possible de bondir hors de soi.
Mon incompatibilité d'humeur avec une époque où tout et tous se vendent ne pouvait que croître avec les incertitudes de l'âge. Un voile noir se posa bientôt sur mes paupières. Interdit de lumière, je m'enfonçai dans la nuit de la neurasthénie. J'éprouvai l'amer plaisir d'être mon pire chagrin.
Lorsque les crieurs de journaux aboient une catastrophe, une guerre, la disparition d'une célébrité, une quelconque distraction, il glisse ses pas dans les leurs pour savourer l'exaltation, la voracité des promeneurs. Les gens s'interpellent, se parlent. Même les édentés ont l'instant cannibale. Paris-Presse/l'Intransigeant ou France-Soir peut leur chaut. Ils ont faim et soif.
Et l'encre n'altère pas le bouquet du sang à la une. L'enfant se contente des restes du festin. Pas même terrifié à l'idée d'être leur semblable
La lucidité ne se conçoit pas sans une dévaluation permanente de sa misérable personne. Toute vie est une faillite programmée.
Comme il est aisé d'intégrer l'engeance !
Il suffit de se laisser guider par ses pires instincts.
L'appel à la médisance est rarement sans écho.
TANGUY : Qu'est-ce que l'amour physique ?
BRETON : C'est la moitié du plaisir.
C'est l'imprévisible qui crée l'événement. (Georges Braque)
Le vendeur a consenti un crédit longue durée. L'enfant, insolvable de nature, a signé sans réfléchir. Il est désormais soumis à la dictature de sa passion. Celle-ci l'entraînera sur les seuls territoires qui vaillent. Là où l'on se construit chaque jour à mains nues.
La bouquinerie est à mon image. Mal entretenue. Hors d'âge. Un îlot de résistance. Un refuge pour auteurs oubliés avant même qu'ils ne meurent. L'enseigne -Aux invendables- est sans équivoque. Les produits manufacturés ne bénéficient pas du droit d'asile au sein de mon antre voué au culte de l'échec. (p.11)