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Citation de Bradomin


Je voyais de nouveau ces salons aux anciennes tentures damassées, aux miroirs nébuleux et aux murs ornés de portraits de famille : dames portant la basquine, prélats au sourire doctoral, pâles abbesses, farouches capitaines. Dans ces pièces, nos pas résonnaient comme dans les églises désertes et, lorsque nous ouvrions lentement les portes aux ferrures ouvragées, nous parvenait de leur fond sombre et silencieux l’effluve lointain des vies enfuies. Une seule salle au sol recouvert de liège ne renvoya pas la rumeur de nos pas. On aurait dit des pas de fantômes, muets et sans échos. Dans les glaces, la grande salle se prolongeait jusqu’au rêve comme dans un lac enchanté, et les personnages des tableaux, ces évêques fondateurs, ces tristes jeunes filles, ces héritiers au visage flétri semblaient vivre dans l’oubli d’une paix séculaire . Concha s’arrêta au croisement de deux couloirs où s’ouvrait une antichambre de forme circulaire, grande et délabrée, garnie de gros coffres anciens. Sur un pan de mur, se dessinait le halo moribond de la veilleuse qui, de jour comme de nuit, éclairait un Christ hirsute et livide. Concha murmura à voix basse :
- Tu te souviens de cette pièce ?
- Oui, l’antichambre en forme de rotonde !
- C’est là que nous jouions !
Une vieille femme filait au coin d’une fenêtre. Concha me la désigna du doigt :
- C’est Micaela… La servante de ma mère. La pauvre est aveugle ! Ne lui dis rien !
Nous poursuivîmes notre chemin. Parfois, Concha s’arrêtait sur le pas des portes et, montrant les pièces silencieuses, elle me disait avec ce sourire léger qui, lui aussi, semblait s’évanouir dans le passé :
- Tu te souviens ?
(Sonate d'automne)
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