Pierre Sparaco

Philippe Grasset, analyste spécialistes des questions aérospatiales, en même temps qu'observateur de longue date des relations transatlantiques, à suivi attentivement le dossier et continue de le juger très politique. A ses yeux," la querelle sur les droits d'atterrissage de Concorde à New York fait partie de la longue histoire des relations de complète incompréhension amicale entre l'Europe et les États-Unis ". Les responsables du programme y voyaient un complot anti Europe manipulé depuis Washington, qui tirait les ficelles des autorités aéroportuaires. A l'opposé, les Américains voyaient dans la démarche une tentative de forcer la souveraineté américaine.
Pour Philippe Grasset,cette incompréhension transatlantique,qu'il qualifie de "classique ", fut tranchée à travers un maquis procédurier,les duels de groupes d'intérêt new yorkais,la pression des lobbies et le "localisme" des décisions américaines. Mais les européens ont persisté à y voir un complot,plutôt que l'aspect légaliste énorme, touffu,incompréhensible de ce côté ci de l'océan, d'une certaine manière de faire americaine.
Depuis lors,ces incompréhension n'ont pas disparu tant s'en faut.

Georges Ville, ingénieur en chef de l'armement, qui fut longtemps directeur administratif et financier d'Airbus et directeur de la stratégie économique et financière d'Aerospatiale, défend l'apport considérable de Concorde avec la plus grande vigueur. Et cela ,avec d'autant plus de crédibilité qu'il a été précisément un homme de chiffres tout au long de sa carrière. Il reconnaît volontiers que le devis de masse de l'avion supersonique ne permettait,avec les technologies de l'époque, d'obtenir une capacité suffisante et une distance franchissable adéquate. "Doit on pour autant condamner une telle entreprise aussi coûteuse en ressources tant humaines que financières ? La réponse est non, sans ambiguïté : si Concorde n'avait pas existé, il n'y aurait pas Airbus aujourd'hui".

Malheureusement, Air France ignore depuis trop longtemps qu'il est des circonstances qui peuvent encore justifier de grandes envolées lyriques au coeur d'un monde sévère de gestionnaires. Certes, le temps des pionniers est révolu mais c'est précisément le retrait de Concorde qui en marque la véritable fin. On le comprend mieux au Royaume-Uni qu'en France, mais on sait gré à Jean Cyril Spinetta d'avoir osé dire,que Concorde ne s'arrêtera pas vraiment, qu'il ne sortira jamais de l'imaginaire des hommes

Pour la toute première fois depuis la mise en service de Concorde, voici qu'apparaissent au grand jour des repères financiers, qui ,la veille encore,étaient protégés aussi farouchement que le plus vital des secrets d'Etat. Avant l'interruption des vols de 2000/2001,le coût d'exploitation au siège/km offert était de 21,8 centimes d'euro. Il est désormais de 33 centimes, un bon en avant de plus de 50% lié pour l'essentiel au doublement des dépenses de maintenance.

Dès son premier vol, il a suscité une véritable fascination qui s'était étendue bien au dela d'un cercle restreint d'experts et d'une clientèle élitiste qui s'était habitué à voyager à 2000 km/h. Concorde est aussi un avion populaire ce qui n'est pas le moindre des paradoxes. C'est peut être la que réside son exploit le plus étonnant, en même temps qu'il illustre la formidable longévité des grands programmes aéronautiques.

De 1989 à 1993,les Etats Unis ont investi pres de 500 millions de dollars dans la recherche sur le transport commercial supersonique. Le Japon, qui n'est pourtant pas considéré comme un acteur majeur,a dépensé pour sa part près de la moitié de ce montant alors que l'Europe est à la traîne avec l'équivalent d'une quinzaine de millions de dollars, dont les deux tiers fournis par la France.

Une remarque de technicien mériterait de retenir tout particulièrement l'attention: si Concorde était développé sur la base des connaissances de 1986, sa masse maximum au décollage atteindrait tout au plus 120 tonnes (65 tonnes de moins !), il transporterait 128 passagers sur 6200km et respecterait toute les réglementations internationales en matière de bruit.