Lire est une route sur laquelle nous avançons.
Ce que je fais, grossi de ce que j’ai fait, finit par former un ruisseau qui se jettera plus tard dans la mort. Ainsi constamment alimentée, la mort serait une mer d’histoires particulières dont on peut se demander si, une fois mêlées, elles tissent un roman considérable ou, au contraire, une page de plus en plus blanche.
Texte III
Morts, Voltaire et Lénine n’ont plus d’âge mais puisqu’ils sont morts, ils sont encore. Par la tendresse du verbe être, nous sommes avec les morts dans une relation familière. Ainsi mourir serait l’acte par lequel nous cessons d’avoir un âge – même si nous paraissons très vieux ; mais c’est un acte qui se commet en nous, sans plus. Mourir est un verbe particulier, dont le sujet est l’objet : « Je meurs » est le contraire de « je t’aime »
Texte XII
Les morts parlaient de la mort, quand ils étaient vivants. Mais maintenant, quel silence ! Il n’y a rien à en dire, c’est sûr.
Texte XXVII
Lire est une route sur laquelle nous avançons.
Rien n’est plus agréable que de trouver le mot juste : le creux laissé par son passage est un endroit qui dure peu, mais où il ferait bon rester.
Lire est le seul moyen de vivre plusieurs fois.
C'est ce qu'exprime le "goûtes-y", goûtes-y donc": c'est l'envie, le besoin que tous les convives participent au repas également.
Il y a quelque chose d'un peu évangélique-ou anthropophagique- dans mon petit sermon, je le reconnais. Du coup, je pense au pain (j'éviterai le sel). Normalement, le pain se laisse partager, le pain est un ami.(p. 23)
Tous les textes peuvent se lire comme si nous étions leurs contemporains
Quelques années après "La Source", en ouvrant au hasard les œuvres de Rimbaud, je suis tombé sur "Les Déserts de l’amour". Je me suis dit, alors émerveillé, que c’était ce texte-là que j’aurais dû lire au moment de mes premières mouvements. Rappelez-vous :
"Cette fois, c’est la Femme que j’ai vue dans la Ville et à qui j’ai parlé et qui me parla."
Quel merveilleux commencement !
"On vint me dire qu’elle était chez moi : et je la vis dans mon lit, toute à moi, sans lumière !"
On aura remarqué le rôle de la ponctuation dans cette aventure : les deux points, chez Rimbaud, sont les ouvriers du miracle.