Pierre-Henri Salfati. Je suis venu vous dire. Gainsbourg par Gainsbourg
(p. 125)
On raconte qu'à la sortie de Treblinka, deux rescapés s'interrogeaient sur leurs projets d'avenir :
- Et maintenant que vas-tu faire ?
- Je pense que je vais aller en Australie;
- En Australie ? Mais c'est loin ça, l'Australie !
- Loin d'où ?
(p. 125)
La nouvelle société allemande avait envisagé la fin de l'errance juive, non plus par le rêve sioniste, mais par la solution finale; mais le Juif errant n'est pas parti en fumée. Sa "malédiction" l'a protégé, il a compté parmi les rescapés. Le peuple juif a survécu aux millions de morts des camps et a repris sa quête sans fin après la tourmente.
(p. 193)
Marcheur sans relâche, le Juif errant est par excellence le témoin du temps. Il incarne le savoir universel, l'éternelle mélancolie, l'espérance absolue, il inspire pitié, respect, fascination, son périple est terriblement héroïque, il s'est sorti de toutes les épreuves, il a assisté à tous les drames de l'humanité. Héros absolu puisque, condamné par la volonté divine à ne faire que passer, chacun peu se reconnaître en lui. Nous sommes tous des Juifs errants !
(p. 190)
Quand viendra-t'il, le sauveur ? Quand, sinon jamais ? D'où viendra-t-il, le sauveur, sinon de nulle part ? Quelle idée saugrenue, cette idée que le monde a besoin d'être sauvé, a fortiori par l'homme... Ayant donné naissance à bien des héros, le Juif errant n'es est pas moins que la métaphore de l'homme dans sa généralité, ce perpétuel errant qui tente tant bien que mal de se sédentariser pour se cacher à lui-même sa nature nomade, sa nature mortifère.