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Citations de Rachid Benzine (419)


Ma mère n'a jamais vraiment compris le français. Alors quand un médecin, ou un employé de la mairie, ou de la sécurité sociale, ou un professeur d'école, lui posait une question, elle a toujours répondu invariablement "oui", sans se soucier davantage des effets de ses réponses. Cela nous a valu des ennuis avec la terre entière : la police, les impôts, les services sociaux, la banque, les hôpitaux et toutes les administrations.
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« Il est encore à l'appartement, dans sa chambre. Si tu veux le voir. » [Mes sœurs] me remercient d'être venu. « C'est important, ça lui aurait fait plaisir. » Je n'ose pas leur dire que ce sont des paroles convenues. Que leur deuil n'est pas le mien. Que pour pleurer quelqu'un, il faut l'avoir aimé. Que pour regretter un mort, on doit éprouver plus que des regrets. Que la mort n'annule pas tout.
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J'ai toujours aimé les fleurs, leurs couleurs, leur parfum. Elles disent elles aussi quelque chose d'Allah et de notre vie sur Terre. De sa vanité. Du silence de nos vies dans le tremblement du monde. Elles s'agitent au vent comme nous frémissons à la volonté de nos parents. Certaines y survivent. D'autres en meurent. Toutes se fanent.
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Mon père avait réglé tous les détails de son vivant. Il s'était choisi un cercueil modeste mais « suffisant », selon mes sœurs. Je me demande bien ce que c'est un cercueil suffisant.
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Un jour, après le conservatoire, je me souviens, il pleuvait des cordes. Je m’étais précipité dans le bus avec mes camarades. Mon père s’y trouvait déjà, monté à un arrêt précédent, il rentrait du travail. En me voyant, il avait baissé la tête et était descendu à l’arrêt suivant, si loin de notre cité. À travers la vitre, je l’avais vu marcher le long de la voie du bus remontant le col de sa veste. Une heure plus tard, il était arrivé trempé à la maison. Je n’avais pas su ni même lui demander pourquoi il était descendu. Mon père redoutait que sa seule présence me fasse honte devant mes amis musiciens. « Je ne suis pas assez bien pour lui et la vie qu’il doit mener », voilà sans doute ce qu’il s’était dit.
(p.108-9)
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Ce qui me frappe, c'est sa voix de jeune homme. Hésitante, elle trahit son âge, sa timidité. C'est étrange d'entendre mon père parler d'une vie où nous n'existions pas encore. Comment imaginer qu'il fut un enfant, un adolescent, un jeune homme ? Comme s'il n'avait pas été vivant avant nous. Comme s'il était né dans son fauteuil, son chapelet à la main. Au fond, les enfants ne s'intéressent jamais à ce qu'ont été leurs parents.
(p.43)
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Et si le silence était notre espace de liberté ? Là où s'appréhende notre savoir, ce que nous avons appris de l'existence. Se taire pour accéder au vrai, au beau, au juste ?
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Ma mère n'a jamais vraiment compris le français.Alors quand un médecin ou un employé de la sécurité sociale ou un professeur d'école lui posait une question, elle a toujours répondu invariablement " oui" sans se soucier davantage des effets de sa réponse. Cela nous a valu des ennuis avec la terre entière, la police, les impôts, les services sociaux, la banque les hôpitaux et toutes les administrations .
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 Et puis l’humiliation. Mora s’assure que tes paumes témoignent de ton ardeur au travail. Il te fait avancer, reculer, tourner sur toi même. Il te fait ouvrir la bouche, regarde l’état de tes dents. Mora toujours, qui te tâte les biceps, traque les traces de teigne sur ta peau, chasse la maladie des yeux qui pourrait amoindrir ta ferveur au fond d’une mine française. Derniers juges de paix : la toise et la balance. Il fallait peser plus de 55 kilogrammes. Quant à ton gabarit, Mora préférait les tailles moyennes, susceptibles de travailler dans des galeries de moins d’un mètre. 
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"Ma plus grande richesse dans la vie est d'avoir pu l'aimer"
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Si je m'efforce de l'entendre, de faire résonner sa voix dans ma mémoire, aucun son, aucune intonation. Pas même une expression. Aucun mot du pays, de Basmala – rien. Ma mère était sa voix. Elle parlait pour lui, lisait au travers de ses non-dits, comprenait ses soupirs. On dit que c'est ça, l'amour. Je crois plutôt que c'était de la lâcheté. Une amputation volontaire, un choix- celui d'être assisté. Laisser à d'autres la parole, le bruit, le brouhaha, les ordres et les mots doux. Leur laisser les chants et les berceuses, car lui avait le silence et l'amertume.
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Samedi fin de matinée. Un temps grisâtre.
Une centaine de personnes est déjà présente au cimetière. Il pleut légèrement. Sûrement pour que ça fasse plus enterrement.
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Je me rappelle, j'ai commencé un dimanche matin à l'école des lionceaux. On m'a donné un treillis, un bandana noir avec des versets du Coran dessus et j'ai rejoint les autres de ma classe. J'ai demandé si on allait étudier la poésie. Le professeur m'a dit oui. Et c'était vrai. On a écrit des poèmes pour dir que le calife était le meilleur, le plus fort et que l'État islamique allait régner sur Terre. Je ne savais pas qu'on pouvait écrire autant de conneries avec de la poésie.
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 Je tire le rideau. Mon père n’aimait pas qu’on puisse voir chez lui. Il n’avait pourtant rien à cacher. C’est peut-être ça qu’il voulait masquer : le fait qu’il n’avait rien. 
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S'il n'y avait pas mes poèmes, je crois que maman serait déjà morte. Et Selim aussi. Je l'aime mon frère. Quand il n'a pas mal au ventre à cause de la maladie ou parce qu'il n'a pas assez à manger, Selim est le plus gai des compagnons. Une petite boule d'amour qui sourit alors tout le temps. Comme si on n'était pas dans toute cette merde. Lui il s'en fout. Il sourit au monde, à maman, à la vie. Il s'accroche à moi. Il me tord l'oreille et il rit de toutes ses petites forces. Je crois que Selim et mes poèmes c'est le meilleur médicament pour soigner tous les malheurs de maman. Parce qu'en vrai on n'a pas souvent de bonnes raisons de rigoler dans le camp. p. 58
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Je viens de prendre un immeuble de cent étages sur la tête. Mon enfant a vieilli de dix ans en cinq minutes. J’ai quitté une petite fille ce matin, je retrouve une adolescente. Une adolescente affranchie sur mon métier, celui de la mère de sa mère. Qui découvre les hommes. Qui fume. Qui sèche les cours et va risquer sa vie dans des manifs contre le pouvoir. Tout ce que j’ai construit vole en éclats. Je paie au prix fort mon silence.
– On fait rien de mal, maman. Et de toi, j’en ai parlé à personne. Je te jure. Je sais ce que les autres penseraient…
J’ai les yeux humides, la gorge sèche. Selma prend ma main et se serre contre moi. Je voudrais lui arracher la langue. J'ai juste la force de lui dire «Je t’aime». Mais j’ai aussi besoin de savoir. p. 130
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Elle n’avait jamais vraiment compris le français. Le simple fait qu’on lui adressait la parole était pour elle un honneur. Elle baissait toujours la tête avec respect. Réfugiée dans une parenthèse enchantée, elle oubliait tout ce qui avait façonné ses souffrances de petite immigrée mal dégourdie et de veuve élevant seule ses cinq enfants. Par sa parole, par sa présence, elle renvoyait ses fils à leurs origines marocaines. Aujourd’hui, elle a quatre-vingt-treize ans et elle vit encore à Schaerbeek avec le célibataire de la fratrie: un professeur de lettres qui lui fait sa toilette et lui lit "La peau de chagrin de Balzac". Cette mère qui ne sait ni écrire ni lire, a survécu à toutes ses morts hypocondriaques, a aimé ses enfants et ses patronnes, s’est produite sur la plus grande scène du monde: sa cuisine. Le malentendu est aussi vieux que le monde. Est-ce qu'une femme analphabète, seule, innocente, naïve, indulgente, « faite pour servir les siens » est une mère adorée pour ses faiblesses ou sa force?
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Rachid Benzine
"Avec du ciment et des immigrés, voilà comment on a tout reconstruit. Des dizaines de milliers de forçats affamés..."
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Il y a des harkis avec nous. Peut-être ne sais-tu pas ce que ça veut dire ? C'est comme ça qu'on appelle les Algériens qui se sont battus aux côtés de la France. Ils ont perdu la guerre, ils ont perdus leur terre, et vivent désormais ici comme des exilés.
P 138-139
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Son exil avait représenté la plus lourde des malédictions, je l'entends dans sa voix. Cette voix bisée. En le coupant de son monde, on l'avait coupé du monde. Voilà pourquoi peut-être il avait commencé à prendre ses distances avec la France, avec nous.
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