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Citation de enkidu_


Nul pays d'Asie n'était autant que la Chine légitimement orgueilleux de son histoire et de sa culture. Nul, depuis un siècle, ne fut plus humilié. Non qu'elle ait été conquise : on ne conquiert pas la Chine, à la rigueur on s'empare du trône comme le firent les Mandchous. La guerre de l'opium, le sac du Palais d'Été, les concessions étrangères, les traités inégaux ou la liberté pour les missions étrangères, imposée sous la menace des canons, ont laissé des ressentiments qui s'effaceront lentement. Les communistes, dès la prise du pouvoir, ont détruit les communautés chrétiennes ; peut-être n'importe quel gouvernement fort aurait-il agi de même, en un style différent.

La doctrine traditionnelle qui soutenait l'ordre séculaire était, avant tout, morale et sociale. Le confucianisme justifiait l'accession des lettrés à l'exercice de fonctions administratives et gouvernementales. L'écroulement de l'empire entraîna la ruine de l'idéologie. La restauration du bouddhisme ou de l'hindouisme se déroulait sous l'œil des Barbares, sous la protection de l'Indian civil service. Une rénovation du confucianisme aurait pu suivre mais non préparer le retour de la Chine à son rang de grande puissance.

Les intellectuels qui se sont ralliés spontanément au communisme, avant 1949, n'ont été qu'une minorité. Le prestige de la révolution russe qui, dès 1920, provoqua l'adhésion de quelques lettrés, ne se distinguait pas essentiellement de celui des autres idées révolutionnaires venues d'Europe. Les longues années de guerre, la corruption progressive du Kuomintang, l'inflation, les rigueurs du régime policier aliénèrent l'intelligentsia et en firent l'alliée de Mao Tse-toung.

Le communisme séculier, matérialiste, peut-il devenir la doctrine des lettrés chinois ? La dévalorisation de la famille, la promotion du parti et de l'État représentent, par rapport au passé, un bouleversement que l'on aurait, hier encore, considéré comme impossible. Mais le parti communiste n'en reconstitua pas moins une hiérarchie, au sommet de laquelle trônent ceux qui savent. Marxistes-léninistes se nomment aujourd'hui ces savants qui sont, en même temps, des guerriers. La conjonction des chefs de guerre et des lettrés était, depuis des siècles, inconnue. Peut-être a-t-il fallu l'influence occidentale pour la restaurer. Contre une domination détestée, les lettrés retrouvèrent la ferveur de croisade et, vainqueurs, reconnurent à l'Occident sa plus secrète victoire : la doctrine au nom de laquelle ils ont chassé les Barbares, appartient à l'essence de l'Occident, elle met au premier rang l'action et l'histoire. (chapitre 8)
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