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Critiques de Pierre Jourde (255)
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Pays perdu

Le narrateur nous emmène dans le village ou il a passé son enfance il est accompagné de son frère car celui-ci doit hériter du cousin Joseph. A leur arrivée ils apprennent le décès de Lucie qui petite les regardait lire et dont ils gardent en mémoire le sourire qui ne l’a jamais quitté malgré la maladie. C’est l’occasion pour l’auteur de nous offrir une description réaliste de ce petit hameau, avec les habitudes de ses villageois, il nous fait partager leur vie, ses émotions, ses souvenirs dans une écriture sans concession, mais poétique. Je n’ai pas trouvé ce livre dérangeant, il m’a rappelé mes vacances dans un petit village jurassien dont les habitudes étaient parfois similaires. Je pense que certains villageois se sont sentis insultés, les mots peuvent devenir des coups de poignard et être très douloureux quand ils ne sont pas compris ou expliqués.
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Lettres à Sade

L'idée de cet ouvrage est excellente, étrange voire fantastique :A l'occasion des 200 ans de la mort de Sade (+18.12.1814), 17 écrivains (mais aussi philosophes, universitaires, peintre, scénographe ou cinéastes) ont été conviés à lui adresser une lettre à leur convenance,à la première personne ou non.

Si presque tous ouvrent leurs missives par de respectueux ou de polis Cher Marquis, Cher Marquis de Sade, Cher Sade, Cher Monsieur de Sade, Comte, Cher Donatien-Alphonse-Francois, un ose un Votre Énormité et une autre un Mon cher amour.

Classées en trois thèmes (Libertés, Modernités et Éternités), ces lettres d'amour, de reproche, d'adieu ou de remerciement saluent toutefois presque unanimement l'homme acharné à vivre libre malgré l'emprisonnement, l'embastillement, l'internement.

Un de nos contemporains tient à le remercier pour nous avoir appris le caractère obsessionnel du désir, un autre salue le véritable écrivain, le provocateur ultime, un autre encore relate le choc ressenti à la découverte de son oeuvre et son emprise sur sa vie personnelle et ses rencontres. Une cinéaste, femme d'images, l'imagine sur un plateau télé interviewé par un journaliste avide de scoops bien scabreux.....

La grande intelligence de cet ouvrage est de n'être pas tombé dans l'écueil qui aurait été d'empiler des louanges et rien que des louanges afin de lui tresser une couronne mortuaire faite de lauriers alors que l'épine sied mieux à ce cher Sade !

Ainsi, reçoit-il une lettre d'adieu de celle qui, fatiguée du chaos et des cahots de l'existence, lui annonce qu'elle ne le lira plus, qu'il sera désormais le fantôme de sa bibliothèque mais qui, ultime fidélité, le remercie de l'avoir peut-être aidée à se libérer de ses chaînes.Une autre lettre d'adieu lui parvient d'une autre lectrice qui avoue vouloir jeter l'éponge afin de sauvegarder son âme et son esprit.

Ainsi Sade reçoit-il aussi une missive s'interrogeant sur la récupération faite de son personnage et sur la reconnaissance qui en dit long sur la misère des temps que nous traversons....

.. pauvre Monsieur de Sade ! Finalement reçoit-il une longue lettre d'amour enflammée !

Merci à Babelio (via la Masse Critique) et à la maison d'édition Thierry Marchaisse pour m'avoir fait découvrir cet ouvrage fin, intelligent (belle couverture ) que je recommande vivement!
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Le Jourde et Naulleau : Précis de littérature d..

Eric Naulleau s'est fait connaître par le grand public en s'attaquant à Michel Houellebeq, bien lui en a pris au vu de la notoriété qu'il a acquise depuis même si ses arguments étaient assez faibles face à l'écrivain le plus dépressif de France.

Ici, il s'allie avec le dénommé Pierre Jourde pour démonter et, par la même occasion, démontrer la médiocrité de certains écrivains d'aujourd'hui pourtant très souvent encensés par la critique.



Ils cisaillent, avec humour et je dois l'avouer une certaine cruauté, l'un des plus gros vendeurs actuel de l'hexagone, Marc Lévy, ce qui n'est pas très difficile quand on regarde son oeuvre au microscope littéraire (le roi du cliché à l'eau de rose).

Bien d'autres y passent comme BHL (que l'on ne présente plus), Philippe Sollers (l'écrivain le plus imbu de sa personne), Anna Gavalda (qu'on ne me reprendra plus à lire), Christine Angot (au style tellement dynamité qu'il n'en reste presque rien, que du vide) etc...



A lire tout ceci, on se demande comment cela est possible, que les critiques littéraires laissent passer tant de fautes de goût et de plume à la trappe de la bienséance qualitative.



Je me suis même amusé à réécrire à ma façon un paragraphe d'Anna Gavalda. Voici le sien :



« Telle que vous me voyez, là, je marche dans la rue Eugène-Gonon.

Tout un programme.

Quoi, sans blague ? Vous ne connaissez pas la rue Eugène-Gonon ? Attendez, vous me faites marcher, là ?

C'est une rue bordée de petites maisons en meulière avec des petits jardins en pelouse et des marquises en fer forgé. La fameuse rue Eugène-Gonon.

Mais si ! Vous savez, Melun... Sa prison, son brie qui gagnerait à être mieux connu et ses accidents de train.

Melun.

Sixième zone de carte orange.



J'emprunte la rue Eugène-Gonon plusieurs fois par jour.

Quatre en tout.

Je vais à la fac, je reviens de la fac, je mange, je vais à la fac, je reviens de la fac.

Moi à la fin de la journée je suis crevée. »



Et voici ma version :



« J'ai arpenté tant de fois la rue Eugène-Gonon de Melun que j'en connais ses moindres recoins. Ses maisons en meulière aux petits jardins en pelouses et ses marquises en fer forgé que je connais par cœur.

Je l'emprunte quatre fois par jour pour me rendre à la fac pareil à un yoyo ne cessant mécaniquement de descendre et de remonter, à n'en plus finir.

À tel point qu'à la fin de la journée je suis exténuée, fatiguée. »



On pourrait faire de même avec chaque écrivain cité dans ce livre.



Gilles Deleuze disait, dans son abécédaire enregistré aux alentours de 1988, que la littérature contemporaine ne l'intéressait pas, parce que pour lui, elle était corrompue par le marketing et les prix littéraires. Je suis tout à fait de son avis.

C'est une bonne chose de lire, encore faut-il lire des livres de qualité, autrement lire et ne pas lire reviendraient au même, ce livre me montre l'évidence de ce que j'avance.
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Festins secrets

Le talent de Pierre Jourde éclate dès les premières pages de ces festins secrets. Son écriture est ébouriffante, anxieuse, frénétique. Elle prend le lecteur par la main et l'emmène loin, dans des territoires inconnus, aux frontières du réel, dans les tréfonds de l'âme humaine. Cet endroit que Jourde appelle Logres nous semble aussi familier qu'irréel. Là, angoisses et cauchemars sont au rendez-vous. On y passe un moment pas forcément toujours agréable, mais de ce malaise, on en ressort plus fort, plus vivant. Le tout est très précis, à la limite de la surenchère lexicale.

Ce livre est un véritable remue-ménage de l'esprit.
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La Littérature sans estomac

Un violent pamphlet contre le monde littéraire parisien, qui selon Jourde, autour du grand gourou Sollers et de la rédactrice en chef du Monde des livres, encense des auteurs qu'il juge médiocres. Il déplore le manque de polémiques dans le monde littéraire, le "tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil". Parmi les "scribouilleurs" éreintés dans cet ouvrage : Sollers, Begbeider, Angot, etc..... >Il dit aussi du mal de Houellebecq, mais lui reconnait un certain talent. Même chose pour Catherine Millet. Suite à ce brulôt ("la littérature sans estomac") Jourde a d'ailleurs dû comparaître devant la justice pour diffamation à l'égard de la rédactrice du monde des livres (Josiane Savignon).
Lien : http://jcfvc.over-blog.com
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La présence

Petit livre sur les maisons et sur les craintes qu’elles nous inspirent. Qu’elles soient maisons de campagne de famille ou maisons de passage, avant de retourner chez soi, chacune de ses maisons donne l’impression d’ « être » à part entière. L’auteur laisse ses terreurs le submerger, prendre forme et faire de la nuit, le moment propice à les réveiller.

Ceci n’est pas un roman, ni une histoire simplement des impressions d’enfance et d’adulte sur ce que lui inspire les maisons. J’ai parfois eu un écho en moi de cette « présence » de maison qui n’avait pas encore de nom. C’est un texte angoissant par moments mais qui tombe juste. Un auteur que je relirai.

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Festins secrets

Le premier grand roman de Pierre Jourde. Un vrai festin littéraire, en effet.



Publié en 2005, "Festins secrets" fut sans doute le roman de la révélation pour Pierre Jourde (c'est en tout cas par là que je l'ai découvert à l'époque), pour cet écrivain jusqu'alors surtout connu pour ses talents de critique authentique, et malgré - déjà - l'écho et la polémique suscités par sa troisième fiction, "Pays perdu", en 2003.



À la relecture, plus encore qu'en première approche, il est saisissant de constater à quel point l'exigence et le talent littéraire ici à l'œuvre permettent à l'auteur de sublimer son propos "de base"...



Oui, le regard du narrateur, professeur de collège encore tout gorgé de passion de l'enseignement et de la littérature, muté dans cette sombre ville de province, très vite confronté à la double horreur sociale - élèves perdus et abrutis, bourgeoisie perfectionnant l'art de l'hypocrisie jusqu'à des sommets inégalés -, dresse un constat noir, virulent, voire provocateur, de la déliquescence d'une société et de la fermentation inexorable de ses pires miasmes.



Mais utilisant toutes les ressources d'une panoplie technique et narrative de très haute volée, ce narrateur particulièrement peu fiable, et l'irruption contre toute incrédulité d'éléments quasiment fantastiques, dressent avant tout le chemin d'une exploration du Mal contemporain, thème de prédilection pour un auteur par ailleurs professeur et critique pointu, fin connaisseur du XIXème siècle tardif et de l'écriture de la décadence, comme le soutiennent bien entendu son "Empailler le toréador" ou plus encore son "Littérature monstre".



La puissance de ce roman demeure, huit ans après, au delà de l'intense plaisir qu'en procure la lecture foisonnante, de dénicher le Mal à sa racine, qui n'est pas, contre toute attente politiquement correcte, d'ordre moral (ou presque marginalement), mais avant tout dans le triple manque d'exigence, d'ambition et d'honnêteté intellectuelle, engendrant de fait l'horreur économique, et donc l'horreur morale... On est en réalité infiniment loin des procès en "réaction" trop souvent intentés à l'auteur par une critique complaisante se voulant politisée mais se contentant une fois de plus d'accompagner la chute en sauvegardant ses petits privilèges personnels...



Cette exploration se poursuivra, pour notre plus grand bonheur, dans les romans ultérieurs de l'auteur, pour culminer, à date, avec le monument que constitue "Le maréchal absolu" (2012).



"Festins secrets" est une lecture nécessaire.

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La tyrannie vertueuse

Pierre Jourde est un cantalou qui a gardé son bon sens paysan et que les succès universitaires n'ont pas enivré. Comme quelques rares hommes de gauche il reste droit dans ses bottes et refuse la dérive islamo-gauchiste, intersectionnelle et autres balivernes.

Sa réflexion atterrée sur le débat intellectuel est alimentée par de multiples exemples de la dangereuse bêtise des nouveaux gardes rouges. Il argumente avec pertinence, réaffirme avec ferveur les valeurs universalistes et laïques de la gauche traditionnelle mais son combat parait perdu d'avance, il n'y a pas assez de Jourde dans les universités, les média et les politiques.

C'est la lâcheté des dirigeants qui nourrit la peur chez ceux qui voudraient se rebeller, quiconque s'oppose sera lâché par sa hiérarchie et ses pairs.

Les mouvements décolonialistes, féministes, anti-racistes autrefois nécessaires ne savent plus s'arrêter, la machine ivre de son inattendu pouvoir s'est emballée et s'installe dans la surenchère et bientôt la violence. Sans compter l'aspect économique: l'état aveugle finance associations, colloques et autres manifestations sans parler des "chercheurs" qui détruisent l'université.

Tout ce beau monde pétri de contradictions et d'antagonismes se rassemble face à son ennemi l'homme blanc occidental hétérosexuel. Celui-ci croyait naïvement qu'il s'était débarrassé de ses vieux démons et qu'il était devenu l'exemple à suivre, erreur fatale il a été désigné comme l'ennemi du genre humain, la cause de tous les malheurs de l'humanité. Sa mort est démographiquement programmée, pas besoin de théorie du Grand remplacement, les choses se feront d'elles-mêmes en quelques siècles, espérons seulement que certains n'aient pas envie d'accélérer le mouvement.

Merci à Pierre Jourde d'être courageux, de prendre le risque d'être médiatiquement cloué au pilori mais il saura se défendre.

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Winter is coming

Il fait beau , on est en forme et passer un moment tranquille dans un transat avec un bon livre devient très tentant. Hélas, pour vous, en cette période de week-ends prolongés, je ne suis pas certain d'arriver à vous convaincre de passer deux ou trois heures avec le dernier ouvrage de Pierre Jourde.

"Winter is coming" n'est absolument pas un mauvais livre, loin de là, mais son sujet a tout du repoussoir, puisque l'auteur raconte les onze derniers mois de son fils Gabriel atteint d'un cancer aussi incurable que rapide. Pour se détendre, on peut trouver mieux. Je sais que beaucoup évitent ce genre de sujet. On peut les comprendre. Je défie quiconque de rester insensible à ce récit, nous renvoyant à la figure nos peurs, nos doutes et notre mort prochaine. Certains pourraient même aller jusqu'à dire que ce genre de peine, de chagrin, doivent rester personnels, que ce dévoilement de l'intime a quelque chose d'exhibitionniste. Je ne partage pas du tout ce point de vue. Il est même important, nécessaire, intéressant, que nos auteurs exercent aussi leur acuité sur ce terrain là.

Bien sûr, nous sommes loin de la lecture plaisir. Ce témoignage est rude, jamais exhibitionniste, juste le ressenti d'un père qui voit se produire sous ses yeux ce qui ne devrait jamais arriver, la mort de son enfant. Alors on lit ce texte teinté de colère devant un sort aussi injuste. On lit le désarroi d'un homme qui essaient de croire à une guérison tout en voyant son fils s'affaiblir, maigrir, passer d'un énergique et beau musicien prometteur à un malade affaibli et souffrant. On y trouve aussi la description impitoyable d'un milieu médical qui l'est tout autant avec ses pontes au-dessus de la souffrance humaine, froids techniciens de nos corps ou ses médecins empathiques aux discours rassurants quelque soit l'avancée de la maladie. Partagé entre l'envie de croire des paroles d'espoir et la colère que suscitent les moments d'attentes innombrables et les mots francs qui foudroient, Pierre Jourde creuse au plus profond de lui pour nous livrer ses pensées les plus intimes. Cela a le mérite de la franchise. L'homme blessé n'a plus aucune pudeur. Chacun réagissant selon un parcours bien particulier, son histoire, très personnelle, ce partage de souffrance, d'incompréhension parfois, touche l'universel.

La fin sur le blog
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La première pierre

Un an après la parution de "Pays perdu", alors qu'aucun de ses précédents livres n'était jamais parvenu là-haut, la polémique bien orchestrée est lancée : « Surtout, tu ne cognes pas… Si on t'agresse, tu ne réponds pas. » Pierre Jourde, son épouse et ses trois enfants, revenus pour passer quelques vacances dans leur maison, sont littéralement agressés, violentés.

Pourtant, après avoir reçu insultes et menaces, il avait pris la peine d'écrire à chaque habitant de Lussaud pour expliquer sa démarche d'écrivain mais ce fut en pure perte. Ici, l'auteur parle à la deuxième personne du singulier, ce qui donne un caractère encore plus émouvant au texte : « Si tu as écrit ce livre, c'est par amour du pays, tu y viens deux à trois fois par an depuis ta naissance. »

On lui reproche d'avoir révélé des histoires intimes alors qu'il avait changé tous les noms sans révéler le nom du Pays perdu : «… il y en a qui ne les savaient pas dans la famille. » À peine arrivé, tout dégénère : « Les pierres commencent à voler. Tout le monde s'y met. » Ses deux aînés, métis, sont traités de « sales Arabes » et son plus jeune fils, âgé d'un an est blessé à la tête. le sang coule.

Tout cela aboutit deux ans après au tribunal d'Aurillac et les auteurs des violences sont condamnés mais rien n'est terminé. Pierre Jourde va plus loin dans ce livre pour tenter de comprendre et d'expliquer pourquoi des gens avec lesquels il partageait tant de choses en sont arrivés là.
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Pays perdu



N°901– Mai 2015



PAYS PERDU – Pierre Jourde – L'esprit des péninsules.



Parce que son frère vient d'hériter d'un lointain cousin, Joseph, il revient avec le narrateur dans ce village perdu du Cantal pour prendre possession de son héritage, au vrai pas grand chose une fois que toutes les vieilleries auront été brûlées et les lieux nettoyés de tout ce que ce vieux célibataire avait, tout au long de sa vie, amassé. C'est aussi l'occasion d'apprendre la mort de Lucie, une jeune fille du village, torturée depuis longtemps par la maladie et d'aller à ses obsèques.



Ce roman qui se déroule sur deux jours retrace la vie des habitants d'un petit village du Cantal, Lussaud, où l'auteur a ses origines. C'est effectivement un pays perdu, un petit village de quelques familles dont le nombre va diminuant, où la route qui y mène se termine en cul-de-sac. A l'occasion de cet enterrement où il va revoir des voisins et des parents éloignés, des souvenirs d'enfance vont lui revenir et il va décrire ce terroir tel qu'il le voit, comme si l'écrivain qu'il est, portait cela en lui depuis bien longtemps. Sous sa plume, les paysages sont bucoliques et décrits poétiquement mais le village lui-même et ses habitants sont marqués, comme bien souvent ailleurs, par la solitude, l'alcoolisme, le suicide, le handicap mental qui résulte souvent des conséquences d'un alcoolisme militant et des mariages consanguins depuis plusieurs générations. Il évoque les incontournables vieux garçons, restés célibataires pour n'avoir jamais croisé de femme, la haine des clans, entretenue d'années en années, née d'une faute grave ou d'une broutille mal interprétée et qu'on avait même fini par oublier, mais qui est vouée à une impossible réconciliation. Il parle des inévitables adultères que tout le monde connaît mais qu’il faut taire, des ragots, de la cohabitation des générations sous un même toit, de la traditionnelle obéissance aux anciens, des rituels comme les verres de vin et d’apéritifs qu'on partage, les parties de belote, la lecture du journal, la mise à mort annuelle du cochon, la vie simple, austère, dure, de la saleté des fermes, de l’hygiène plus que relative au quotidien, de la rudesse du climat d'hiver, des villages quasi-déserts aux cimetières plus peuplés que les maisons. Il n'oublie pas non plus les fantasmes entretenus de tout temps, celui du trésor caché, des hypothétiques louis d'or enfouis dans les matelas mais qu'on en retrouve jamais. D'ailleurs le narrateur lui-même y succombe, les cherchant sans l'avouer, dans le fatras du cousin Joseph. De tout cela il parle sans complaisance et sans détour, décrivant le village tel qu'il est. Il se souvient de son enfance passée au village, revoit ceux qui sont encore là et qui suivront le cercueil et ceux qui ne viendront pas. Cet enterrement lui rappelle son père, sa vie, sa tombe...Il se laisse aller à des considérations personnelles sur la mort, la souffrance, les larmes qu'il exprime avec les mots de l'écrivain.



Ce texte évoque la disparition progressive et définitive d'une certaine forme de société paysanne qui désormais appartient au passé ou qui est promise à une mort prochaine et dont l'auteur a voulu porter témoignage. Même si ce n'est pas exactement un hommage, le dire, surtout de la manière dont a choisi l'auteur, n'a rien de déplacé et ne manifeste aucune volonté de dénigrer quiconque, même si ce n'était pas tout à fait ce qu'attendaient ces habitants. Malheureusement, ce livre qui est avant tout une œuvre d'art, une œuvre de l'esprit, n'a pas atteint son but, bien au contraire puisqu'une incompréhension s'est installée en même temps qu'un malaise. Ce qui, au départ ne devait être qu'une nouvelle relatant la mort d'une jeune fille s'est petit à petit transformé en roman à l'invite des souvenirs de l'auteur. Dans ce microcosme où tout se sait mais où tout doit rester secret jusqu’au sein des familles, il a osé briser le tabou du silence en évoquant les gens et leur histoire, même si les noms ont été changés. Ceux qui se sont reconnus ne l'ont pas supporté, l'ont accusé de « violer » ce village et sous couvert de parler d'eux s'est mêlé de ce qui ne le regardait pas, a révélé tout cela tout cela au grand jour. Dire des vérités, révélé des informations est devenu à leurs yeux inconcevable même si l'auteur y a inclus lui-même sa propre histoire, celle d'une lointaine filiation adultérine.



Pierre Jourde n'est pas un inconnu pour cette revue et la lecture de « La première pierre » m'avait ému (La Feuille Volante n°708). Il se trouve que les personnages dont parle l'auteur ont considéré que ce dernier, même s'il était originaire de ce village et même s'il était écrivain, n'avait pas le droit de parler des vivants et des morts, c'est à dire d'eux. Une polémique est donc née et, après la parution du livre, lorsqu'il est revenu, comme chaque été pour les vacances dans ce village où il possède encore une maison de famille, il a été agressé et la chose s'est terminée comme de juste devant le tribunal. C'est un peu comme si, puisqu'il était parti du village, qu'il avait embrassé une autre vie que celle de gratter la terre, qu'il avait choisi de vivre différemment des gens d'ici, qu'il était devenu universitaire et écrivain, il était maintenant considéré comme un étranger dont peu ou prou on était jaloux. Georges Brassens ne dit pas autre chose « Non les gens n'aiment pas que, on suive une autre route qu'eux » ce à quoi Pierre Vassiliu lui répond « Ça emmerde les gens quand on vit pas comme eux ».



Ce que je retiens pour ma part et en dehors de cette polémique stérile (d'autant qu'il y a « chose jugée »), c'est l'écriture poétique de cet auteur, les descriptions méticuleuses et particulièrement réalistes des paysages et des gens. A titre personnel, j'ai entendu la même petite musique agréable que celle dont le poète Georges-Léon Godeau faisait entendre dans ses écrits. Je pense aussi qu'il ne peut y avoir d'art, d'inspiration, sans la nourriture de l'esprit qu'est le réel et qu'un écrivain choisisse d'irriguer son œuvre avec ses souvenirs et son environnement n'a rien de scandaleux. Au nom de quoi les peintres, les musiciens, les écrivains n'auraient-ils pas le droit de puiser leur créativité dans la réalité qui les entoure. Il me semble d’ailleurs que cela a déjà été fait, et avec talent, et notre belle littérature est riche de ces écrits dont notre culture, à juste titre, s’enorgueillit. Et puis n'a-t-on pas beaucoup parlé récemment de la liberté d’expression qui est si chère à notre démocratie et à notre modèle social ? Il y a, bien évidemment, l'indispensable respect de l'autre mais, sans vouloir entrer dans le débat, je n'ai vu dans ce texte aucune allusion tendant à porter préjudice à ceux qui sont ici décrits ni la moindre la moindre intention de leur nuire. Si ce qu'ils ont lu correspond à la réalité et que cette réalité les indispose, qui y peut quelque chose ?





©Hervé GAUTIER – Mai 2015 - http://hervegautier.e-monsite.com
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La première pierre

Dans Pays perdu, paru en 2003, Pierre Jourde décrivait le petit village du fin fond des montagnes du Cantal dont est originaire sa famille (depuis Louis XIV !), où il a passé des vacances étant gamin (bagarres, s'étaler dans le purin, cuites, travaux champêtres, vêlage, etc...) et est revenu chaque été avec sa famille.



Après parution du récit, certains villageois l'ont lu (ou du moins une partie), n'ont pas apprécié, il y a eu des courriers, surtout l'auteur s'est fendu d'une lettre explicative.



En 2005 le voilà donc revenant avec famille complète et bagages pour un nouveau séjour. Plusieurs villageois foncent dans sa cour. Injures (certaines racistes à l'égard de ses gamins), coups échangés, blessures, jets de pierre (dont l'une atteindra son petit de 15 mois), voiture caillassée, bref, c'est la fuite obligée.

Ensuite en 2007 un procès.



Depuis, fêlures, cassures, on ne se salue pas, ceux qui ont témoigné pour lui sont quelque peu ostracisés, même les nouveaux arrivés au village, des gens de l'extérieur, ont pris fait et cause.



"Tu as été amputé de toi-même. D'un lieu qui est toi-même. Tu ignorais que c'est un livre qui effectuerait cette douloureuse opération. Pas tout le lieu, mais une grande partie de lui, à présent, te rejette. La littérature sépare, comme le scalpel, c'est là son premier effet. Elle sépare, et puis elle recompose aussi."



Un récit écrit non avec je (Pays perdu utilisait le je et le nous), mais le tu . "Et tu comprends brusquement, pauvre naïf petit bonhomme..."



Le procès a eu lieu, donc loin de moi l'idée ou la possibilité de prendre parti. D'ailleurs Jourde ne semble pas vouloir régler ses comptes avec ce livre, et j'ai senti qu'il craignait encore de l'incompréhension. A l'époque, les journalistes se sont déplacés, on en a même parlé à l'étranger. Pas dans mon coin, et finalement je me demande si la clameur n'était pas déjà bien retombée. Sauf les traces au village.



Jourde se défend de certaines accusations, son objectif était de montrer "la royauté dans l'alcool, la noblesse dans la solitude, la grandeur dans la merde." "Au début, ça n'avait pas été un livre, mais une simple nouvelle, qui se cantonnait à la narration des obsèques de la fille de François et Marie-Claude. Une fois la nouvelle publiée, tu lui avais donné les dimensions d'un livre, simplement en décrivant les vivants qui viennent voir la morte, à la veillée, et les morts qui ne pourront pas venir, mais qui sont là quand même. (...) Il n'y avait pas un "eux", ni un "je", mais le plus souvent un "nous" qui t'englobait, toi, ta famille et les autres familles dans une collectivité rassemblée autour du deuil. Qui vous associait dans tout ce que tu évoquais, puisque tu t'étais vautré tout petit dans la fosse à purin, vautré jeune homme dans la neige, perdu d'alcool, puisque ton père, tu le racontais, était issu d'une union adultérine et consanguine. Qui vous associait aussi dans les saisons et les travaux."



Il essaie de comprendre comment ses écrits ont choqué ou été mal compris.

"Aussi t'en veulent-ils, non pas de ce qu'ils croient que tu n'aimes pas, mais bien plutôt de ce qu'ils n'aiment pas en eux-mêmes."

"Dire le handicap, c'est désigner celui qui en est affecté. Le désigner, c'est le dénoncer. Il n'y a pas de neutralité de la parole envisagée ainsi. Elles est positive ou négative, elle choisit le bien ou le mal. Par conséquent, dire une chose qui n'est pas belle, ou pas tout à fait normale, vouloir que cela se fixe dans l'écrit, c'est la vouloir en tant qu'elle est mauvaise, c'est vouloir le mal; T. se voyait dénoncé."



Voilà aussi un point important : il reconnaît n'avoir pas réalisé qu'un secret peut être connu de tout un village, mais pas des principaux concernés. L'histoire de son père était connue, mais lui ne l'a apprise que tardivement. De même dans son livre il évoque un secret de ce genre -bien connu- mais la révélation a choqué."Ce dont tu ne t'es pas douté, disait-il, c'est que ces histoires que tu as rapportées, des histoires intimes, il y en a que ne les savaient pas dans la famille."



Il a brisé le "culte du silence qui se transmet de génération en génération dans ces hameaux. Parler de ce qui se passe dans une autre maison, c'est un peu comme y pénétrer. Cela ne peut se réaliser qu'au prix de grandes précautions. L'espace de la maison, avec tout ce qu'il peut contenir d'intimité, a quelque chose de sacré: il est celui de la maîtrise, de la propriété, du quant-à-soi. On reste un moment sur le seuil, on n'entre pas plus loin sans demandes réitérées, on ne s'assoit pas sans le même jeu d'invites et de refus. Une fois assis devant le verre, on ne parle pas de soi, bien sûr, et jamais de ses sentiments, de ses chagrins."



Un récit plutôt plein d'amertume, oui, de tristesse. Heureusement les derniers chapitres nous élèvent au dessus du village, avec le récit d'une des dernières estives, "au cul des vaches" comme on dit par chez moi. "Herbe, vaches, eau, ciel et vent sont les cinq ingrédients uniques qui composent ce monde. Un compromis entre l'Asie centrale et le Far West : le Far Centre."



Pour finir par clamer qu'une fois mort, il demeurera "toujours là, malgré eux, chez soi".
Lien : http://enlisantenvoyageant.b..
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Pays perdu

Ce livre avait provoqué l'ire des habitants s'étant reconnus dans les portraits féroces de villageois alcoolisés sculptés par l'auteur à coup de serpe vitriolée. Ces autochtones offensés avaient attaqué l'écrivain et sa famille alors qu'il venait passer des vacances dans le village, dans sa maison familiale.

Ce fait divers consternant avait d'ailleurs fait l'objet de commentaires dans la presse nationale et locale lors du procès des agresseurs au tribunal d'Aurillac



Le texte (s'agit-il vraiment d'un roman ?) est vraiment très bien écrit. Il est vrai que l'écrivain ne ménage pas ses modèles, ne voyant chez les êtres qu'il évoque, que les mutilations causées par les outils de travail, la boisson, les animaux. Ce côté glauque, impitoyable, est d'ailleurs un peu trop systématique chez cet auteur, que ce soit dans sa fiction (voir Festin secrets), ou dans son oeuvre critique (la littérature sans estomac) Mais en même temps, comment ne pas voir, au-delà de ces portraits cruels de personnages dévastés par la vie, l'humanité, certes frêle et chancelante, qui émane de ces portraits. J'y vois pour ma part sourdre, au coeur même de l'écriture impitoyable, une profonde empathie envers ce pays (le plateau du Cezalier), abandonné en marge de l'autoroute pas si lointaine, envers les gens qui persistent à vivre et à exister aux marges d'un monde en pleine mutation.

Il est curieux que ce livre rejoigne, dans ses thèmes et son écriture, sa vision d'un monde rural en train de sombrer (ayant déjà largement disparu dans les trente glorieuses), trois autres écrivains du centre de la France : Millet, Michon et Bergougnoux.



Cela me parait confirmer qu'une littérature puisant son inspiration dans le terroir du massif central (ou d'autres terroirs d'ailleurs) - qui n'est pas "régionaliste" et qui est bien plus intéressante que celle de l'école dite "de Brive" - est possible, existe bel et bien.



Tant mieux si de nouveaux Giono peuvent renouveler le genre et sortir un peu la littérature française de l'ornière introspective parisienne dans laquelle elle a parfois tendance à s'enliser.



La France existe aussi au-delà du périphérique, et la littérature doit en rendre compte, à sa manière.


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L'heure et l'ombre

J’ai lu ce roman en 2010, je sais que je l’ai relu en 2015, il m’en reste quelques souvenirs vagues. C’est étrange comme on oublie certains grands et beaux romans car j’admire Pierre Jourde, c’ est d’autant plus étrange que ma relecture a été différente, moins agréable que la première fois, faudrait-il que je fasse une troisième tentative ? Point ne sais. Enfin voici mes impressions d’il y a 13 ans déjà.



Quand on a découvert Pierre Jourde, on ne peut plus se passer de lire tous ses livres : voici l'écrivain du XXI ème siècle tant attendu.

"L'heure et l'ombre" est le roman de la nostalgie mélancolique, où la vie rêvée s'est arrêtée à l'ombre d'une petite fille dont s'est épris le narrateur quand il était lui aussi enfant.

Sa hantise est de la retrouver, en retournant à Saint Savin, là où il passait jadis ses vacances.



On sera d'abord surpris par l'étrange parcours et les péripéties, nombreuses, qui semblent autant d'hésitations et d'explications pour arriver au but.

Des personnages sortant de l'ombre, fantomatiques, dont on se demande s'ils sont réels ou imaginaires, semblant tour à tour être des doubles d'autres personnages, servent de support à l'histoire, en apportant du mystère et de l'acuité à cette atmosphère onirique . Le lecteur se laisse volontiers emporter par cette rêverie, ce besoin de retourner au passé coûte que coûte mais qui se poursuit néanmoins dans un présent qui se dérobe toujours. D'ailleurs, tous les personnages se dérobent eux-mêmes, comme pris dans une ombre, comme s'ils n'étaient pas dans l'heure présente. Qui est donc cette Sylvie, si belle, parfaite et envoûtante dont s'est épris le narrateur ? Et qui sont donc tous ces personnages, qui nous entraînent dans un labyrinthe incompréhensible ?



En même temps, on découvrira la griffe habituelle de Pierre Jourde et son humour, quand il fait la critique des tracas de l'Administration, du Rap, et de certains chanteurs, des enfants rois sublimés par leurs parents. Des pages splendides sur la mer, une réflexion acérée sur les maisons de retraite, un regard ému sur les personnes âgées, des pensées philosophiques profondes sur la faiblesse de l'être et son impossibilité à atteindre la perfection, une analyse parfait du sentiment amoureux.

La dernière partie du roman est d'une splendeur peu commune, sur le plan formel, d'une part, et le coup de théâtre, d'autre part, met enfin la lumière sur toute cette ombre, sur toutes ces ombres du passé et du présent.



On referme le livre. On l'ouvre de nouveau. On veut relire. On ne se lasse pas. On revient sur les plus beaux passages. On les apprend par coeur, car ils sonnent comme des alexandrins célèbres.

Vous trouverez des phrases d'une intense poésie, vous trouverez en Pierre Jourde votre double.

C'est d'ailleurs un des sujets favoris de l'auteur : le double. Et, dans "L'heure et l'ombre", les personnages se confondent et se retrouvent, se délèguent des tâches, comme s'il y avait une heure propice et l'ombre d'un passé qui s'inscrit dans une éternité emplie d'une lumière tamisée, discrète, où dort et s'éveille tranquillement l'amour.
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La Littérature sans estomac





Je l’ai lu en sautant de nombreux paragraphes. Une fois qu’on a dit que “l’oeuvre” était pauvre, extraits à l’appui pourquoi s’acharner ?

Difficile pour moi de juger ses critiques, je n’ai lu aucun de ces auteurs, certains parce qu'ils ne me tentent pas : Sollers, Houellebecq, Beigbeder…. Beaucoup parce que j’ignore leur existence : Holder, Grenier, Novarina.... Il est vrai qu’à lire les phrases citées, je n’ai pas de regrets. Mais en cherchant sur Babelio j’ai vu que plusieurs avaient été appréciés.

Maintenant je sais ce qu’il ne faut pas lire (selon lui) mais j’aurais préféré savoir ce qu’il faut lire. Tout ceux qui ne sont pas dans cet ouvrage ? Sans doute pas car le Jourde & Naulleau dont j’ai lu l’extrait fourni par Babelio éreinte Olivier Adam (pas lu non plus) et beaucoup d’autres je suppose.

Je présume que les romans de Pierre Jourde sont des merveilles d’intelligence et de style mais là encore je ne peux pas juger, je n’en ai lu aucun !

Je lis de 100 à 130 livres par an (moins cette année) mais je me demande bien de qui. Ah c’est vrai, j'aime la littérature étrangère et celle du XIXème siècle.

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La Littérature sans estomac

« La littérature sans estomac » est un essai sur la vacuité en littérature moderne.



Jourde y analyse les bons et les mauvais textes de façon hilarante. Il tire à boulet rouge sur le mercantilisme éditorial, les formules « grand-public », dénonce les indigences de style et de fond des auteurs médiatiques.



En plus de faire oeuvre de salubrité littéraire, Pierre Jourde est pourvu, également, d’une très bonne plume. En revanche, ses critiques positives m’ennuient beaucoup, il est plus difficile de faire de l’humour sur de bons textes.



Un excellent essai critique littéraire. Qui résume, à peu-près, le paysage littéraire actuel.



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Pays perdu

Il n'est pas possible de dissocier ces deux livres de Pierre Jourde : "Pays perdu" et "La première pierre" dont nous parlerons ensuite.

Enseignant et écrivain, Pierre Jourde a beaucoup bourlingué dans de nombreux pays mais c'est en Auvergne, dans le Cantal, que sont ses racines : « C'est un pays perdu, dit-on ; pas d'expression plus juste. On n'y arrive qu'en s'égarant. Rien à y faire. Rien à y voir. Perdu depuis le début peut-être, tellement perdu avant d'avoir été que cette perte n'est que la forme de son existence. Et moi, stupidement, depuis l'origine, je cherche à le garder. Je voudrais qu'il soit lui-même, immobilisé dans sa propre perfection, et qu'à chaque instant on puisse s'en emplir. »

Dans ces quelques lignes, il y a la quintessence d'un livre qui a été si mal compris. Revenant au pays pour l'enterrement de Lucie, la petite fille de François et Marie-Claude, Pierre Jourde revoit tout ce qui fait la vie, là-haut. Il lie cela à la mort de son père et, de son style qui peut être percutant et très poétique en même temps, il parle des gens, des machines agricoles qui estropient, des bêtes, des accidents. Il est impossible de détacher une description plus qu'une autre car "Pays perdu" est un ensemble qu'il faut lire d'une seule traite.

Au fil des pages, il n'oublie rien : « le sort prématuré des maisons qui s'enfoncent en elles-mêmes et ne laissent que le moins possible d'ouvertures au froid polaire de l'hiver. La suie et la sueur, le purin et la poussière comme une tunique protectrice. »




Lien : http://notre-jardin-des-livr..
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La Littérature sans estomac

Pamphlet contre la littérature contemporaine, du moins celle promue par les médias, "tiède et sans estomac".La collusion entre les critiques et les auteurs ne favorise par l'impartialité et les éloges vont à des gens déjà connus. De plus, selon Pierre Jourde, nous vivons un temps d'imposture dans laquelle une apparence d'audace sur le fond et la forme est entretenue alors que le conformisme règne (et je pense qu'il a raison). La littérature contemporaine est souvent faite de poncifs, de clichés, le style dit sobre est en fait pauvre, l'exhibitionnisme règne (Angot, Ernaux...). La littérature n'a plus le pouvoir qu'elle avait dans la formation de l'esprit L'argent est le nouveau maître et les livres ne sont plus que des produits. Evidemment Pierre Jourde ne s'est pas fait que des amis avec cet essai qui cite abondamment auteurs et critiques.
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Lettres à Sade

Dans cet ouvrage, des hommes et femmes qui sont universitaires, écrivains, juristes ou philosophes écrivent une lettre à Sade. Le fond diffère à chaque missive et l'orientation choisie varie selon le rédacteur. Il n'est pas question pour les écrivains de lui dire de but en blanc s'ils l'aiment ou le détestent mais plutôt de choisir un aspect de Sade (sa personnalité, ses écrits, sa fin de vie, ses pensées) et de s'en servir comme trame pour s'adresser au marquis.



J'ai beaucoup aimé ces lettres qui traitent d'un point de vue différent la pensée, les écrits de Sade, son enfermement, sa mort. Tandis qu'une lettre me fait réfléchir pour savoir si je suis d'accord ou non avec son rédacteur, d'autres se projètent contemporains de Sade et me re-situent à ses côtés à la Bastille. Certains font des parallèles avec la façon dont est traité le corps de nos jours : piercings, corps morcelés (dons d'organes), mères porteuses, l'enfant à tout prix. Un des auteurs a un parti pris plus poétique tandis qu'une autre me semble invectiver l'écrivain lequel n'a pas voix au chapitre bien évidemment puisqu'il ne s'agit pas d'un dialogue.

Il est souvent question de la nature de l'homme (homme naturellement bon ou a contrario meurtrier, incestueux, violent) ?



J'ai un avis très positif sur ce livre pour plusieurs raisons :



- ceux qui ont rédigé les lettres m'étaient complètement inconnus à l'exception de Noëlle CHâtelet et Catherine Cusset. Je n'ai donc pas été parasitée par ce que j'aurais pu avoir lu de l'auteur ni même "parasitée" par le physique de la personne. Je n'avais pas la vision du visage de l'écrivain mais uniquement son écrit.

-Les lettres sont de qualité, bien écrites voire dfficiles pour deux d'entre elles : j'ai dû les relire lentement pour m'en imprégner et les comprendre.

-J'ai bien aimé le procédé, les points de vue différents.

-Je me suis demandé ce que j'aurais pu lui écrire.



-La couverture est très jolie et j'aime le toucher différent entre le bandeau glacé, lisse et brillant et le reste de la couverture (et j'attache une grande importance aux titres et couvertures des livres).

- J'ai même laissé passer du temps entre la lecture des premières lettres et la lecture de la dernière lettre. Je n'avais pas envie de la lire parce que je n'avais pas envie de n'avoir plus de lettres à lire.



Un grand merci à Babelio et aux éditions Thierry Marchaisse pour cette opération Masse Critique.



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Paradis noirs

Paradis noir (pas radis noirs...)



Rien ne peut empêcher ici qu’on trouve la forme trop dominante du fond.



Sans réels chapitres, ce texte brillant et noueux s’articule autour de la répétition de trois vers de Baudelaire tirés des fleurs du mal (« la servante au grand cœur dont vous étiez jalouse, et qui dort son sommeil sous une humble pelouse , Nous devrions pourtant lui porter quelques fleurs » en superpositions d’anacoluthes et de tropes compliqués chers au poète halluciné).



Il narre les rencontres réelles ou imaginaires, à étapes de vingt ans, avec François un ami de collège qui partage avec lui un secret qui semble très lourd même s’il s’avère être celui d’une très mauvaise plaisanterie. On n’en saura pas plus sur ce sujet qui se termine en ellipse.



François a été élevé et a vécu au milieu de vieilles femmes ; abandonné par sa mère il passe sa jeunesse dans la noble pauvreté (pas la misère) de l’Auvergne profonde, parmi les fragrances et les odeurs du terroir.



Le narrateur lui, très soucieux de lui et de sa conscience culpabilisante, s’abandonne volontiers aux plaisirs sulfureux de trouver à tout une explication rassurante et poétique. Un intellectuel dans toute sa « vérité » affectée.



Les positions radicales et disons fascisantes prises par François trouvent, elles aussi une justification dans l’ambition qu’aurait François a n’envisager sa vie que sous la forme d’ « une » éternité. Ce sophisme est glissant, même si l’argumentaire peut sembler convaincant.



Lorsque le souvenir de François s’efface, ne restent que les vers de Baudelaire que Pierre Jourde met dans sa poche avec son mouchoir plein de larmes amères, par-dessus.



Est-ce tout que ce regard amoureux dont on ne pressent que le souvenir d’un battement de cœur ?



Un peu d'humour aiderait.

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