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Citations de Rainer Maria Rilke (1480)


Votre doute lui-même peut devenir une chose bonne si vous en faites l’éducation : il doit se transformer en instrument de connaissance et de choix. (p. 105)
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Si votre vie quotidienne vous paraît pauvre, ne l'accusez pas; accusez-vous plutôt, dites-vous que vous n'êtes pas assez poète pour en convoquer les richesses.
Pour celui qui crée, il n'y a pas, en effet, de pauvreté ni de lieu indigent, indifférent.
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Jouer la mélodie de l'infini sur les mêmes touches que celles où reposent les mains de l'action signifie que l'on fait descendre au niveau des mots ce qui est grand et se situe au-delà des mots.
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Le goût de l'amant pour le regard de l'amante ne vient-il pas des étoiles ? La connaissance intime de ce visage ne la tient-il pas de l'orbite éclatante ?
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Femmes chantant pour le poète

Voyez comment tout cela se déroule: c'est comme ça que nous sommes;
car nous ne sommes qu'un tel bonheur.
Ce qui était du sang et de l'obscurité chez un animal
est devenu une âme en nous et crie

comme l'âme continue. Et ça crie pour vous.
Bien sûr, vous ne le prenez en face
que comme s'il s'agissait d'un paysage: doucement et sans avidité.
Et c'est pourquoi nous pensons que ce n'est pas toi

pour lequel il hurle. Et pourtant, n’êtes-vous pas
celui dans lequel nous nous perdons sans reste?
Et allons-nous en plus ?

Avec nous, l'infini passe .
Mais soyez vous, votre bouche, que nous l'entendons,
mais vous , vous qui nous dites : vous êtes.
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J’apprends à voir. Je ne sais pas pourquoi, tout pénètre en moi plus profondément, et ne demeure pas où, jusqu’ici, cela prenait toujours fin.

J’ai un intérieur que j’ignorais. Tout y va désormais. Je ne sais pas ce qui s’y passe.

Aujourd’hui, en écrivant une lettre, j’ai été frappé du fait que je ne suis ici que depuis trois semaines. Trois semaines, ailleurs, à la campagne par exemple, cela semblait un jour, ici ce sont des années.

Du reste je ne veux plus écrire de lettres. À quoi bon dire à quelqu’un que je change ? Si je change, je ne suis plus celui que j’étais, et si je suis autre que je n’étais, il est évident que je n’ai plus de relations.

Et je ne peux pourtant pas écrire à des étrangers, à des gens qui ne me connaissent pas!

L’ai-je déjà dit! J’apprends à voir. Oui, je commence.

Cela va encore mal. Mais je veux employer mon temps. Je songe par exemple que jamais encore je n’avais pris conscience du nombre de visages qu’il y a. Il y a beaucoup de gens, mais encore plus de visages, car chacun en a plusieurs. Voici des gens qui portent un visage pendant des années. Il s’use naturellement, se salit, éclate, se ride, s’élargit comme des gants qu’on a portés en voyage.

Ce sont des gens simples, économes; ils n’en changent pas, ils ne le font même pas nettoyer. Il leur suffit, disent-ils, et qui leur prouvera le contraire? Sans doute, puisqu’ils ont plusieurs visages, peut-on se demander ce qu’ils font des autres. Ils les conservent. Leurs enfants les porteront.

Il arrive aussi que leurs chiens les mettent. Pourquoi pas?

Un visage est un visage.

D’autres gens changent de visage avec une rapidité inquiétante. Ils essaient l’un après l’autre, et les usent. II leur semble qu’ils doivent en avoir pour toujours, mais ils ont à peine atteint la quarantaine que voici déjà le dernier. Cette découverte comporte, bien entendu, son tragique. Ils ne sont pas habitués à ménager des visages; le dernier est usé après huit jours, troué par

endroits, mince comme du papier, et puis, peu à peu, apparaît alors la doublure, le non-visage, et ils sortent avec lui.

Mais la femme, la femme : elle était tout entière tombée en elle-même, en avant, dans ses mains. C’était à l’angle de la rue Notre-Dame-des-Champs. Dès que je la vis, je me mis à marcher doucement. Quand de pauvres gens réfléchissent, on ne doit pas les déranger. Peut-être finiront-ils encore par trouver ce qu’ils cherchent.

La rue était vide; son vide s’ennuyait, retirait mon pas de sous mes pieds et claquait avec lui, de l’autre côté de la rue, comme avec un sabot. La femme s’effraya, s’arracha d’elle-même. Trop vite, trop violemment, de sorte que son visage resta dans ses deux mains. Je pouvais l’y voir, y voir sa forme creuse. Cela me coûta un effort inouï de rester à ces mains, de ne pas regarder ce qui s’en était dépouillé. Je frémissais de voir ainsi un visage du dedans, mais j’avais encore bien plus peur de la tête nue, écorchée, sans visage.
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Pour écrire un seul vers, il faut avoir vu beaucoup de villes, d’hommes et de choses, il faut connaître les animaux, il faut sentir comment volent les oiseaux et savoir quel mouvement font les petites fleurs en s’ouvrant le matin. Il faut pouvoir repenser à des chemins dans des régions inconnues, à des rencontres inattendues, à des départs que l’on voyait longtemps approcher, à des jours d’enfance dont le mystère ne s’est pas encore éclairci, à ses parents qu’il fallait qu’on froissât lorsqu’ils vous apportaient une joie et qu’on ne la comprenait pas (c’était une joie faite pour un autre), à des maladies d’enfance qui commençaient si singulièrement, par tant de profondes et graves transformations, à des jours passés dans des chambres calmes et contenues, à des matins au bord de la mer, à la mer elle-même, à des mers, à des nuits de voyage qui frémissaient très haut et volaient avec toutes les étoiles – et il ne suffit même pas de savoir penser à tout cela. Il faut avoir des souvenirs de beaucoup de nuits d’amour, dont aucune ne ressemblait à l’autre, de cris de femmes hurlant en mal d’enfant, et de légères, de blanches, de dormantes accouchées qui se refermaient. Il faut encore avoir été auprès de mourants, être resté assis auprès de morts, dans la chambre, avec la fenêtre ouverte et les bruits qui venaient par à-coups. Et il ne suffit même pas d’avoir des souvenirs. Il faut savoir les oublier quand ils sont nombreux, et il faut avoir la grande patience d’attendre qu’ils reviennent. Car les souvenirs ne sont pas encore cela. Ce n’est que lorsqu’ils deviennent en nous sang, regard, geste, lorsqu’ils n’ont plus de nom et ne se distinguent plus de nous, ce n’est qu’alors qu’il peut arriver qu’en une heure très rare, du milieu d’eux, se lève le premier mot d’un vers.
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Ne vous laissez pas embarrasser par les surfaces ; dans les profondeurs, tout devient loi.
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Paresseuses, nonchalantes les journées d'été approchaient, lentement, de la fête de l'Assomption. Les Wanka étaient accablés de tristesse. Le mal du pays, que tous quatre avaient déjà presque oublié, leur était revenu sous une autre forme, inattendue, différente. Ils ne regrettaient pas le passé, mais à présent dans leurs pièces étouffantes derrière les lourds rideaux de leurs fenêtres, ils rêvaient d'un été léger, aéré, passé au village, à la lisière des fraîches forêts. Ils rêvaient de clairs chemins de campagne sur lesquels les jeunes arbres fruitiers étendent leurs ombres touchantes de légèreté, bien qu'on y avance comme on avance sur une échelle, d'échelon en échelon. Ils rêvaient de lourdes terres cultivées, où, le soir venu, les blés mûrs se mettent à ondoyer en larges vagues somptueuses, de bosquets qui, dans leur calme pénombre, abritent des étangs taciturnes dont personne ne connaît la profondeur. Et en même temps, tous quatre pensaient à une certaine heure, banale, qui leur avait apporté un bref bonheur, un jour, qu'on n'avait pas su apprécier. Et ces regrets étaient d'autant plus douloureux qu'il s'agissait de choses irrévocables : chacun sentait que ce bel été au pays natal les attendait et s'attristait de ne pas les voir venir. Pour s'en rapprocher, au moins faisait-on de petites excursions le long de la Moldau...
(Frère et soeur)
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Dans les cimetières plutôt pauvres où nul monument de marbre n'est orné par la main d'un jardinier avec un art calculé, voilà ce qu'il en est : le printemps, en toute innocence, fait son apparition, et le cliquetis du portail rouillé est bien le dernier bruit qu'il perçoive. Il n'a pas idée de l'endroit où il est. Mais il se plaît entre ces murs silencieux, derrière lesquels la vie s'agite au loin, et près de ces angelots en terre cuite brillante qui, mains jointes, lui adressent leurs prières. D'ailleurs, à qui d'autre? De même, il n'est pour les jeunes liserons timides meilleur tuteur qu'une telle croix où, une fois bien grandis, ils peuvent, en récompense, s'étendre à droite ou à gauche, à leur gré. S'y trouvant bien, le printemps grandit en pareil lieu plus vite qu'ailleurs. La petite silhouette de Bohusch disparaissait dans ce foisonnement de primevères et d'anémones; au-dessus de lui le vent guettait dans un arbre en fleur, en attendant les feuilles, qui laissait de temps à autre tomber une fleur sur sa redingote et balançait ses rameaux délicats avec espièglerie, comme s'il allait, l'instant d'après, ensevelir sous ses fleurs le promeneur solitaire. Mais le bossu n'était pas d'humeur à le comprendre. Morose, il épousseta les pétales de ses manches noires et, indifférent à ce dimanche ensoleillé, c'est vers un autre jour, un tout autre jour, que se tournaient ses regards.
(Le Roi Bohusch)
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Rainer Maria Rilke
Oh, si l'homme pouvait accueillir avec plus d'humilité le secret dont la terre est pleine jusque dans ses plus petites choses, s'il pouvait le porter, le supporter avec plus de sérieux, et sentir son poids terrible, au lieu de le prendre à la légère!
S'il savait respecter sa fécondité, qui est une, que son apparence soit spirituelle ou corporelle ; car la création spirituelle provient elle aussi de la création physique, elle est de la même essence, elle est simplement comme la répétition plus silencieuse, plus extasiée, plus éternelle, de la volupté de la chair.
"La pensée que l'on est créateur, que l'on procrée, que l'on forme" n'est rien sans sa permanente grande confirmation, sans sa résiliation dans le monde, elle n'est rien sans l'assentiment qui, sous milles formes vient des choses et des bêtes-
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Nous naissons pour ainsi dire provisoirement quelque part ; c'est peu à peu que nous composons en nous le lieu de notre origine, pour y naître après coup, et chaque jour plus définitivement.
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Pour le moment,j'habite ici ,tout seul,un vieux château ,dur comme le rocher qu'il termine et d'où il jette son défi au temps et à la mer dont le sel le ronge insidieusement.
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Rainer Maria Rilke
Les fleurs ne sauraient être absentes : grandes et étonnées, elles dorment tout le long du jour, étendues dans les fraîches vasques de bronze, fleurs oisives. Des hommes, oisifs aussi ; deux, trois ou cinq. De la cheminée géante, la lumière s'échappe par intervalles et se met à les compter. Mais chaque fois elle se trompe. Devant le foyer, tout près du grand samovar qui voudrait concentrer sur lui toute cette lumière, la princesse, vêtue de blanc, s’incline vers le feu. Elle est comme une ébauche colorée et libre… Fruit d’une inspiration fougueuse ou d’un caprice. Jeu d’ombre ou de lumière, jailli de quelque impatience de génie. Ses lèvres seules sont plus finement ciselées, on dirait que tout est subordonné à cette bouche, on dirait un livre écrit autour d'une seule page : l'élégie muette de ce sourire !... Près d'elle un Monsieur de Vienne... [Je n'ai malheureusement pas retrouvé la référence de ce très beau texte de Rilke. Si quelqu'un pouvait me l'indiquer, j'en serais vraiment heureux. Il me semble qu'ici il répond, sans la contredire seulement, à la formule de Mallarmé, extraite de "Divagations, Crise de vers", p. 251 : "Je dis : une fleur ! et, hors de l’oubli où ma voix relègue aucun contour, en tant que quelque chose d’autre que les calices sus, musicalement se lève, idée même et suave, l’absente de tous bouquets. [...]"].
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Feu Dominique Venner raconte, dans Le Coeur rebelle, que ce Chant de l'amour et de la mort ne le quittait pas, qu'il fut le fidèle compagnon du djebel, coincé entre un col roulé et un Parabellum...
C'est dire la force de ce texte court, poétique et aérien dans le fracas d'une bataille.
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Fais-moi gardien de tes espaces,
fais-moi veilleur sur ton rocher,
donne-moi d'ouvrir grand les yeux
sur l'isolement de tes mers ;
fais-moi, suivant le cours des fleuves,
quitter les cris de leurs rivages
pour pénétrer profondément le chant des nuits.

Envoie-moi dans tes déserts
que balaient les vastes vents,
où de grands cloîtres, comme des robes,
vêtent des vies jamais vécues.
Je veux m'y joindre aux pèlerins
- nul leurre ne m'éloignera
de leurs voix ni de leurs formes -
et derrière un vieillard aveugle
poursuivre le chemin que personne ne sait.
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Comme les oiseaux qui habitent
les grandes cloches des clochers
soudain par un tonnerre d'émotions
précipités dans l'air du matin
et chassés dans leurs vols,
écrivent le beau nom
de leurs terreurs autour des tours :
ainsi à ce vacarme
nous ne pouvons rester dans notre cœur.
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Ah comme tu t'élances, oiseau,
après ton cœur. Qui pourrait
espérer que l'intérieur
bondisse hors de lui
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Avoir de l'amour d'un être humain à un autre : c'est peut-être le plus difficile, et cela nous est imposé: c'est l'extrême, c'est l'ultime preuve, la mise à l'épreuve, c'est le travail pour lequel tout autre travail n'est que préparation.
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Pour le créateur, rien n’est pauvre, il n’est pas de lieux pauvres, indifférents. Même si vous étiez dans une prison, dont les murs étoufferaient tous les bruits du monde, ne vous resterait-il pas toujours votre enfance, cette précieuse, cette royale richesse, ce trésor des souvenirs ?
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