"Les contes de fées n'apprennent pas aux enfants que les dragons existent. Ils le savent déjà. Les contes de fées apprennent aux enfants qu'on peut les tuer."
G.K. Chesterton (1874-1936)
Chez Charles Perrault, les mères sont très souvent défaillantes. Certaines meurent trop tôt comme celles de Cendrillon et de Peau d'Ane, sont inexistantes comme celle du Chat Botté ou s'effacent derrière leur époux, comme dans 'La Belle au bois dormant'. Ici, en revanche ['Barbe-bleue'], la mère des deux jeunes filles a un rôle actif dans une tractation qui risque de perdre l'une d'entre elles. Elle expose sa cadette à un danger de taille puisqu'elle la pousse à se marier à un criminel.
[ à propos de Catherine de Médicis ]
Son histoire nous a laissé entrevoir son goût prononcé pour l'ésotérisme et le surnaturel, comme chez bon nombre de ses contemporains d'ailleurs. La grossesse qui se fait attendre va l'amener à se tourner vers tout ce qui a la réputation de combattre la stérilité. On rapporte qu'elle but philtres et mixtures en tout genre, qu'elle s'appliqua des cataplasmes sur le ventre et évita les animaux stériles comme les mules.
(p. 58)
Nous allions presque oublier qu'un "chaperon", hormis le fait d'être un capuchon, évoque aussi une personne adulte dont la fonction est de "chaperonner" une jeune fille, [...] de la surveiller pour parer à toutes mauvaises rencontres. Le moins que l'on puisse dire ici est que l'enfant, s'il en est coiffé (le bonnet de velours rouge), a cruellement manqué de "chaperon" à ses côtés pour entrer dans la forêt.
Cette extrême bonté peut [...] paraître suspecte et questionnera le psychanalyste. Cendrillon semble en effet dans l'incapacité totale d'éprouver une quelconque ambivalence de ses sentiments, comme si l'éventualité de se laisser submerger par des affects de haine, d'agressivité ou simplement empreints d'une certaine violence était alors vécue comme trop dangereuse, trop envahissante, trop destructrice pour les autres et pour elle-même. Cette bonté est alors sans doute à entendre comme le retournement en son contraire d'une agressivité qui ne peut s'exprimer... Cendrillon est contrainte à demeurer bonne, et ce, du début à la fin, définitivement inapte à nuancer des affects qui ne peuvent voir le jour que sous une forme exagérément positive.
Les maladies de ces deux reines (la mère de Peau d'Âne et la belle-mère de Blanche-Neige) s'exercent différemment, puisque dans Blanche-Neige, la Reine ira jusqu'au passage à l'acte meurtrier avec préméditation. Toutefois, la manipulation plus insidieuse de la mère de Peau d'Âne n'en est pas moins violente.Si l'on considère qu'elle est partie prenante dans la transgression incestueuse du père, elle est aussi coupable de meurtre, meurtre à l'image de ces parents bien réels cette fois que Pierre Sabourin appelle des "parents incestueurs".
La malédiction, après avoir été formulée une seule et unique fois par la méchante fée, semble ne plus avoir été nommée par la suite. Devenue adolescente, la Belle au bois dormant rencontre un jour l'objet par lequel le sort va se réaliser (le fuseau) , sans se douter un seul instant qu'il est porteur de danger. Car jamais le roi et la reine ne l'ont mise en garde, ce qui paraît pourtant le moyen le plus efficace pour éviter l'accident. Par cette carence, ses parents l'ont donc littéralement exposée.
D’un conte à l’autre, nous avons pu mesurer l’étendue de la perversion, qu’elle revête les traits de l’inceste, de l’anthropophagie, du sadisme ou même du masochisme.
Car, dans la majorité des histoires écrites par Perrault, le danger est domestique. Il naît le plus souvent au sein même des familles et l’enfant-héros est d’autant plus désemparé qu’il doit se défendre des assauts mortifères de l’un de ses proches (généralement père ou mère).