Rainier Munsch

Passages Pyrénéens semble être devenu, après les guides de Robert Ollivier puis « Les 100 plus belles courses et randonnées » de Patrice de Bellefon, l'ouvrage de référence des pyrénéistes. En tous cas, c'est celui qui fait briller les yeux des amateurs de courses difficiles, qu'ils les parcourent ou qu'ils en rêvent.

Écrit par trois guides de haute montagne et pyrénéistes de haut niveau vers la fin des années 1990, il présente une sélection large, avec des voies extrêmement difficiles ouvertes plus récemment que dans les autres livres cités. Les itinéraires les plus difficiles contiennent souvent des passages d'escalade artificielle, de moins en moins à la mode. Mais le guide laisse aussi une proportion notable de courses plus faciles, belles mais classiques.

Pour chaque massif, des deux côtés de la frontière, des voies essentiellement rocheuses et des itinéraires glaciaires hivernaux sont proposés.

Les croquis sont assez clairs, la précision n'est sans doute pas suffisante pour trouver son itinéraire dans une grande face, mais les descriptions des itinéraires sont précises, avec les cotation des passages, comme il est de rigueur dans ce genre de guide. Le matériel nécessaire est indiqué, et oriente vers l'escalade sur coinceurs et friends même si des pitons sont parfois requis. A l'inverse de l'ouvrage de De Bellefon, le format de poche permet d'emporter le volume, bien que sa parution soit postérieure à la généralisation des imprimantes-numérisantes à domicile.



J'aime assez les textes introductifs sur les massifs, beaucoup le choix des voies et les photos, certaines en couleurs. En particulier les clichés pris pendant des premières ascensions impressionnent l'amateur d'abîmes cher à Samivel.

Ce livre retrace les 60 ans de carrière pyrénéiste des jumeaux Ravier. On y trouve de nombreuse photos, dont certaines prises par eux pendant les premières ascensions.

La construction du livre amène à quelques redites : d'abord Jean-François Labourie raconte leur enfance et leur carrière de grimpeurs. Puis il donne la chronologie des "ouvertures" (premières ascensions de faces ou d'arêtes) de Jean et Pierre Ravier. La dernière partie présente des récits du guide Rainier Munsch, qui refait les escalades des Ravier en expliquant pourquoi elles sont mythiques, et fait suivre ces récits par les notes brèves ou les articles des Ravier décrivant la première ascension.

J'avais entendu parler de ces nombreuses premières, mais cette lecture m'a laissé épaté par le nombre, la difficulté et l'engagement des voies ouvertes. Ces passionnés préparaient soigneusement leurs aventures, lisant, observant, analysant les photographies, mais une fois l'escalade attaquée, il fallait qu'ils aient un moral extraordinaire pour continuer dans l'inconnu, avec la difficulté liée au matériel de l'époque et en prenant des risques étonnants. Leurs débuts de grimpeurs les ont vite menés à répéter des voies extrêmes et à en ouvrir d'autres, alors qu'ils ont fait seuls leur apprentissage. Et grimper en chaussures rigides des passages qui aujourd'hui ne sont pas à la portée du grimpeur moyen équipé de chaussons adhérents!

Lisez-le ou contentez-vous d'admirer les photos (certaines hélas sont un peu petites), mais vous entrerez facilement en admiration devant cette œuvre montagnarde. Et en plus, le style de Jean et de Pierre, quand ils prennent le temps d'écrire un long article pour une revue, est lyrique, avec un vocabulaire riche et un humour qui dépasse de loin la littérature alpestre et pyrénéenne habituelle.