Raoul de Warren

Et voilà que, peu à peu, une image se précisait dans l'esprit de Charles de Mordigné : l'image d'une bête immonde, fantastique, telle qu'elle avait dû apparaître au disciple bien-aimé. L'animal monstrueux qui montait de la mer, jetait du feu par ses sept gueules entrouvertes, en même temps qu'une bave visqueuse dégoulinait entre les crocs de ses mâchoires inférieures et se répandait sur sa poitrine velue. Son long corps semblable à celui d'une panthère était agité de soubresauts spasmodiques. Ses pattes crochues grattaient furieusement le sol...

Auparavant on vous observait. Vous ne connaissez pas les paysans. Ils se tiennent longtemps sur la réserve.

La Nivoise, toujoursla Nivoise,la Nivoisedont le niveau baissait mystérieusement, au moment précis où ces pauvres gens entraient dans leur éternité.

Quand il n’y a plus de courant, la mort se glisse.

On ne peut vaincre un tel démon que par ses propres armes.

Voilà ce qu’il aurait dû faire remarquer pour le convaincre de l’inanité des accusations lancées contre la jeune fille.

Je suis arrivés à la même conclusion que vous. Ces crimes n’ont pas de raison d’être.

Cette révélation inattendue provoqua immédiatement l’effet escompté. Malgré leur méfiance habituelle, les paysans s’étaient rapprochés, prodigieusement intéressés, toute leur curiosité en éveil.

Elle a essayé de comprendre leur mentalité, de s’intéresser à eux et n’a recueilli que l’hostilité ou l’indifférence.