Dans le grand enthousiasme pour la réforme qui caractérise la fin de l'année 1355 et qui se soutient jusqu'au printemps de 1357, au moins, les cités de la langue d'oïl sont nombreuses à appuyer le prévôt des marchands et ses alliés.
Dans les mois difficiles de 1358, beaucoup ont pris leurs distances et l'influence d'Étienne Marcel et des autorités parisiennes se restreint sérieusement. La carte des villes qui ont manifesté, à un moment ou un autre, leurs sympathies s'inscrit sur un tracé géographique irrégulier qui retient les parties majeures des bassins de la Seine et de la Loire. Cela est loin de comprendre la totalité de la langue d'oïl. La Bretagne, le Maine, le Perche, une partie de la Beauce en sont exclus, comme les duchés de Bourbon et de Bourgogne. La Normandie n'est touchée par le mouvement parisien que dans son étroite partie de la basse Seine, liée à la marchandise de l'eau ; tout le reste échappe. L'Artois et la Flandre sont atteints grâce à certaines villes qui, comme Arras ou Ypres, se considèrent comme assez émancipées de la tutelle de leurs comtes pour se permettre une politique personnelle.
Les pays de la langue d'oc ne sont pas intéressés par le mouvement issu de Paris. Ils éprouvent pourtant des sentiments de même nature à l'égard de la royauté.
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Trois ans après son mariage, Marguerite de Brabant donna le jour à un garçon. La naissance eut lieu au château de Luxembourg, en plein été, le 10 août 1296. La venue d'un héritier mâle causa une grande joie à Henri et à sa femme. Quand il s'agit de lui trouver un prénom, ils hésitèrent entre celui d'Henri, qui était le prénom de son père, et celui de Jean, qui avait été porté par son grand-père, le duc de Brabant. Ce fut ce dernier qui l'emporta, signe de l'influence qu'avaient su prendre au Luxembourg Marguerite et la famille de Brabant.
Jean passa les huit premières années de sa vie dans le comté, sous la surveillance des femmes, sa mère et sa grand-mère, la fière, hautaine et intelligente Béatrice d'Avesnes. La douceur et le charme de l'une de ces deux comtesses du Luxembourg, la supériorité morale de l'autre, furent à l'origine de la riche personnalité du futur Jean l'Aveugle. Les influences masculines, comme il est normal à cet âge, paraissent avoir été moins fortes ; Jean voyait peu son père, souvent en voyage, et ses oncles, dont le dernier, Baudoin, passa sept ans à étudier le droit canon et le droit civil à l'Université de Paris (page 7).
« Le duc d'Aumale, il n'y a qu'un mot pour le décrire : c'est le type du vieux colonel de cavalerie légère. Il en a l'élégance svelte, l'apparence ravagée, la barbiche grisâtre, la calvitie, la voix brisée par le commandement »
(Edmond et Jules de Goncourt, Journal, 1874).