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Citations de Raphaël Confiant (115)


La baïonnette qui s'enfonce dans le corps blanc efface d'un seul trait des siècles d'agenouillement, d'humiliation. Le Teuton, qui vous fait face, à l'instant où vous jaillissez de votre tranchée parce que l'ordre de fondre sur l'ennemi vous a été donné, ce Teuton au visage juvénile, souvent imberbe, aux yeux d'une claireté si bouleversante d'innocence, voire de tendresse - allez savoir! -, ce Teuton-là devient le Béké, le Blanc créole, devant lequel les vôtres et vous n'ont jamais pu que courber l'échine et balbutier "oui, missié".
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Nos frères d'armes africains étaient les plus mal lotis : ils étaient repoussés par les soldats blancs lorsqu'ils tentaient de s'approcher trop près des feux et leur religion leur interdisait de boire de l'alcool. Peu d'entre eux savaient parler français et ils nous observaient, nous les Créoles, comme des bêtes curieuses, tenant dans leurs langues des propos d'évidence peu amènes à notre endroit. Il est vrai qu'ils étaient toujours les derniers servis lors des repas. D'abord, les Blancs, puis les Antillais, ensuite les Arabes et enfin les Africains. Ainsi en avait décidé notre capitaine dès le premier jour, fulminant "Marche ou crève! Marche ou crève!" lorsqu'il nous arrivait de traîner le pas.
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Dans ma salle de classe, la carte de France, apposée à côté du tableau, est la première chose que je vois en ouvrant la porte de celle-ci le matin. J'y pénètre toujours un bon quart d'heure avant la cloche afin de vérifier si les lieux ont bien été nettoyés et si les encriers ont été remplis d'encre violette. C'est que je tiens à ce que les enfants que j'accueille, fussent-ils pour certains, de petits campagnards crottés, la vénèrent, car étudier est le seul et unique moyen pour eux d'échapper à la servitude dans les champs de canne à sucre du Blanc créole et à la semi-servitude des emplois municipaux. Je sais bien que la plupart d'entre eux la quitteront avant l'heure. Parce que le français est trop raide pour leur esprit. Parce que leur mère n'a plus les moyens de se passer de leurs bras. Parce qu'ils souffrent de faim et qu'ils font l'école buissonnière pour aller se gaver de fruits. Parce que... Parce que... Mais au moins, si je peux en sauver un ou deux chaque année, j'ai le sentiment du devoir accompli.
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Là-bas, ils n'ont pas besoin de soldats noirs! C'est un grand pays, mille fois plus vaste que notre Martinique, dix mille fois plus peuplé. Ils ont une armée vaillante qui a toujours su combattre l'ennemi, et même quand elle a pu connaître des défaites, elle a relevé la tête. Elle a toujours fait front. Et la victoire toujours était au rendez-vous!...
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Tous mes camarades de voyage présentaient les stigmates des batailles où on les avait jetés. Ceux de la Somme et de la Meuse surtout. Pas un à qui ne manquait un bras, une jambe. Pas un qui n'eût la tête cabossée ou les hanches démantibulées. Sans même parler de ceux qui avaient perdu la vue. Et moi, parmi ces éclopés, je faisais figure de miraculé, et parfois m'en étonnais moi-même. Pourtant, personne ne pouvait me reprocher d'avoir été un embusqué. Je m'étais même trouvé en première ligne à bord du démineur Le Bouvet pour aller taquiner l'ennemi ottoman.
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Je n'ai pas besoin d'entendre ça, mon Nègre. Le Bosphore, les Dardanelles, la mer de Marmara et tout ça, je ne sais pas à quoi ça ressemble, mais pour moi, c'est des endroits où habite le Diable. Toi-même, oublie-les, oui!
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Chaque fois que j'arrive à hauteur de cette foutue statue de Soldat inconnu nègre, je ne peux m'empêcher de déposer ma brouette pour rigoler mon compte de rigolades, ce qui énerve mes chiens Gallipoli et Marmara. (...) Qu'est-ce-qu'il connaît de la guerre, ce zouave drapé dans son uniforme bleu et portant fièrement son casque gris sur lequel les merles viennent chier de jour et les chauves-souris de nuit? A-t-il goûté comme moi à l'enfer des Dardanelles, hein? sait-il ce que c'est que d'être enterré au fond d'une tranchée dans un pays de merde dont j'ai fini par oublier le nom - Grèce? Turquie? Bulgarie? - où la température ne cesse de monter-descendre, vous faisant tantôt crever de chaleur tantôt mourir de freidure?
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Si a tu ventana llega un burro flaco,
Trátalo con desprecio que es un Austriaco,
Ni siquiera lo mires por tu ventana,
Porque no quiere gringos la Mexicana.

(Si à ta fenêtre se présente un âne maigre,
Traite-le avec mépris car il s’agit d’un Autrichien,
Ne lui accorde même pas un regard par ta fenêtre
Parce que la femme mexicaine n’aime pas les gringos.)
L’ennemi juariste se trouvait donc tapi au coeur même de la capitale du nouvel empire….
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Ils ne savent pas que ce plaisir qui s'est emparé de vous, à l'inverse du leur, vous intranquillise. Ni que leur ennemi, le Teuton, n'est pas vraiment le vôtre, n'a jamais été le vôtre en fait. Qu'au moment même où vous avez enfoncé la baïonnette dans les génitoires de celui qui vous a fait face, ce n'était ni sa nationalité, ni sa religion, ni sa langue que vous aviez cherché à détruire, mais son être même. Sa race. Ou, plus exactement, sa couleur. Oui, voilà: vous avez combattu la blancheur et non le Teuton. Cette blancheur qui, pour une fois, se trouvait à votre portée, que vous pouviez atteindre. Cette blancheur sur laquelle vous étiez autorisé à porter la main. Autorisation donnée par d'autres Blancs!
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« Si les Blancs nous considéraient vraiment comme des zéros devant un chiffre, pourquoi feraient-ils appel à nous pour défendre la patrie ? » (p. 18)
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La colonne de taxis a décidé de saluer la population qui s'est massée au bord des rues et applaudit à tout rompre. Cette dernière chante aussi La Marseillaise, reprise en choeur par les occupants de quelque six cents taxis qui foncent sur l'ennemi. Bébert cogne l'épaule du chauffeur:
- Hé, tu nous réponds ou quoi? On va où comme ça?
- Dans la Marne...
- La quoi? Mais c'est pas dans le Midi,ça!
-Voyez ça avec vos supérieurs! Moi, je fais ce qu'on me dit de faire, c'est tout.
- Ca chauffe là-bas alors?
- A ce qu'il paraît, oui...On nous a réquisitionnés parce que les trains sont bondés et aussi parce que certaines lignes ferroviaires ont été détruites par les Allemands.
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Quasiment tout le 3e chasseurs d'Afrique était passé sur le ventre de Péloponnèse Beauséjour, patronyme certes octroyé (à l'Abolition), mais comme prédestiné, autrement connue sous l'appellation créole de Bel-Bonda à cause de ses formes callipyges qui interloquaient ceux qui la voyaient pour la première fois et qui les amenaient à s'extasier devant la générosité de Dame Nature à l'endroit de ladite bougresse. La malignité publique assurait même que le 2è chasseurs de France, qui avait fait escale plus tôt, ne s'était pas plaint de sa pudeur.
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Syparis --- tout l'En-Ville le savait --- ne commerçait guère avec Morphée . Le bougre était sans cesse en grand arroi de guerre quelle que fût l'heure de la journée et de la nuit et dérespectait allègrement dimanche, jours saints , jours fériés et consorts. Il n'y avait que l'ultime jour de l'année pour lui insuffler une peur-cacarelle, à cause de la prédiction d'un quimboiseur de l'Anse Thurin qu'il avait réussi à amblouser au début de sa désormais longue carrière.
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Homme : Créature déraisonnable et souvent irresponsable que Dieu a créé pour accompagner la femme dans cette traversée des mille douleurs qu'est notre séjour terrestre. Il ne sait jamais vraiment ce qu'est la vie car il ne donne pas lui-même la vie.
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Il s’était d’abord bu à l’abyssinienne, puis à la yéménite, ensuite à l’égyptienne, après à l’ottomane, à la javanaise, puis à la vénitienne, ensuite à la marseillaise, puis à la parisienne avant d’enjamber la mer des Ténèbres et de se boire à la martiniquaise. Cette dernière se répandit en Guadeloupe, à Saint-Domingue, à Cuba, au Brésil et dans le sud des États-Unis avant de gagner l’Asie pour se faire une place à côté de ce nectar impérial qu’est le thé.
Ô café, toi qui as accompli le tour du monde ! Onze siècles te furent nécessaires.
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Au jour de l'an, s'entre-offrir graines d'orange douce. C'est protègement contre la déveine et la défortune qui poursuit le nègre depuis qu'il a été voltigé dans la canne.
C'est aussi gage d'heureuseté.
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Elles soudoyèrent, en effet, un jeune nègre grandiseur, un muscadin de première catégorie, qui faisait profession de chavirer le coeur des femmes les plus fidèles et de les entraîner dans la dévergondation.
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La mort n'est rien, je suis simplement passé dans la pièce d'à côté.
Je suis moi, vous êtes vous.
Ce que nous étions les uns pour les autres,
Nous le sommes toujours,
Donnez-moi le nom que vous m'avez toujours donné,
Parlez-moi comme vous l'avez toujours fait...
Charles Péguy
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Ici...régnaient le précipité, l'improvisé, le sauve-qui-peut, l'indifférence au lendemain, la soif de profiter de chaque instant, le tout enveloppé d'une criaillerie permanente. Comme si les Créoles avaient peur du silence. Peur de se retrouver seuls avec eux-mêmes.
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... la règle d’or de la mafia : ne se tuer qu’entre soi et ne jamais, au grand jamais, toucher aux policiers, aux juges ou aux politiciens. Jamais ! Ces derniers, il suffisait de leur graisser la patte pour qu’ils deviennent aussi doux que des agneaux ou, pour certains, aveugles aux pires trafics. Et les trafics, tricheries, magouilles et compagnie, on trouvait ça surtout dans le milieu des courses où ça pariait des dizaines de milliers de dollars officiellement, et trois fois ou quatre fois plus clandestinement.
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