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Citations de Raphaël Jerusalmy (254)


François regarde le ciel s'assombrir. La nuit ne tombe pas ici comme à Paris ou en Champagne. Elle s'élève. Elle déborde du gouffre noir de la mer Morte, montant en crue, se répandant lentement sur le sable comme de l'encre sur un buvard. Les étoiles s'allument, une à une, nettes et perçantes. Elles ne tremblotent pas timidement dans quelque brume, éparses parmi les cimes des arbres. Elles s'étendent ici à l'infini, déployées en une immense armada.
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Les marins sont réputés pour être d’invétérés conteurs de fables. Ils décrivent des montagnes plus hautes que les nuages, prétendent avoir vu des monstres happer un navire entier d’un seul coup de gueule, affirment avoir visité des plages dorées où de jeunes femmes nues s’offrent aux étrangers sans crainte, les couvrant de fleurs géantes et de caresses amoureuses. Aucun armateur sérieux ne croit en ces fadaises de matelots mal dessoûlés.
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Un état d'ivresse. Une impression de tanguer à laquelle il a encore du mal à se faire. Bien qu'elle soit au fond le lot des poètes. Ce balancement constant entre le réel et le rêve.
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Et déjà, les Ottomans frappent aux portes de Jérusalem pour en chasser les mamelouks. Tous ne sont que des occupants. Leur présence est vouée à y être précaire, transitoire, tout simplement parce qu'ils commettent tous la même bourde, les uns après les autres, depuis des siècles : ils se trompent sans cesse de question. A qui appartient donc la Terre sainte ? A celui qui la possède ? A celui qui l'occupe ? A celui qui l'aime ? Si elle est vraiment aussi sainte qu'on le dit, une telle terre ne peut être conquise par les armes. Elle ne peut être possession, domaine ou encore territoire. Et, en ce cas, ne devrait-on pas inverser la question et demander : quel peuple lui appartient donc ? Pour de bon.
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Torquemasa a toujours reproché au Vatican d'accueillir n'importe qui au sein de l'Eglise. Une simple onction suffit à élever un obscur chef de clan, burgonde ou lombard, au rang de prince de la Foi. Le Grand Inquisiteur, considérant ces baptêmes à l'emporte-pièce comme une insulte aux vrais catholiques, vient de les déclarer nuls et non-avenus.
p.119
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— Manier le burin rend l’âme revêche, l’avertit Benavarre.
Ce n’est pas la première fois qu’il lui fait cette remarque. Et que Léa ne partage pas son opinion. Elle ne le lui a jamais dit, mais elle trouve que ses retables manquent justement de robustesse. Les vierges y sont trop amènes, alors qu’elles devraient se montrer alarmées, inquiètes, révoltées même. Parce qu’elles savent, parce qu’elles sont mères.
Quant aux anges, sur les fresques, ils ont cette pâleur de la chair qui fait la coquetterie des gitons. Les prophètes de splendides haillons savamment rehaussés au safre et au cobalt. Les martyrs les yeux chatoyants et le front lumineux. Tous rayonnent de teintes et de couleurs, subtilement délayées, que le pinceau lisse de ses caresses.
Léa préfère le burin, la poigne qu’il exige. L’encre plutôt que les artifices des pigments et des vernis. Et qu’il n’est pas nécessaire d’étaler partout. Le peintre doit recouvrir son panneau jusque dans les moindres recoins, en cacher le bois nu. Alors que le graveur, lui, n’est point esclave du plan qu’il travaille. Il peut y laisser des blancs, des non-dits.
Des aires de liberté.
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Léa entraîne Raquel Cuheno vers la dernière mezzanine, tout en haut de l’escalier en colimaçon. Là où Ménassé conserve sa collection d’estampes. Raquel se fait prier. Elle n’aime pas ces images frottées avec des rouleaux d’encre. Elle préférerait que Léa lui montre des livres d’heures aux miniatures délicates, aux enluminures finement dorées. Il s’en dégage une candeur de sainte crèche, apaisante, en parfaite harmonie avec le velouté du parchemin. Alors que les traits noirs des gravures trahissent la brutalité qu’il a fallu pour mater les nervures, chasser les copeaux, creuser la planche. Le pinceau glisse, adoucit. Tandis que le burin délarde. À l’épure. Forcé qu’il est d’aller à l’essentiel. Insistant sur les contours au lieu d’en atténuer le tracé, comme s’il soulignait des passages dans un texte.
C’est justement ce cousinage avec l’écriture qui plaît tant à Léa. Cette calligraphie aux pleins et déliés que n’encombre aucune grammaire, ou plutôt contre laquelle elle s’insurge. Car la gravure est l’art des rebelles. Elle détourne encre et papier de l’usage que leur ont assigné les scribes. Elle élargit le stylet de l’emprise des lettres et des signes, lui donnant plus de leste. Elle émancipe notre regard des diktats auxquels les peintres l’astreignent. Elle oblige à voir autrement. Sans artifices ni demi-teintes.
Bien des artistes, en Italie, en Allemagne, en discernent aujourd’hui la puissance secrète. Et la licence qu’elle leur offre. Ce n’est qu’une image, certes. Mais qui peut être reproduite à des centaines d’exemplaires. Et avoir une portée plus grande encore que celles des livres, puisqu’elle s’adresse aussi bien aux illettrés qu’aux gens des facultés, aux négociants qu’aux bergers. Par-delà tous les dialectes. Toutes les différences.
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Exilé bien malgré lui en terre lointaine, François moisit dans une grotte, sous bonne garde. Et pourtant, il ne s'est jamais senti aussi libre.
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Villon reste perplexe. Et peu inspiré. Il a toujours écrit dans le vacarme des tavernes, cadencé ses vers sur les beuglements des buveurs, les rires d'enfants, les bruits de la rue, les blagues que se lancent les charretiers. C'est dans ce tintamarre qu'il a trouvé ses mots, puisé ses musiques, composé sa rengaine.
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Rédigé par un obscur curé de la Forêt-Noire, il n'est qu'un tout premier et timide balbutiement. Il proclame une nouvelle sorte de christianisme qui répudie la doctrine catholique.
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Villon est un rebelle invétéré, un insoumis.
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Toute la nuit durant, Villon s'efforce de composer, de tête, une version orientale de sa ballade la plus célèbre, la Ballade des pendus.
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Car, pour eux (quelques Juifs), le destin de Jérusalem n'est point gravé dans les guerres mais dans les textes, les Écritures. C'est une ville non tant bâtie de pierres et de briques que maçonnée de palabres et de rêves.
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Il (François Villon) feuillette avec précaution. Le goinfre de tout à l'heure a disparu comme par magie, cédant brusquement la place à une convive au maintien sûr et aux geste experts.
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Ce n'est pas dans ce que tu regardes que réside la magie de ce que je viens de graver. Mais dans la perception que tu en as et qui est elle-même illusoire car cette rose n'a d'autre âme que la tienne.
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Une mélodie lui sourd du fond de l'âme. Encore souterraine. Phréatique. Qu'il laisse doucement poindre. Sans la brusquer. Ce n'est que lorsqu'elle débouchera au dehors, telle une source, qu'il s'y abreuvera. Et fera de son chant un ruissellement de paroles.
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Au début, il s'est dit : comment chantera-tu la liberté, si tu ne t'es pas battu pour elle , C'est ce que tout le monde dit, au début. et puis, il 'est trouvé d'autres excuses. Il y en a toujours. Avant d'admettre qu'il aimait "ça"
"ça" a commencé par l'uniforme. qui lui sied à ravir. Et les insignes. Qui disent tout sur un homme. Tout ce qu'il faut en savoir. et puis "ça" a continué avec le parler régimentaire. Irrésistible pour un écrivain. Des phrases courtes. qui vont à l'essentiel. (Actes Sud, coll. Babel, janvier 2018, p. 46-47)
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Cela fait belle lurette qu'ils ne guerroient plus pour ceux qu'ils aiment. Ni pour le village où ils sont nés. Ils ne rêvent plus, comme avant, d'y retourner. Ils se battent pour survivre un jour de plus. Une heure de plus. Et recevoir encore une lettre.
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Et cette façon si carrée que les militaires ont de voir les choses qu'elle en est "carrément" cubiste !
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Le roi de France cherche à affaiblir le pouvoir du Vatican, afin de consolider le sien propre. Or une industrie naissante mine soudain la suprématie papale. À la différence des moines copistes, l'imprimerie n'est pas assujettie à l'Église. Habilement utilisée, elle pourrait conférer bien de la puissance à ceux qui s'en assurent le contrôle. Il est donc regrettable qu'il n'y ait encore aucune presse en France.
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