Les nymphéas à l'Orangerie
Exposition Claude MONET et nouvelle présentation de la série des Nymphéas au
musée de l'Orangerie à Paris Interview de Gilbert VAHE, chef jardinier de Giverny, Interview de
Pierre GEORGEL, directeur du
musée de l'Orangerie
A la lumière des principes fondateurs de la République à celle des idées brassées en cocktail explosif par la bohème, la notion de réalisme se radicalise et se charge de sens. Elle postule la liberté - celle de l'artiste, affranchi des normes esthétiques , insensible aux pressions du pouvoir, portant enfin sur la société un regard sans complaisance. Elle postule aussi l'égalité. D'abord au niveau des sujets, qui font large place aux obscurs, ceux qui n'avaient droit ni à la justice sociale, ni à la responsabilité politique, ni, dans un autre ordre d'idée, au privilège de la représentation picturale, sinon dans une position subalterne ou sous une forme idéalisée: tout être tel qu'il est, même infime dans l'ordre sociale, même laid selon les canons classiques - tout être et toute chose, car la nature morte et surtout le paysage participent au premier chef à ce grand aggiornamento.
Courbet aimait débrouiller et essayer ses idées par la parole, raconter, discourir, ferrailler avec ses interlocuteurs. passant de palabres de brasserie en confidences intimes, entretenant avec ses proches une correspondance nourrie, poussant la chansonnette et tâtant de la poésie, il savait aussi ramasser sa pensée dans des textes denses. il s'est exprimé sur mille choses: l'art, la société, la politique, la nature, son travail, sa santé, ses lectures, ses voyages, ses amitiés et ses amours, ses affaires d'argent, sa vie quotidienne et celle de ses compagnons.
Si l'apport de Courbet à l'histoire de l'art ne se réduit pas à la notion de réalisme, c'est bien sur la représentation véridique du réel qu'il a expressément fondé sa doctrine, et c'est en confrontant cet objectif à l'idéalisme de ses confrères - un idéalisme ambiguë et polymorphe, mais âprement défendu car solidaire de l'ordre établi - qu'il a opéré sa trouée.
rien d'étonnant si les discours dont il a été l'objet ont surtout porté sur ce conflit entre réalisme et idéalisme et, et s'il ont pris une virulence peu commune dans la littérature esthétique.
Courbet est capable de rendre justice à l'idéalisme sans concession d'Ingres ou de Delacroix, pourtant adversaires virulents du réalisme. c'est que ce dernier ne tend pas seulement ni même essentiellement, à l'imitation du réel. Il concerne d'abord l'attitude même du peintre, dont il exige sincérité, clairvoyance et indépendance à l'égard des conventions. Réalité objective et vérité personnelle y sont indissolublement liées.
Courbet, c'set d'abord une identité et un sentiment de l'existence, assis sur une expérience fortement située. C'est aussi un appétit pour les réalités du vaste monde qui se projette bien au delà de ses lieux et milieux originaux. mais ces impositions ne se révèlent solidaires qu'après un temps d'ajustement, où le jeune peintre, touché par l'éclectisme ambiant, se disperse et sacrifie à un romantisme superficiel.
En 1870, à cinquante et un ans, Courbet est en pleine gloire, éclatant de vie et sa créativité semble inépuisable. mais il va être emporté dans une des crises les plus dramatiques qu'ait connues la société française. Sept ans plus tard, il meurt exilé et épuisé, à demi déchu comme artiste. Entre temps, l'Histoire - l'histoire glacée des lendemains de la Commune - l'a broyé.
Un univers imaginaire d'une parfaite cohérence se dessine au coeur de cet oeuvre ouvert, qui ne se laisse réduire ni à la logique d'une évolution ni à l'unité d'une esthétique.On pourrait en esquisser la géographie sommaire : un pôle tendre et nostalgique, habité par les humbles, in pôle grotesque où grimacent de sinistres marionnettes sociales; le pôle banal et cher de l'expérience quotidienne, noyée dans un crépuscule de rêverie, et celui des grands rêves quichottesques; le spleen et l'idéal...Sans recourir à la psychanalyse, le spectateur sensible ne peut manquer de percevoir, au-delà du témoignage, sans cesse évoqué, de ces oeuvres sur leur temps, leur intense rayonnement affectif.
L'irruption de Courbet au salon de 1850-51 a bouleversé le cours de l'art moderne, renvoyant dos à dos classicisme et romantisme dans les douteuses régions de l'idéal, mettant à nu les équivoques un proto-réalisme d'avant 1848.
Il entend "puiser dans l'entière connaissance de la tradition le sentiment raisonné et indépendant de [sa] propre individualité".
Imaginés depuis l'origine, (la peinture enveloppant toutes les parois de son unité..." Une transparence tour à tour, verdie et mauvée..." et concrètement affirmés dès la mise en train des premiers panneaux, les caractères distinctifs du projet,l'unité et l'immatérialité, se sont encore intensifiés lors des ultimes campagnes de travail.