"À qui tu téléphonais, à l'instant, Silien?"
Les yeux noirs de Silien et l'oeil unique du Colt ne quittaient pas le Corse.
"Au cimetière. Pour retenir une place, au cas où tu ne serais pas sage."
"Qu'est-ce qui t'amène? interrogea Maur en examinant son ancien complice.
-Rien, rien... Fit l'autre en souriant. Je venais voir comment t'allais... "
Il avait la voix sourde, un peu empâtée.
"Ça pourrait aller mieux, répondit Maur. J'ai bouffé des escargots hier soir et ça m'est resté sur le buffet! Tu connais pas un remède?
-Lait et cognac, dit Bobo. Un demi-litre de cognac dans un verre de lait. C'est radical..."
"T'as pas de flingue? fit le policier, en le tâtant.
-T'en as déjà connu qui t'ont répondu oui?
"Direction la tirelire, dit Maur.
-Pardon? fit le vieux.
-Montre-nous le coffre, précisa le truand. On te suit.
-Vous allez perdre votre temps... Tout l'argent se trouve à la banque.
-Je sais, dit Maur. Le coffre ça sert qu'à mettre les jouets du gosse. Allez, avance..."
Innocent également. De quoi allait-on l’accuser ? D’avoir prêté la voiture, bien sûr ! C’était ridicule, invraisemblable, mais ça n’embarrasserait ni les poulets ni le juge d’instruction, ni le procureur de la République, ni le président des assises. Il serait inculpé et arrêté. Resterait Sylvain. Sylvain avait des chances de s’en sortir, mais à condition que ces messieurs de la Tour lui trouvent un remplaçant pour le « carré » du hold-up.
Il n’avait pas envie de se battre. Il aurait préféré discuter avec ces gars, leur expliquer le drame de Sylvain, trouver un arrangement… Mais il savait maintenant que les types l’avaient attiré là pour se débarrasser de lui et que les arguments qu’ils échangeraient seraient de plomb.
On ne peut jamais rien penser, lorsqu’il s’agit d’une crise cardiaque, dit-il. On ne peut qu’attendre. Les pulsations peuvent rester anarchiques pendant un temps indéterminé… Ensuite, le cœur peut reprendre progressivement son rythme normal, ou alors il s’affaiblit et…
Le vent s'est levé.Une feuille morte aux pointes encore vertes s'est plaquée sur le pare-brise comme une main ouverte...Ponthierry n'est plus loin...La traction dérape sur l'asphalte huileux.Maur redresse rageusement...Une côte...Maur s'exaspère.En haut de la côte un vent furieux galope à sa rencontre,l'assourdit...Un virage...le pied de Maur s'est appesanti sur l'accélérateur, sa jambe s'est pétrifiée.Maur sait que, si un obstacle se présentait,si une voiture débouchait d'une voie latérale, il serait incapable de lâcher la pédale.Vaguement, il imagine le fracas des tôles, le choc du volant percutant son estomac...Et ça le soulage presque...Tout plutôt que cette angoisse interminable,que le remors.
Virus était petit, maigre. Les rhumatismes le courbaient en arc de cercle et il avait l’air de toujours saluer. C’était un homme peu communicatif, qui grognait plus qu’il ne parlait et qui détestait être dérangé autrement que pour affaires.
Elle aimait les caresses. Et Sylvain avait plaisir à les lui donner. Il aimait Simone, avec une tendresse qui l’étonnait lui-même. Un an plus tôt, il avait surtout souhaité la tranquillité, la vie normale. Après quatre ans de prison, il en avait besoin. Le cardiologue qui l’avait examiné et radiographié avait fait la grimace. Plus d’émotions fortes ! Sylvain n’allait plus, le matin, sursauter dans son lit, tout haletant, en entendant frapper à sa porte. Il ne ferait plus, le soir, trois fois le tour du pâté de maisons avant de se risquer à rentrer chez soi. Sa vie de truand était révolue.