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Critiques de R.M. Guéra (59)
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Scalped - Intégrale, tome 2

J'avais emprunté le premier tome un peu par hasard, dans mon envie de découvrir davantage de comics et, si ça m'a plu, je n'ai pas non plus adoré ce second volume.



Dans ce second tome, nous retrouvons une galerie de personnages complexes et torturés, et notamment Dashiell Bad Horse qui travaille à la police et va se retrouver confrontée au meurtre de sa propre mère et Red Crow, son chef, que Bad Horse doit faire tomber en sa qualité d'agent double.



Le scénariste, Jason Aaron, a choisi comme décor les réserves des natif•ves américain•es et on voit, dans ce second tome, l'importance que cela revêt pour l'intrigue. Il n'était pas toujours facile de suivre le cours de l'histoire, mais c'était assez intéressant.



Quant aux illustrations de R.M. Guéra, elles sont très sombres et sanglantes. Il y a énormément de meurtres, de personnes passer à tabac, voire de scènes de torture dans ce comics. Je ne suis pas particulièrement sensible à ce genre de scènes sauf lorsque "c'est trop" et j'ai trouvé que l'illustrateur parvenait à bien doser cela.



Même si j'ai aimé ma lecture, je ne l'ai pas appréciée autant que je l'imaginais. Il se passe beaucoup de choses et il y a, encore une fois, pas mal de violence dans ce récit, si bien que je ne savais plus vraiment où donner de la tête. C'est une série intéressante mais je ne sais pas encore si je vais la poursuivre !
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The Goddamned, tome 1

Aux premières heures de l'humanité, le monde n'est que barbarie et des hordes de pillards et de cannibales règnent sur Terre. Caïn, le meurtrier originel, immortel mais maudit par Dieu, erre dans ce monde de désolation en cherchant celui qui pourra le libérer.



"The Goddamned", que l'on pourrait renommer « Caïn le Survivant » ou « Caïn le Barbare » est une réécriture de la Genèse mais dans une version sous testostérone. le monde qui nous est présenté est ultraviolent, autant visuellement que dans les dialogues, et ce comics ne s'adresse pas aux âmes sensibles. Mais le talentueux Jason Aaron nous tient en haleine avec son scénario qui nous montre toute la noirceur de l'âme humaine tout en laissant apparaître quelques lueurs d'espoirs…



Un œuvre sanglante et provocante mais portée par un souffle épique !
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The Goddamned, tome 1

Je me suis lancée sans lire la synopsis et... j'ai adoré. Ce monde avec une cruauté extrême et pourtant tout à fait humaine... Déjà rien que pour ça c'était gagné !



Cette nouvelle vision de la Bible et de ses personnages est vraiment incroyable (Noé en bûcheron esclavagiste : top). Il n'est pas nécessaire de connaître la Bible pour apprécier cet ouvrage, mais ça ajoute tout de même un petit plus !



Les planches y sont gorgées de détails tous plus morbides les uns que les autres.



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The Goddamned, tome 2 : The Virgin Brides

Ce tome fait suite à The Goddamned, tome 1 (2016) qu'il faut avoir lu avant. Il regroupe les 5 épisodes de la seconde saison, initialement parus en 2020/2021, écrits par Jason Aaron, dessinés et encrés par R.M. Guéra et mis en couleurs par Julia Brusco.



Les fils de Dieu vinrent vers les filles des hommes, et elles leur donnèrent des enfants. Genèse 6:4. Dans un village situé sur un plateau non loin du sommet d'une montagne, de nombreuses jeunes filles avec des motifs sur le visage et un panier de fleurs sous le bras, se tiennent devant des femmes adultes. C'est une magnifique cérémonie de mariage qui va se tenir. Les vieilles mères sont prêtes dans leur long habit noir, et bien alignées en rang. Elles accueillent la troupe des grandes guerrières de la montagne. La prieuresse s'avance vers la doyenne en indiquant qu'elle a reçu l'information qu'une nouvelle rose a éclos dans son jardin. Elle et ses guerrières sont venues chercher la vierge pour la conduire au sommet où son promis l'attend. Lillian, une jeune adolescente en courte tunique blanche s'avance, tenant un superbe bouquet dans sa main gauche. La prieuresse pose les questions rituelles. Comme s'appelle-t-elle ? Depuis combien de temps a-t-elle fleuri ? Est-elle restée pure de tout contact d'un mâle ? Est-ce qu'elle accepte de sa propre volonté de chérir et d'obéir son promis ? De le vénérer de son corps aussi longtemps qu'elle vivra ? Satisfaite par les réponses, la procession se met en branle, Lillian et la prieuresse en tête du cortège. Elles atteignent bientôt une étendue herbue sur un promontoire.



Lillian s'avance jusqu'à l'extrémité de l'éperon rocheux et une lumière transperce les nuages, brûlant les yeux de la jeune adolescente qui ne parvient pas à détourner le regard. Elle sent la présence de son promis, elle sent ses pieds quitter le sol alors qu'elle s'élève doucement vers les nuages. Et dans les bras de l'ange, elle n'est plus une vierge. Alors qu'elle est entièrement cachée par les nuages, invisibles aux femmes restées au sol, un cri horrible retentit, venant des nuages. Le lendemain, Les mères en robe noire surveillent les jeunes filles pas encore réglées, en train de travailler à la cueillette des pommes. Parmi elles, la rousse Jael papote avec sa copine la brune Sharri, en particulier sur ce qui est arrivé à Lillian et sur ce cri horrible. Jael récite : leur amie a été conduite au sommet de la montagne pour se marier avec quelqu'un qu'elle n'avait jamais vu avant. Une sorte de créature qualifiée de fils de dieu sur laquelle aucune d'entre elles n'a jamais posé les yeux. Avec une grande trompe entre ses jambes, qu'elles sont supposées vénérer comme la manne venue des cieux. Qu'est-ce qui pourrait mal tourner ? Sharri sait bien que ce jour est supposé être le plus beau jour de leur vie, mais peut-être est-elle en difficulté ? Jael répond que si c'est la cas, Lillian ne peut pas compter sur l'aide des doyennes et que c'est à elles de se rendre en haut de la montagne.



Dans le premier tome, les auteurs ont su s'approprier une tranche de la mythologie biblique pour mettre en scène le pire de la sauvagerie de l'humanité, avec un personnage principal aussi antipathique que ses opposants, proposant une interprétation sélective des Écritures, personnelle et qui fait sens, parlant tout simplement de la nature humaine avec une franchise brutale. Le lecteur commence ce deuxième tome avec un horizon d'attente défini par le premier. Il commence par être surpris. Le premier extrait de la Genèse n'est pas si explicite que ça, et un peu tronqué. Ensuite, Caïn n'est pas présent, le récit se focalisant sur deux adolescentes tout juste pubères : Jael et Sharri. Le deuxième extrait de la Genèse est plus connu, mais ne semble pas apporter un éclairage sarcastique à l'épisode 2, comme c'était le cas pour les extraits du premier tome. Le troisième passage biblique est extrait du livre d'Isaïe (40:313) et évoque les prouesses de ceux qui se confient en l'Éternel, qui renouvellent leur force. Ils prennent le vol comme les aigles. Ils courent, et ne se lassent point. Ils marchent, et ne se fatiguent point. Ce passage fait écho directement, peut-être avec une pointe d'ironie à la fuite des deux donzelles. Les deux autres extraits (Genèse et évangile selon saint Marc) illustrent de manière tout aussi littérale ce qui se passe dans l'épisode correspondant. Enfin les créateurs mettent en scène la présence d'un ou plusieurs anges ainsi que celle d'un serpent doué de conscience, et de plusieurs nephilims. Cette utilisation de la mythologie de la Bible ne s'avère pas aussi subversive que dans le premier tome, sans être hors de propos ou facile pour autant.



De même, la fuite des deux jeunes adolescentes sert de métaphore à la condition féminine réduite en esclavage par une religion patriarcale, et décidant de rejeter tous ces dogmes les réduisant aux fonctions de donneuse de plaisir sexuel et de matrice de reproduction. Le scénariste donne l'impression de ne pas être allé chercher bien loin, et de rester dans une critique très basique du dogme religieux pris au pied de la lettre. En revanche, l'artiste met l'histoire en images, toujours sans concession. Il a décidé de ne pas se soumettre à la pudibonderie de mise dans les comics, et de représenter les poitrines féminines dénudées quand cela se justifie, en particulier la tenue révélatrice des guerrières qui arborent fièrement cet attribut féminin. D'un autre côté, ces représentations n'ont rien d'érotique dans leur présentation, ou par les cadrages : c'est juste comme ça, une coutume dans une société de femmes. Ensuite Guéra a conservé cette façon de détourer avec des traits irréguliers, parfois très fins à en être cassants, parfois plus gras apportant des ombres sur les silhouettes et sur les visages. Cela confère une certaine âpreté aux personnages, reflétant la dureté des conditions de vie dans ces temps primitifs. Les jeunes filles sont montrées comme pures pour la cérémonie du mariage, plus marquées par le travail lors des corvées. Jael et Sharri portent la marque de la poussière du chemin, des chutes, des coups. Les nephilims ont une peau irrégulière, abîmée et sale.



Dans ces épisodes, l'artiste représente des décors plus fournis que dans le premier tome, le récit se déroulant sur montagne, dans un village aménagé avec des constructions, dans les bois alentours, etc. Il représente une nature qui peut être calme et accueillante, presque domestiquée, ce qui correspond à la zone que les mères appellent le jardin, une autre référence à un jardin biblique même si ce n'est pas celui d'Éden. Il y a également des zones rocheuses impropres à la vie, des pentes escarpées, des bois de ronces, une large rivière. En cours de route, le lecteur apprécie la qualité de la mise en couleurs, la coloriste mettant en œuvre des teintes différentes en fonction du milieu rocheux ou végétal, aquatique, ou envahi par le brouillard. Le lecteur éprouve la sensation que les deux demoiselles évoluent dans un monde encore sauvage, où l'être humain est minoritaire et n'a pas conquis chaque espace. Elles évoluent au milieu des mères et des guerrières, une société avec une réelle culture, et se heurtent à plusieurs reprises à des êtres humains beaucoup plus rustres, vivant en clan comme des hommes préhistoriques. Plusieurs séquences et visuel arrêtent le lecteur par leur force : la vision d'ensemble du domaine des mères, la découverte de l'apparence des enfants, le drap tâché de sang, la course en carriole, etc.



Dans un premier temps, le récit retrouve un peu de sa subversivité : les anges ne sont finalement que des violeurs qui profitent sans vergogne du culte qui est rendu à Dieu et comme le dit le verset 6:4 de la Genèse, ils leur donnent des enfants. Mais très vite, cet iconoclasme rentre dans le rang d'une dénonciation plus facile, plus banale. Les mères qui s'occupent des jeunes filles sont privées de leur sens critique par leur obédience à la Foi, même si elles entendent les cris des promises enlevées dans les cieux par les anges. De même, elles se conduisent facilement de manière tyrannique avec les jeunes filles. Cela ne correspond pas au credo du Nouveau Testament, mais il est vrai que ces récits correspondent plus à la mythologie de l'Ancien Testament. Jael et Sharri s'échappent car elles ont perçu l'horreur de ce qui les attend, la première se montrant même dessalée pour son âge, expliquant à sa copine qu'elle ne voit pas pour quelle raison elle devrait révérer la trompe entre les jambes des anges. Le lecteur en vient à se demander comment elle a pu acquérir cette connaissance, dans une société dépourvue de toute présence masculine, où les anges ne se montrent jamais physiquement. Il voit la fuite des jeunes adolescentes comme une prise d'indépendance vis-à-vis d'un dogme religieux profondément misogyne et d'une société qui les considèrent à peine mieux que du bétail précieux. On est loin du renversement total de point de vue du tome 1. Pour autant le récit est prenant, haletant même dans cette course-poursuite, et le serpent joue un rôle beaucoup plus ambigu que celui du jardin d'Éden.



Au fur et à mesure de ce second tome, le lecteur se rend compte que l'artiste semble plus impliqué que dans le premier, ce qui provient en partie du fait que les environnements sont plus variés et plus sophistiqués. La narration revêt une apparence primordiale, conférant bien cette sensation d'un monde primitif, avec des personnages marqués par cet environnement, et des scènes très fluides à l'esthétique personnelle. Il prend également conscience que ce deuxième tome est consacré à d'autres personnages que le premier, ce qui laisse augurer un récit de longue haleine prévu pour compter plusieurs autres chapitres, le lecteur espérant bien qu'ils verront le jour. Celui-ci est prenant et provocateur, mais la thématique de la mythologie biblique donne lieu à une interprétation et à un thème plus classiques.
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The Goddamned, tome 1

Ce tome est le premier d'une série indépendante de toute autre. Il regroupe les épisodes 1 à 5, initialement parus en 2015/2016, écrits par Jason Aaron, dessinés et encrés par R.M. Guéra, avec une mise en couleurs réalisée par Giulia Brusco. Il contient également les couvertures originales de Guéra, ainsi que les couvertures variantes de Jock, Jason Latour, Esad Ribic, Skottie Young, Chris Brunner, et 6 pages d'étude graphique.



Et l'Éternel vit que la méchanceté de l'homme était grande sur la terre, et que toute l'imagination des pensées de son cœur n'était que méchanceté en tout temps. Et l'Éternel se repentit d'avoir fait l'homme sur la terre, et il s'en affligea dans son cœur. Genèse 6 - 5 & 6. Quelque part à l'extrémité d'un désert, 1.600 ans après l'expulsion d'Éden, un jeune garçon est en train de se soulager, depuis le sommet d'un gros bloc de pierre, dans la mare un mètre et demi plus bas. Il ressent une petite frayeur et lâche un juron, en voyant un homme blond atteint par l'urine, se relever. Il ne comprend pas parce que l'individu est resté avec le visage dans la terre pendant toute a journée, et il devrait être mort. L'homme demande au garçon comment se nomme l'endroit où ils se trouvent : l'enfant répond qu'il ne porte pas de nom, c'est juste la fosse d'aisance. Avant c'était un point pour boire, mais depuis que tout le monde fait ses besoins dedans et qu'il y a des cadavres d'animaux, plus personne ne l'utilise pour étancher sa soif. Caïn ne se souvient que d'avoir été saoul, et il a oublié tout le reste. Le garçon lui raconte la suite : il est arrivé au campement en disant qu'il voulait acheter du feu, et les gens n'ont pas aimé sa dégaine. Ils trouvaient louche que l'individu n'ait aucune cicatrice. Du coup, le gang des garçons de l'os l'a égorgé et ils ont jeté son cadavre dans la mare. L'homme a pris un morceau de haillon sur un cadavre pendu et il s'en sert pour se nettoyer de la boue. Il explique au garçon qu'il va rentrer dans le campement et que Lodo ferait mieux de s'en tenir écarté tant que les cris n'auront pas cessé.



Toujours nu comme un ver, Caïn avance d'un bon pas et parvient dans le campement fait de tentes de fortunes, avec une dizaine de chiens en train de dévorer une carcasse. Il veut absolument savoir s'il y a un nephilim dans le camp. Les hommes se tiennent autour de l'énorme feu où se trouve la carcasse d'un grand animal quasiment entièrement dépecée, toute la chair ayant été mangée. Ils se marrent parce que l'un d'eux a bu le liquide de l'étranger, et est tombé dans le feu, complètement ivre, et s'est brulé le bras. L'un d'eux en train de mordre de bon cœur dans un gros morceau de viande juteuse reçoit un violent coup de pied sur le crâne. Il se relève immédiatement et poignarde le torse de son assaillant à plusieurs reprises : Caïn semble n'avoir rien senti. Il prend le poignard de la main de son assaillant et lui enfonce dans la bouche ouverte, d'un coup puissant qui ressort par l'arrière du crâne. Ayant ainsi capté l'attention de tous les hommes, il demande où se trouvent ses affaires. Il n'en faut pas plus pour qu'ils se jettent sur lui pour le massacrer.



La Bible est une source incroyable de mythologie, mais rares sont les auteurs qui osent s'y risquer, parce que les retours des groupes religieux peuvent être virulents et néfastes pour une carrière, et parce qu'il faut disposer d'une bonne culture en la matière pour éviter de rester en surface. Du coup, aux États-Unis, les éditeurs de comics ont tendance à se tenir à l'écart de tout ce qui peut s'apparenter à une interprétation personnelle des saintes Écritures, ou même de la mise en scène d'un personnage biblique de premier plan, comme Rick Veitch en fit les frais sur la série Swamp Thing de DC Comics, ou Mark Russell sur sa série Second Coming, créée avec Richard Pace & Leonard Kirk. Il vaut mieux avoir une notoriété déjà assise à l'extérieur des comics pour espérer y parvenir. D'un autre côté, les auteurs américains ont souvent une connaissance plus imagée des Écritures et savent les manier avec une forme de truculence très particulière. Par exemple, la série Testament (2005-2008, 22 épisodes) par Douglas Rushkoff, Liam Sharp, Peter Gross, Dean Ormston, Gary Erskine proposait une mise en perspective de plusieurs épisodes célèbres de la Bible au regard d'une technologie d'anticipation pour un résultat remarquable. Le lecteur constate tout de suite que le scénariste sait mettre à profit les Écritures pour une lecture très personnelle : en exergue de chaque épisode, il place une citation de la Genèse ou du Livre de Job, évoquant la colère de l'Éternel et le jugement qu'il passe sur les hommes. Il fait le lien avec le titre de la série : les damnés. Le lecteur comprend que le point de vue qui sous-tend ce récit est que la race humaine jugée coupable par son propre créateur.



Il est fort probable que le lecteur ait été alléché par la perspective de retrouver le duo de créateurs de l'extraordinaire série Scalped, 60 épisodes parus de 2007 à 2012. Il remarque tout de suite que l'artiste se concentre beaucoup plus sur les personnages que sur les décors, ceux-ci étant majoritairement réduits à de la boue, de la roche, de la terre desséchée, et quelques végétaux assez rares et plutôt souffreteux. De temps en temps apparaissent d'autres éléments comme des tentes, des cages, une charrette, des animaux fantastiques. Giulia Brusco effectue un excellent travail de mis en couleurs pour habiller tout ça, établir des ambiances par séquence. Le lecteur veut bien accepter que 1.600 ans après Éden, la communauté d'êtres humains mise en scène évolue dans une zone désertique, mais il faut quand bien qu'ils trouvent de quoi manger de temps à autre. Il peut aussi choisir d'y voir plus un environnement de conte qu'une description factuelle d'une réalité.



Caïn erre donc sur Terre à la recherche d'un individu qui parviendra à lever la malédiction qui pèse sur lui, après qu'il eut commis l'impensable, le premier meurtre de l'humanité, devenant en plus fratricide. La nature même de sa quête le mène à se confronter à des individus usant de violence, dont la communauté fonctionne sur le mode de la violence. L'artiste se fait donc un malin plaisir d'opposer le corps parfait de Caïn et la blondeur de ses cheveux à des hommes sales et rustres, à la peau burinée et marquée par les cicatrices, à la chevelure hirsute, aux expressions de visage veules et agressives. Il n'y a que le seul personnage féminin du récit qui présente une allure moins repoussante. Même les enfants sont animés par une rage inextinguible, reproduisant l'attitude de leurs ainés. Le lecteur ne doit donc pas s'attendre à pouvoir s'identifier à un personnage positif dans ce récit : les êtres humains sont d'une agressivité permanente, avec une bonne dose d'avidité, et le personnage principal ne souhaite qu'une chose : mourir et laisser cette humanité répugnante s'autodétruire sans lui. À nouveau, cette vision de la race humaine passe mieux si le lecteur se place d'ans l'optique d'un conte, plutôt que d'une reconstitution historique. Ce choix de mode de lecture se trouve également justifié par le bestiaire du récit, qui comprend un ou deux animaux dont la présence semble décalée, ainsi qu'un véritable géant (un nephilim).



Le lecteur s'immerge donc dans un environnement peu accueillant, côtoie des individus qu'il espère bien de jamais devoir croiser dans la réalité, et finit par s'attacher au pas de Caïn, non pas par sympathie, mais parce que c'est l'individu le plus évolué dans cette bande de néanderthaliens bas du front, durs de la comprenette, où quelques individus un peu plus intelligents, mais encore moins recommandables les exploitent et les manipulent. À la recherche d'un moyen pour mourir, d'un individu assez brutal pour le tuer définitivement, Caïn n'a d’autres choix que de se mêler aux populaces. Son apparence caucasienne tranche par rapport à celle des autres êtres humains, un choix caustique pour le faire ressortir et montrer qu'il n'appartient au même peuple. Non seulement il trucide ses opposants sans une trace de cas de conscience, sans une once de remords, mais en plus il tient des propos d'un cynisme à toute épreuve. D'ailleurs le lecteur remarque que toutes ces petites communautés se comprennent sans aucune barrière de langage. Il commence par mettre ça sur la forme du conte, puis il se souvient que la Tour de Babel n'a pas encore été détruite par un Éternel susceptible et de mauvaise humeur. Il se rend également compte que ces histores de bagarre et d'éventreurs sont des histoires d'hommes, et qu'il n'y a qu'une seule femme dans le récit. Dans le même temps, il est emporté par la force de la mise en scène des pires comportements de l'humanité, tout en remerciant le ciel que l'humanité ne dispose pas à ce moment de son histoire, d'armes automatiques, ni d'armes de destruction massive.



Il n'y a pas à hésiter un seul instant : un comics par Jason Aaron & R.M. Guéra, c'est forcément bon et au-dessus du tout-venant de la production, même s'ils sont en petite forme. De prime abord, le lecteur est pris à la gorge par l'âpreté des dessins, par la violence omniprésente, par le discours fataliste. Trop tard, il a déjà été happé dans le récit. Il profite de la page noire entre chaque chapitre pour reprendre un instant son souffle et constater à quel point les auteurs ont su s'approprier cette phase-là de la mythologie biblique pour mettre en scène le pire de la sauvagerie de l'humanité, avec un personnage principal aussi antipathique que ses opposants, proposant une interprétation sélective des Écritures, personnelle et qui fait sens, parlant tout simplement de la nature humaine avec une franchise brutale.
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The Goddamned, tome 1

C'est le mythe de la Genèse qui est revisité par les auteurs à la sauce Conan le Barbare avec une flopée de vulgarité à chaque page. Sur le mode bourrin, il n'y aura pas mieux ! Certes, les fans de la série Scalped pourront s'y délecter mais les autres seront forcément déçus et même horrifiés devant ce désastre apocalyptique où l'enfer est condamné au déluge.



Ainsi Caïn qui a tué son propre frère est condamné à l'immortalité et il rencontre alors le fameux Noé. Ces contes bibliques sont mêlés à différents genres qui oscillent entre la fantasy, parfois le western et également le fantastique. J'avoue ne guère goûter à la brutalité et à la vulgarité des propos. Certes, cette oeuvre volontairement provocatrice (voir le titre un peu offensant) peut plaire et il faut accepter ce triste constat.
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Scalped, tome 4 : La rage aux tripes

Ce quatrième tome qui reprend les épisodes #19 à #24 propose deux arcs (« The Boudoir Stomp » et « The Gravel in your Guts ») absolument exquis !



Si le tome précédent, beaucoup plus linéaire, faisait bien progresser l’intrigue, celui-ci renoue avec les nombreux flash-backs et ne fait pas avancer l’intrigue principale d’un iota. Et comme le souligne si bien Ed Brubaker dans l’intro, c’est l’ambiance et le développement psychologique des personnages qui priment dans un bon polar. Et de ce point de vue là, autant vous dire que vous allez être gâté par ce nouveau tome qui est un véritable modèle du genre.



Le quotidien n’a rien de réjouissant

Il y a tout d’abord Lincoln Red Crow qui doit en découdre avec Mister Brass, l’homme de main de Johnny Tongue, tout en essayant de faire le deuil de Gina. Il y a également Dashiell Bad Horse qui succombe sous le poids des emmerdes et finit par rejoindre Carol dans une descente aux enfers faite de violence, de sexe et de drogue. Et si quelques personnages secondaires, tels que Dino, semblent encore rêver d’un avenir meilleur, leurs espoirs sont très vite de courte durée. Les différents personnages incarnent le malaise de tout un peuple et portent les stigmates de cet environnement régi par le crime et la misère. Un environnement où la justice n’est que trop rarement au rendez-vous. Tandis que Jason Aaron restitue avec beaucoup de réalisme et de dureté les conditions de vie déplorables qui règnent au sein de cette réserve indienne rongée par la misère, l’alcoolisme, la criminalité et le chômage, le lecteur poursuit cette immersion particulièrement sombre en territoire Lakotas.



Le trait nerveux et dynamique de R.M. Guéra (« Le lièvre de mars » chez Glénat) parachève d’ailleurs l’ambiance sombre de ce polar et fait ressortir toute la tension et le désespoir qui règne au sein de cette enclave indienne du Dakota du sud. Les dessins de Davide Furnò sur les deux premiers épisodes s’avèrent également en parfait adéquation avec le ton pessimiste du scénario.



Les souvenirs du passé ne font qu’enfoncer le clou

Au fil des chapitres, Jason Aaron remue les souvenirs de ses héros à coups d’allers-retours qui n’ont rien à envier à la noirceur du quotidien. Ces flash-backs qui permettent d’en apprendre plus sur les secrets enfouis et sur les vieux démons des différents protagonistes, contribuent à donner énormément de profondeur aux personnages et à renforcer l’empathie du lecteur. Chaque nouvelle page, qu’elle revienne en arrière ou dévoile la suite de l’histoire, ne fait donc qu’assombrir cet univers débordant de désespoir.



Et le futur s’annonce encore plus sombre

Couche par couche, l’auteur met à nu le découragement et la résignation de tout un peuple, chaque page nous éloignant un peu plus du Happy End.



LE meilleur comics du moment !



Retrouvez d’ailleurs ce comics dans mon Top du mois et dans MON TOP 2011 !
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Scalped, tome 3 : Mères mortes

Ce troisième tome reprend les épisodes #12 à #18 de la série US et est construit autour du meurtre de deux femmes. La première est une toxicomane, retrouvée étranglée et laissant derrière elle de nombreux orphelins. La deuxième n’est autre que la mère de Dashiell Bad Horse, retrouvée assassinée et scalpée sur le bord d’une route.



Après deux premiers tomes parsemés de flash-backs et qui terminaient sur le même cliff-hanger, ce troisième volet, beaucoup plus linéaire, fait bien progresser l’intrigue. La mort de Gina permet de faire ressurgir les vieux démons d’un héros incapable de faire le deuil ou d’exprimer ses sentiments. Cet assassinat ne va pas seulement permettre à Jason Aaron de développer la personnalité de Dashiell Bad Horse, mais également celle de Lincoln Red Crow. Derrière ces nombreuses scènes de violence, ces dialogues vulgaires et ce héros irréfléchi, l’auteur parvient ainsi à développer une intrigue prenante et d’une profondeur particulièrement intelligente.



En suivant ces deux enquêtes parallèles, le lecteur poursuit son immersion en territoire Lakotas. Mêlant polar et western, Jason Aaron propose une étude des mœurs indiennes particulièrement intéressante et restitue avec beaucoup de réalisme et de dureté les conditions de vie déplorables qui règnent au sein de cette réserve indienne rongée par la misère, l’alcoolisme, la criminalité et le chômage. A l’image de ce héros violent et légèrement suicidaire, les différents personnages incarnent le malaise de tout un peuple et portent les stigmates de cet environnement régi par le crime et la misère. Un environnement où la justice n’est que trop rarement au rendez-vous. Entre les positions de l’agent du F.B.I. Nitz, du shérif Karnow, de Dashiell Bad Horse, de Lincoln Red Crow et du policier amérindien nommé Falls Down, la loi semble en effet avoir de nombreux visages.



Le trait nerveux et dynamique de R.M. Guéra (« Le lièvre de mars » chez Glénat) parachève l’ambiance sombre de ce polar et fait ressortir toute la tension et le désespoir qui règne au sein de cette enclave indienne du Dakota du sud. L’épisode #12, centré autour des cauchemars de Dash, et l’épisode #18, qui marque le retour de l’officier Franklin Falls Down, sont respectivement dessinés par John Paul Leon et Davide Furno. Si le dessin de ce dernier n’est pas mauvais, c’est surtout le travail du premier qui parvient à séduire.



Me voilà définitivement accro à cette saga, qui est sans conteste l’une des meilleures sagas US du moment !



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Scalped, tome 1 : Pays indien

« Il n’est pas qu’arrogant… Il est désinvolte, têtu et complètement incontrôlable. C’est un sociopathe borderline guidé par une colère profonde et peut-être même un désir de mort inconscient. C’est un volcan de violence pouvant à tout moment entrer en éruption. Un danger évident pour quiconque l’entoure. En d’autres termes … Il est parfait. »



Quinze ans qu’il n’avait pas donné signe de vie et le voilà de retour, bien décidé à chercher les ennuis ! Provoquant des bagarres dans tous les bars des environs, Dashiell Bad Horse se fait vite remarquer par Lincoln Red Crow, politicien véreux et caïd ayant main mise sur toute la région. A la recherche de muscles pour conforter son emprise sur la réserve indienne, ce dernier décide de mettre à profit les talents de « Dash » et lui offre un poste au sein de la police tribale.



Scalped, le nouveau destrier de l’écurie Vertigo, aura donc mis près de trois ans à traverser l’Atlantique. Si sur base du titre de cette saga signéé Jason Aaron et R.M.Guéra, la présence d’un héros chauve peut surprendre, c’est surtout la vulgarité des dialogues et l’omniprésence de la violence qui risquent de choquer. Jason Aaron plante en effet son tomahawk en plein territoire Lakotas et livre un récit sans concessions, à mille lieus des westerns classiques, peuplés de cowboys et célèbres pistoleros. Rongée par la misère, l’alcoolisme, la criminalité et le chômage, la réserve amérindienne de Prairie Rose porte bien mal son nom et l’auteur n’hésite pas à restituer les conditions de vie déplorables avec beaucoup de réalisme et de dureté. Les différents personnages incarnent le malaise de tout un peuple et portent les stigmates de cet environnement régi par le crime et la misère.



Le scénario ne se limite pourtant pas à une simple histoire de vengeance et à de l’action pure et dure. Les rebondissements sont nombreux et derrière l’apparence brutale et irréfléchie du héros se dissimule un homme aux motivations bien plus ambiguës. Au fil des pages, l’auteur fait ressurgir les fantômes du passé et finit par développer une intrigue complexe et prenante. Le trait nerveux et dynamique de R.M. Guéra (Le lièvre de mars chez Glénat) parachève l’ambiance sombre de ce polar et fait ressortir toute la tension et le désespoir qui règne au sein de cette enclave indienne du Dakota du sud.



Bienvenue en pays indien !
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Django unchained

Django est pour moi la quintessence du western moderne. Quentin Tarantino a réussi a ressusciter le genre pour lui apporter un nouveau souffle et surtout une dimension nouvelle et originale. Le film est un monument que je préfère nettement aux films d'antan n'en déplaise aux vieux nostalgiques et jeunes suiveurs. Que dire de cet humour parodique souvent audacieux ? Oui, c'est son film le plus abouti car le plus cohérent. C'est le genre de film qui nous fait aimer le cinéma.



Tarantino nous livre sa version en bd. Il est vrai que le passage à ce format n'est pas sans perte. On ne retrouve plus l'humour des situations, le sadisme ainsi que le raffinement. Par contre, c'est compensé par de petites scènes inédites qu'il n'a pu mettre dans son film faute de temps. Les fans pourraient être contents mais c'est un peu comme les bonus de nos blu-ray à savoir totalement dispensables.



Pour le reste, le récit de cette vengeance demeure spectaculaire car avec le souffle d'un génie.
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Tex : Romanzi a Fumetti. 9, L’uomo dalle pi..

L'homme aux pistolets d'or.

La guerre américano-mexicaine (1846-1848) a beau être terminée depuis plus de vingt ans, Juan « Golden guns » Gonzales, ennemi juré des gringos semble avoir survécu alors même qu'il avait été supposé mort après sa capture et sa tentative de fuite suicidaire, lui, ses deux plus jeunes frères et sa bande sanguinaire, faits prisonniers par les Texas rangers et tous décimés par l'armée américaine. Pourtant, les vétérans de la guerre, plus de deux décennies après les faits, se font massacrer les uns derrière les autres et Kit Carson est sur la liste puisque jeune ranger, il a participé à la capture de Gonzales en son temps. Tex Willer et Kit Carson vont devoir remonter une piste particulièrement sanglante avec, en bout de course, l'homme aux pistolets d'or, porté par une haine inextinguible.

Le scénariste Pasquale Ruju a concentré l'essence du western en 49 pages avec une vengeance au long cours et un duel explosif à la clé. R. M. Guéra, dessinateur serbe talentueux déjà exceptionnel sur la série « Scalped » réalise une histoire puissante dans laquelle son graphisme expressif et sa mise en page superbe font merveille. La mise en couleur de Giulia Brusco n'est pas en reste et concourt à densifier le récit tout en le rendant encore plus lisible si besoin était. Malgré la qualité très élevée de la série des Tex cartonnés en couleur, le 9e volume hausse encore le niveau, réussissant la gageure de rivaliser avec des histoires habituellement bâties sur plusieurs centaines de planches.
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Scalped, tome 9 : A couteaux tirés

On approche du dénouement, un épisode particulièrement violent et sanglant, et graphiquement très sombre. Mais toujours aussi bon, aucune perte de souffle.
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Scalped, tome 1 : Pays indien

Scalped est une peinture de la vie des amérindiens dans une réserve. Le tableau est loin d’être idyllique, la misère côtoie l’addiction aux drogues, l'alcoolisme, la prostitution et le meurtre.

Dashiell Bad Horse revient à la réserve après des années d’absence, tente de s’intégrer, de mettre à jour ce qui est enfouie et de garder un oeil sur le nouveau casino. Et quel casino, un espoir pour l’avenir de la réserve ? un édifice construit sur un lit de misère qui profite à une poignée d’individus abominables ?

Les personnages sont charismatiques, les dialogues crus, quelques mots en amérindien sont échangés et posent une ambiance.

Scalped est un polar noir brutal !

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Django unchained

Un adaptation BD qui arrive après le film, ce n'est pas banal. Et aussi très intéressant puisque, pour la BD, contrairement au film, il n'y a pas eu des scènes coupées.

Et c'est certainement pour cela que je trouve ce récit beaucoup plus complet que ne l'avait été le film : on voit la progression de "l'apprentissage" de Django en homme libre chasseur de primes.

Par contre le final, qui avait été tourné à seau d'hémoglobine, m'a semblé beaucoup plus soft dans cette version.

Encore un film à revoir.
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Scalped - Intégrale, tome 4

Ce tome regroupe 2 recueils de le précédente édition : Rez blues (épisodes 35 à 42) et Le prix du salut (épisodes 43 à 49).



Épisode 35 (illustrations de Danijel Zezelj) - Mance et Hazel ont choisi de vivre dans la réserve Prairie Rose, mais loin de la ville principale. Ils ont maintenant la soixantaine. Cette année, leur potager n'a pas donné la récolte escomptée. La santé d'Hazel se détériore, Mance n'a plus la force d'antan. L'hiver approche.



À la lecture, Aaron semble s'offrir un épisode gratuit qui n'apporte rien à la trame principale. Il s'agit de regarder ce qui se passe dans un coin isolé de la réserve, de montrer un autre style de vie, peu impacté par la violence de la ville. Aaron fait à nouveau preuve d'une grande habilité narrative en entremêlant les paroles prononcées par Hazel et Mance, et leurs pensées non exprimées, pour un ballet des sentiments à la chorégraphie mélancolique et touchante, dénudant l'essence de leur relation, leur condition humaine débarrassée de tout artifice, de tout superflu. Les illustrations de Danijel Zezelj sont de toute beauté. Elles n'ont pas la précision de celle de R.M. Guéra, mais elles font émerger l'ossature des personnages, les forces qui les habitent. Zezelj ne semble pas tant dessiner les individus en ajoutant de l'encre, que plutôt les faire apparaître en retirant des impuretés. Chaque case transmet ce sentiment de solitude lié à l'isolation de leur habitation, ce calme immuable.



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Épisodes 36 & 37 (illustrations de Davide Furnò) - Lincoln Red Crow envoie Shunka (Uday Sartana) dans une ville voisine pour convaincre Bobby Greenwood (propriétaire d'un casino) d'arrêter d'user de son influence pour dissuader les artistes de venir se produire au casino Crazy Horse dans la réserve Prairie Rose. Greenwood exerce également les fonctions de Chef de la tribu, et il demande à Chunka d'influencer Joseph Crane (l'ancien chef de la tribu) qui a décidé de militer en faveur des homosexuels.



Décidemment Aaron n'a peur de rien. Il décide d'aborder le thème de l'homosexualité en le mettant en perspective par rapport à la culture amérindienne. Le résultat est entièrement satisfaisant, et dénué de naïveté ou de niaiserie. Pour le coup, il ne s'agit absolument pas d'un artifice narratif. Ce thème trouve naturellement sa place dans la série ; Aaron expose la tradition amérindienne de manière intelligente par le biais d'un personnage crédible dans le rôle de passeur de savoir. Ce passage constitue une nouvelle étape dans les incursions en territoire de la culture amérindienne. À nouveau Aaron se révèle comme un auteur pour qui la réserve n'est pas qu'un décor de façade, mais bel et bien un lieu façonné par son histoire et celle de son peuple soumis par les colons blancs et leur culture imposée. Aaron évoque en particulier le rôle du moine Antonio de la Calancha (1584-1684) dans la réprobation de cette diversité d'identités sexuelles. Le lien n'est pas très clair puisque ce moine a surtout vécu en Amérique du Sud, au Pérou. Cette escapade est également l'occasion d'en apprendre plus sur Shunka, le bras droit de Lincoln Red Crow. Il va régler les affaires du patron à sa manière inimitable (force et brutalité).



Ces 2 épisodes voient le retour de Davide Furnò pour les illustrations. La comparaison avec Zezelj et Guéra n'est pas en sa faveur. Ses mises en scène sont moins inventives, et sa façon de dessiner moins détaillée, et moins sophistiquée. Il n'en reste pas moins que son style s'accommode bien avec la violence du récit et les sentiments exacerbés. La mise en couleurs de Giulia Brusco affermit la continuité des ambiances, le ton de la série lors du passage d'un dessinateur à l'autre.



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Épisodes 38 à 42 (illustrations de R.M. Guéra) - Ce n'est une surprise pour aucun lecteur : Dashiell Bad Horse a eu un père. Ces épisodes racontent son histoire, et poursuivent celle de Dashiell et celle de Carol Ellroy. Il est préférable de ne pas en dire plus.



Comment a été choisi le prénom de Dashiell ? Qu'est-il advenu de Claudine Dixon (la mère de Carol) ? Qu'est-il advenu du père de Dashiell ? La vie des principaux protagonistes continue d'évoluer, de les placer face à leurs responsabilités, à leurs choix, mais aussi face à l'héritage psychologique et affectif qu'ils ont reçu de leurs parents absents. La question de la responsabilité des parents vis à vis de leurs enfants devient centrale. Les personnages créés par Aaron ont acquis leur autonomie et vivent le plus naturellement du monde devant les yeux du lecteur. Les situations deviennent normales dans le sens où le lecteur a acquis une telle familiarité avec les usages de la réserve Prairie Rose, avec les valeurs de chaque individu qu'il peut apprécier la justesse de leurs actions. Il y a un investissement affectif qui fait que l'intérêt pour le récit est acquis d'avance. Cela ne signifie pas que le récit devient prévisible. Aaron poursuit son roman noir, ponctué de violence, de traîtrise, d'irresponsabilité dramatique, de conditions de vie déplorables, d'activités criminelles, et de mauvaises décisions. Il donne également une nouvelle chance à Carol et Dashiell lors d'une nouvelle rencontre dans le dernier épisode. Leur mode de communication évoque celui de Mance et Hazel au tout début de ce tome (décalage entre ce qui est dit, et ce qui est pensé). Il permet au lecteur d'apprécier la distance qui sépare Carol de Dashiell, et celle parcourue par Mance et Hazel au long de leur vie conjugale, pour se rapprocher.



R.M. Guéra illustre cette partie de l'histoire et, à nouveau, le lecteur peut goûter chaque page pour sa saveur extraordinaire. Le scénario d'Aaron comporte de nombreux endroits et de nombreux personnages et Guéra donne une saveur particulière à chacun d'eux. Au fil des pages, le lecteur tombe en arrêt devant un camion bâché empli d'amérindiens en costume accusant Wade Bad Horse de leur regard. Il ressent l'immensité de la nature lors d'une discussion au bord de la route avec les agents Baylis Earl Nitz et Bernston. La discussion entre Agnes Poor Bear et Carol Ellroy permet d'observer le langage corporel de la grand-mère, réaliste pour son âge. Cette fois-ci le passage par une hutte à sudation est parfaitement intégré visuellement au reste du récit, et ne présente aucune incongruité. Lincoln Red Crow est toujours impressionnant et imposant. Le repas de famille chez Agnes Poor Bear met en scène des individus normaux, très proches, dans un aménagement réaliste, reconnaissable. Cette scène de la vie ordinaire constitue également un moment psychologique d'une grande intensité, totalement transmise par les dessins, sans exagération des attitudes ou des expressions faciales. Le face à face entre Dashiell et Carol se déroule sur une route enneigée, dans une mise en scène un peu artificielle de duel, où là encore l'intelligence visuelle de Guéra fait des merveilles.



Avec cette partie, Jason Aaron et R.M. Guéra (avec l'aide de Danijel Zezelj, et Davide Furnò) démontrent avec éclat le niveau de leur réussite. Le lecteur a fini par moins se préoccuper du dénouement de l'intrigue, et plus du sort des personnages qui se sont incarnés pour devenir des individus familiers qui importent finalement plus que les manigances des uns et des autres, ou même que le plaisir cathartique de la violence et de la transgression des lois.



Épisode 43 (illustration de Jason Latour) - Cet épisode s'intéresse à un personnage déjà apparu dans les épisodes 16 et 30 : l'inénarrable Wooster T. Karnow, shérif de White Haven dans le Nebraska. Il a le déplaisir prononcé de voir débarquer Virgil Drum, U.S. Marshal de son état, à la poursuite d'Eugene Evers, un évadé de prison.



Avec cet épisode, Aaron invite le lecteur à découvrir qu'un autre personnage qui ne semblait là que pour faire souffrir Bad Horse et apporter une touche d'humour sadique dispose d'une personnalité développée et tourmentée. L'exercice de style est à nouveau convaincant, réussi et distrayant. La fin laisse supposer que le lecteur aura l'occasion de revoir Wooster Karnow. Latour utilise un style plus esquissé que celui de Guéra, insistant plus sur l'ambiance et le fardeau porté par chaque personnage. Le résultat se marie parfaitement avec le thème principal de l'histoire et le lecteur se retrouve au premier rang pour voir la souffrance de chaque individu, sa mesquinerie, ses bassesses tellement humaines.



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Épisode 44 "The night they drove old Dixie down" (illustrations de Davide Furnò) - Dans la série il y en aura pour tout le monde, c'est au tour de Baylis Earl Nitz de trinquer. Il subit les conséquences de ce qui est arrivé à Britt Fillenworth : son supérieur hiérarchique à décidé de le lourder, et les nouvelles vont vite.



Personne n'est à l'abri dans cette série, et le concept d'impunité n'y a pas sa place. Il est impossible de se retenir d'éprouver un grand plaisir à voir Baylis Earl Nitz tomber en déchéance. C'est un personnage qui n'a rien pour lui et qui représente un danger pour Dash et Lincoln depuis le début. Aaron lui réserve une série d'épreuves à sa façon qui finissent même par attendrir le lecteur le plus coriace quant au sort de Nitz. Furnò a accompli des progrès en termes de dessins : ses illustrations sont plus viscérales et disposent de plus de détails que précédemment. Il sait faire passer le feu intérieur de chaque personnage, sa détermination, et sa dangerosité. Le résultat est très intense du début à la fin, avec quelques touches d'humour noir bien malsaines.



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Épisodes 45 à 49 (illustrations de RM Guéra) - Le temps est venu pour Dashiell Bad Horse de donner sa réponse à Lincoln Red Crow quant à son engagement. La réponse n'est pas du goût de Shunka. Les élections de chef de la tribu approchent et Red Crow fait face à un candidat sérieux : Hassell Rock Medecine, son père adoptif, et mentor d'une certaine manière. Arthur Pendergrass et l'officier Franklin Falls Down ont une dangereuse discussion à coeur ouvert. Carol Ellroy se confie à Dino Poor Bear. Lawrence Belcourt s'entretient avec Lincoln Red Crow.



Tous les personnages principaux de la série sont présents pour un grand jeu de massacre. S'il est possible de ressentir qu'Aaron déplace ses pions vers une résolution à tiroirs, il est également manifeste que l'histoire réserve encore de nombreuses surprises. Au-delà des révélations, des coups de théâtre et des explosions de violence très brutale, le lecteur retrouve le thème des conséquences de la faute des pères sur leur progéniture. Aaron joue avec le concept de destin implacable, tout en montrant qu'il suffit d'un battement d'aile de papillon pour que le sort de chaque protagoniste change du tout au tout. Cette façon d'osciller entre une voie ou une autre peut s'avérer parfois agaçante. Qu'Aaron choisisse et qu'il raconte son histoire en conséquence ! D'un autre coté, c'est également une façon de tester les limites du libre arbitre de chaque individu, de montrer que chacun doit faire au mieux avec ce qu'il a. Le plus terrifiant est qu'un des personnages énonce cet état de fait dans ces mêmes termes, le plus terrifiant réside dans l'état mental de ce personnage. Aaron continue également à évoquer la spiritualité des uns et des autres au travers des traditions amérindiennes (très bien intégrées, sans aucun mépris, aucune supériorité intellectuelle). Il semble que le sort de chacun se jouera sur ce petit supplément d'âme, la qualité de sa vie spirituelle, le prix qu'il accorde à la vie humaine, à celle des autres que lui.



R.M. Guéra dessine ces 5 épisodes, et c'est un délice rare. Il est impossible de déterminer de quelles références il dispose, mais il est certain que ses illustrations de la réserve exhalent un parfum d'authenticité totalement immersif. Guéra sait créer des images qui ne donnent pas une impression d'accumulation compulsive de détails photographiques. Et pourtant dès que le regard s'attarde sur une case il découvre des éléments qui apportent une substantialité dense à chaque endroit. Il suffit de s'attarder sur la décoration intérieure de la maison de Hassell Rock Medecine pour savoir qu'effectivement ce personnage aménagerait son intérieur ainsi, ça c'est vraiment lui, le reflet de sa personnalité.



Guéra fait montre d'un sens du cadrage et du langage corporel tout aussi juste. Lorsque le lecteur voit Lawrence Belcourt se rendre à la douche, il n'a pas besoin de lire le texte pour comprendre les enjeux de ce parcours, les risques encourus, la résignation particulière du personnage. Tout se voit dans la posture des individus, dans la démarche de Belcourt, etc.



Ce qui est encore plus hallucinant, c'est que Guéra sait tout rendre plausible. 2 hommes courant tout nu dans la neige pour plonger dans un cours d'eau glacé : normal, évident même. Il ne s'agit pas d'une scène dans laquelle le scénariste se fait plaisir, il s'agit d'une scène qui en dit long sur les convictions de ces individus, sur leur degré d'implication, sur ce qui les lie, sur leurs non-dits. Un homme à cheval qui en tire un autre à pied par une corde : non, il ne s'agit pas d'un cliché sorti d'un western spaghetti bon marché, il n'y a aucun doute que ça s'est vraiment passé comme ça, que le cavalier s'est vraiment conduit de cette façon. Le talent de conteur de Guéra mène le lecteur par le bout du nez ; il souhaite savoir comment ça s'est passé parce que Guéra ne saurait lui mentir.



Aaron et ses illustrateurs renouvellent le miracle de tome en tome : ils impliquent émotionnellement le lecteur sur le sort d'individus violents englués dans leurs conditions et les conséquences de leurs actes et de leur nature. Il n'y a pas de bons et de méchants, il n'y a pas d'âme noble, il n'y a pas de héros. Et pourtant chaque personnage est attachant.
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The Goddamned, tome 1

Renversant graphiquement par moments, The Goddamned estomaque surtout par le pessimisme assumé de son propos. Du noir, du vrai. Et du grand !
Lien : http://www.bodoi.info/the-go..
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The Goddamned, tome 1

Avec ce nouveau titre, le trio de « Scalped », Jason Aaron (scénario), R.M. Guéra (dessin) et Giulia Brusco (colorisation), s’amuse à revisiter l’histoire de Caïn.



Le damné de Dieu dont il est question est en effet le fils d’Adam et Ève, celui qui fût condamné par Dieu à assister à la déchéance de l’Humanité jusqu’à la fin des temps pour avoir tué son frère Abel. Ce comics délicieusement irrévérencieux s’ouvre donc en compagnie du célèbre immortel, couvert d’excréments, au moment où il émerge d’une fosse à purin alors qu’il se fait uriner dessus par un gamin manchot. Vous aurez donc immédiatement compris que l’ami Jason Aaron ne compte pas faire dans la dentelle lors de ce récit à l’ambiance post-apocalyptique.



L’histoire se déroule 1600 ans après l’Eden, dans un monde barbare, impitoyable et violent, que notre anti-héros arpente à la recherche de ce qui pourra enfin le tuer. Tout n’est que désolation au sein de cet univers glauque condamné au Déluge et même l’ami Noé, chargé de sauver toutes les espèces de la noyade divine, est dépeint comme une véritable ordure.



Si cette relecture de la Genèse parvient à plonger le lecteur dans un monde aussi sombre que prenant, R.M. Guera et Giulia Brusco n’y sont pas étrangers. Le trait crasseux du yougoslave et la colorisation adéquate de sa collaboratrice attitrée contribuent en effet à plonger le lecteur dans un univers dénué d’espoir, tout en proposant des personnages repoussants et sans pitié, au sein d’une histoire certes connue, mais revisitée de main de maître par le trio de « Scalped ».



Yeah !!! Jason Aaron rules !!!



Retrouvez d’ailleurs cet album dans mon Top Comics de l’année !
Lien : https://brusselsboy.wordpres..
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Scalped - Intégrale, tome 3

Ce tome regroupe les épisodes 25 à 34 de la série, initialement parus en 2009/2010.



Épisode 25 (illustrations de R.M. Guéra) - Après 4 pages introductives sur le sort des amérindiens à la fin du dix-neuvième siècle, le lecteur fait connaissance avec Wesley Willeford, tricheur professionnel qui vient se renflouer les poches aux frais du casino Crazy Horse, en ayant conscience que s'il se fait prendre, les videurs de Lincoln Red Crow seront sans pitié. Épisode 26 (illustrations de Davide Furnò) - Le temps est venu d'en apprendre plus sur Britt Fillenworth (Diesel Engine) qui possède un seizième de sang Kickapoo. Épisode 27 (illustrations de Francesco Francavilla) - Qu'est ce qui motive Baylis Earl Nitz ? Épisode 28 (illustrations de R.M. Guéra) - Que s'est-il passé la nuit du 26 juin 1975 ? Épisode 29 (illustrations de R.M. Guéra) - Quelqu'un fait chanter Dashiell Bad Horse.



Pour une personne non avertie (qui aurait l'idée saugrenue de commencer la série par ce tome), voilà 5 histoires courtes (dont 2 sont liées) qui mettent en scène des individus qu'il convient de qualifier de criminels, au comportement brutal, qui utilisent la violence comme solution privilégiée, n'hésitant pas à aller jusqu'au meurtre de sang froid, en passant par un bel éventail de comportements à risques. En fait, même déconnectés de la narration au long court de Scalped, chaque nouvelle (= chaque épisode) possède une saveur particulière et présente une unité qui en fait une histoire complète.



Jason Aaron épate à nouveau son lecteur en variant les techniques narratives pour continuer de décrire la noirceur de l'âme humaine. Le premier épisode constitue un cas d'école. Aaron introduit un nouveau personnage qui arrive pour la première fois sur le sol de la réserve Prairie Rose en autocar. Il papote avec son voisin sur le sort des indiens, ce qui fournit l'occasion à Aaron de développer élégamment ce thème qui état sous-jacent au travers des spécificités de la réserve (la double juridiction du bureau des affaires indiennes et le FBI), des questions culturelles et des croyances religieuses. Il augmente la profondeur de champ sur la condition amérindienne, et donc sur la part comportementale des individus liée à leur culture, à leur éducation. Puis Aaron introduit la voix intérieure du personnage dans un premier temps pour expliquer son objectif et son point de vue. Dans une séquence suivante, il se sert de ces textes de pensée pour exposer le décalage entre ce que le personnage dit et ce qu'il pense réellement. L'effet produit est d'une noirceur exceptionnelle, encore accentuée par le fait que les personnages continuent d'effectuer leurs actions pendant ce temps. Cette histoire bénéficie des illustrations toujours aussi ciselées de R.M. Guéra. Au fil des pages, le lecteur est invité dans l'intimité de Willeford la plus physique, ainsi que dans ses déplacements et ses activités. Cet individu dispose d'une morphologie spécifique, d'un visage inoubliable, chacun de ses maquillages donne naissance à une nouvelle apparence qui reste cependant indubitablement lui-même. Du grand art. Chunka (Uday Sartana) n'apparaît que le temps d'une case (uniquement sa tête de profil, et pourtant il est inoubliable.



Avec ce premier épisode exceptionnel, Aaron démontre qu'il est capable de raconter une histoire palpitante et malsaine en 1 épisode. En 24 pages, il a campé un personnage crédible, étalé sa vie et son histoire, ses petites habitudes, et ses névroses, son destin inéluctable. L'épisode consacré à Diesel est tout aussi efficace, même s'il est moins surprenant pour le lecteur régulier de la série. À nouveau pour l'hypothétique lecteur de passage, il dispose d'une histoire complète, campant un individu singulier, tout aussi pathétique et dangereux que le précédent, né dans le camp des perdants du rêve américain. Les dessins de David Furnò sont moins riches et substantiels que ceux de Guéra, mais ils possèdent cette brutalité viscérale inhérente à la série. Ce petit miracle de concision se renouvelle avec l'épisode consacré à Baylis Earl Nitz. Les illustrations de Francavilla sont moins crues, moins brut de décoffrage, mais elles disposent d'un cachet qui évoque les films d'action poisseux des années 1970 qui génère un climat malsain du début jusqu'à la fin. À nouveau Aaron réussit à présenter une vie faite de violence et de souffrance, en 1 épisode qui est aussi satisfaisant pour lui-même que pris dans le contexte du récit global de Scalped.



Les 2 derniers épisodes marquent le retour de R.M. Guéra, toujours aussi en forme. Il se montre tout aussi convaincant qu'il dessine un jeune agent du FBI imbu de lui-même et totalement déconfit par un policier indien usé par des années de métier, qu'un quadragénaire résigné à une vie sans horizon en tant que prisonnier à vie, ou un individu en plein dans les vapes de la dope. Guéra sait tout dessiner de manière crédible. Au travers d'un jeu d'acteurs en retenu, il est capable de rendre palpable la tension qui règne dans la cour de la prison, sans effet de manche ou exagération. Il est l'un des rares illustrateurs qui me viennent à l'esprit qui ait réussi à transcrire l'attitude d'un homme agissant complètement défoncé. Sans aucune aide de dialogue ou de cellules de pensée, le lecteur voit l'état second du drogué au travers de ses gestes, de son regard, de ses mouvements d'une manière réaliste. Cette séquence mérite à elle seule 5 étoiles pour cette transcription visuelle d'un état qu'il est facile de railler ou de caricaturer, mais qui représente un défi pour le dessiner de manière crédible.



Aaron continue de raconter des histoires qui se suffisent à elles-mêmes. Celle revenant sur la nuit du 26 juin 1975 constitue une histoire convenue sortie du contexte globale. Celle mettant en scène Dashiell Bad Horse combine des scènes d'action remarquables, avec un tourment psychologique viscéral d'une rare intensité.



Mais bien sûr, la majorité des lecteurs ne sont pas arrivés là par hasard : ils ont commencé par le premier tome et ils savent qu'Aaron écrit l'équivalent d'un roman, avec une fin bien arrêtée. Dans le contexte du récit complet, ces épisodes montent encore d'un cran en intensité. Tous les développements bâtis précédemment apportent leur contribution à ces 5 récits. La connaissance de la soirée inaugurale du casino et de son importance pour Lincoln Red Crow transforme l'histoire du tricheur en un enjeu majeur pour le casino, dans la mesure où il révèle un point de fragilité. L'histoire de Diesel consolide ce personnage, aux caractéristiques jusqu'alors un peu trop grosses pour être plausibles. Il en devient un individu plausible et tragique ; le lecteur comprend l'importance qu'il attache à ses racines amérindiennes. Si l'histoire de Baylis Earl Nitz est plus classique, elle donne un poids dramatique exceptionnel au personnage. De la même manière le récit de cette fameuse nuit apporte une réponse au lecteur, à une question posée dès le premier tome, un passage particulièrement gratifiant.



Cet épisode met également en évidence le degré de maîtrise d'Aaron pour sa narration. Il doit faire avec le mode de publication américain : 1 épisode par mois. Pour une série de 60 épisodes, cela correspond à 5 ans de publication. Son lectorat se compose de ceux qui lisent les épisodes mensuellement (partie du lectorat indispensable, s'il s'amenuise de trop, la série cesse de paraître), ceux qui lisent les recueils au fur et à mesure (soit un tous les 5 ou 6 mois en moyenne), et ceux qui découvrent la série après coup qui pourraient lire tous les tomes d'un trait ("pourraient" parce que 60 épisodes de 22 pages chacun, ça fait quand même 1.300 pages, assez dense. Même si un page de BD se lit plus vite qu'une page de roman, les images apportent une quantité d'informations substantielles qu'il faut assimiler.). Aaron use donc d'un dispositif narratif artificiel qui consiste à revenir à plusieurs reprises au fil des tomes sur un même moment (la nuit du 26 juin 1975) pour en dire à chaque fois juste un petit peu plus ; ça peut sembler très convenu comme façon de raconter et peu adroit. En fait à l'usage, cette méthode se révèle très astucieuse : elle permet à Aaron de rappeler régulièrement les personnages à la mémoire du lecteur, tout en faisant avancer l'intrigue.



Et le dernier épisode est une tuerie, à la fois pour le plaisir de l'action, mais aussi pour l'évolution d'un personnage central. Pour un peu le lecteur se surprendrait presque à reprendre espoir (pas tout à fait quand même parce que la dernière fois, la chute avait suivi de peu). Magistral !



Épisodes 30 à 34 - Dans la scène d'introduction, Agnes Poor Bear évoque en quelques mots l'un des mythes cosmogoniques des Cheyennes (à base de castor) qui donne son titre au présent recueil (Rongé jusqu'à l'os), au profit de Franklin Falls Down. Dashiell Bad Horse se retrouve à ramener Arthur Pendergrass vers la réserve Prairie Rose. Par la suite tout n'est que décision. Lincoln Red Crow demande à Bad Horse de trouver la taupe que le FBI a infiltrée dans la réserve. Quelle possibilité d'action pour Bad Horse ? Lincoln Red Crow doit gérer les conséquences des mesures qu'il a prises à l'encontre de Mister Brass. Quelle stratégie développer vis-à-vis de Johnny et de son gang de Hmongs ? Franklin Falls Down a l'intuition que l'incarcération de Lawrence Belcourt cache quelque chose. Qui interroger ? Baylis Earl Nitz a la conviction qu'une preuve des activités criminelles de Red Crow est à sa portée. Comment s'en emparer ? Plus le temps passe, plus Britt Fillenworth se doute de son avenir est compromis. À qui se fier ?



Avec cette partie, Jason Aaron entame la deuxième moitié de son récit ; le temps de la mise en place est passé. Le temps des résolutions débute. Comme à son habitude, il commence par décontenancer son lecteur avec ce mythe amérindien. L'inclusion de ce morceau de folklore produit un effet surprenant. Loin de ridiculiser Poor Bear du fait de ses croyances, Aaron montre au contraire la force et la pertinence de cette parabole. Détail par détail, il continue à distiller la culture amérindienne, transformant une localisation propice à a violence et aux trafics, en un lieu enraciné dans l'histoire et une culture spécifique. Comme dans les tomes précédents, Aaron montre un savoir faire quasi surnaturel à replacer chaque personnage pour que le lecteur se remémore aisément de qui il s'agit et dans quelles circonstances il l'a déjà croisé.



Au premier niveau de lecture, Aaron raconte un polar noir haletant, ayant pour personnages principaux des beaux salauds, tuant, torturant, brutalisant, pour qui la solution à tous les problèmes est dans la violence. Il n'y a aucun innocent, tout juste quelques individus qui font tout leur possible pour éviter de faire le mal, en étant obligé de fermer les yeux sur les exactions de leur entourage. À chaque épisode, le lecteur est confronté aux conséquences des actions des personnages. Aaron ne se contente pas de ressasser encore et toujours le thème du cercle vicieux de la violence qui engendre la violence, ou de la vengeance qui appelle la vengeance. Au cours des tomes précédents, il a développé les personnalités de chaque protagoniste en leur donnant des profils psychologiques propres, et des motivations spécifiques. Aucun personnage n'est interchangeable, chaque action trouve sa source dans le passé de l'individu, chaque comportement est l'aboutissement logique d'une histoire personnelle. Aucun personnage ne peut prétendre au titre de héros et pourtant Dashiell Bad Horse et Lincoln Red Crow sont toujours aussi attachants. Impossible pour le lecteur de se désintéresser de leur sort, ou de souhaiter leur perte malgré les crimes dont ils se rendent coupables, malgré le sadisme dont ils font preuve. Aaron a réussi à justifier leurs actes par leur histoire personnelle, à les transformer en héros de leur propre vie, malgré leurs défauts et leur moralité pervertie.



À un deuxième niveau de lecture, ce roman noir épate par sa maîtrise. Aaron a entremêlé le sort de plusieurs individus qui interagissent en influant sur l'avenir de la communauté de la réserve Prairie Rose. Il y a certes quelques personnages plus importants que les autres (Dashiell Bad Horse et Lincoln Red Crow), mais les épisodes consacrés aux autres protagonistes en ont fait des individus à part entière. De ce fait lorsque qu'une scène leur est consacrée, ils ne viennent pas délayer l'histoire ou la dérouter de sa trame principale, ils viennent enrichir la composition, apporter un autre point de vue, accomplir une autre partie du destin, sans cesse prouver que les plans les mieux préparés déraillent comme les autres. Aaron manie tous les codes des romans noirs (brutalité, crimes infâmes, bassesses, noirceur de l'âme, déchéance, trahison de ses idéaux, dégout de soi) dans un récit rapide, avec un niveau de suspense tel qu'il n'est pas possible de lâcher un tome avant de l'avoir fini, sans jamais donner l'impression de se reposer sur des scènes toutes faites, ou sur des clichés.



Le lecteur a le plaisir de retrouver l'illustrateur principal de la série pour les 5 épisodes qui composent le tome : R.M. Guéra. C'est une grande chance que le récit bénéficie d'un dessinateur d'une telle qualité. Pour commencer, Guéra sait camper des décors réalistes et crédibles. Pour que les méfaits qui agitent la réserve puissent être crédibles, il est indispensable que le lecteur puisse déjà croire dans la réalité de cette réserve. Guéra sait dessiner des décors qui dégagent un parfum d'authenticité indéniable. Que ce soient les cellules du poste de police, une station service paumée en plein désert, une armurerie de proximité (pour un achat inoubliable), le luxe ostentatoire du petit nid d'amour de Johnny le Hmong, le taudis qui sert de foyer à Carol Ellroy, ou les visions des canyons arides, Guéra évite les pièges des stéréotypes et de la superficialité pour tout rendre possible. C'est un vrai plaisir de lecture que de découvrir site après site, aussi exotique que vraisemblable. La force visuelle de Guéra s'applique aussi bien à la conception générale de chaque lieu qu'aux détails. Dès la première scène, le lecteur peut toucher le matériau de la canne d'Agnes Poor Bear et en apprécier la qualité de la laque. Ensuite Guéra a donné une identité visuelle forte à chaque personnage, impossible de les oublier, encore plus impossible de les confondre. Chacun dispose d'un langage corporel qui lui est propre. Lorsque Dashiell Bad Horse se retrouve dans un guêpier qui l'oblige à se planquer dans une ruelle, sa peur se lit dans sa gestuelle. Lorsque Pendergrass se retrouve à faire une emplette particulière, sa posture en dit long sur sa détermination et l'acceptation de son sort, sa résignation à accomplir un acte qui le souille. Enfin ses compositions de page sont d'une lisibilité exemplaire. Guéra utilise exactement le nombre de cases nécessaires, ni plus ni moins. S'il peut exprimer une situation en une seule image, il ne s'éparpillera pas en effets de caméra ou d'angle de vue improbable. En 1 image il peut montrer la nature de l'expédition des Hmongs embarqués dans leur énorme 4x4, leurs armes à leur coté, dans des postures détendues, dans l'attente de l'action. Aaron n'a pas besoin d'ajouter de copieuses cellules de texte, Guéra dit tout dans ses images.



Avec ce tome, le lecteur a la confirmation que le temps des présentations et des explications est passé et que le destin est en marche vers des résolutions définitives. Aucun personnage ne peut échapper à ce destin implacable qui broie les individus ; quelques uns sont plus poissards que d'autres.
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The Goddamned, tome 1

L’ambivalence s’invite dans un récit qui prend soin d’éviter, justement, tout manichéisme. Cela lui octroie une profondeur qui lui permet de rester sur le fil dans son traitement d’un sujet pourtant compliqué et particulièrement casse-gueule.
Lien : http://www.actuabd.com/The-G..
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The Goddamned, tome 1

Aaron nous donne envie d'en lire plus, avec quelques surprises et un final à la hauteur de l'histoire.
Lien : http://www.sceneario.com/bd_..
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