AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Rebecca Makkai (153)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


Cent ans de Laurelfield

Cela fait longtemps qu’un livre ne m’avait pas questionnée à ce point sur sa proposition romanesque. Durant toute ma lecture, j’ai oscillé entre enthousiasme et ennui poli. Un mois que je cogite à ma chronique pour essayer de poser des mots justes sur mon ressenti.



Ce qui est sûr, c’est que ce roman est surprenant, ne serait-ce par sa construction qui remonte le temps en faisant se succéder quatre récits racontées à l’envers : 1999, 1955, 1929 et 1900 qui est un formidable prologue, placée donc à la toute fin … sans qu’il ressemble à un épilogue. De quoi titiller le lecteur et augmenter la tension de mystère tout en tissant ensemble tous les éléments. Un tour de force de la part de Rebecca Makkai qui est parvenue à tisser un récit sophistiqué, tortueux et cohérent, remplit de surprises et de rebondissements. Le moindre détail est signifiant ( la statue de jade, la photo mystérieuse, le choix du prénom de Zee ). Leur compréhension nous échappe de prime abord avant de se révéler à l’instant choisi par l’auteur … ou pas ! Il faut accepter de ne pas tout comprendre et se montrer vigilant à la recherche d’indices qui pourraient offrir des éclairages.



Chacune des quatre sections est très différente des autres. C’est sans doute la première ( celle de 1999 ) qui m’a le plus accrochée avec son humour très ironique pour décrire les destins croisés de deux couples contraints de vivre ensemble dans la fameuse maison de Laurelfield. Aucun n’est sympathique ni attachant, mais les voir se débattre dans un chaos de tensions ( conjugales, professionnelles, sexuelles, familiales ) et de secrets fonctionne vraiment très bien, d’autant plus que le regard qu’on porte sur eux varient au fil des révélations. On n’est pas très loin de la comédie de mœurs satirique à tendance vaudevillesque avec ses nombreux malentendus interdépendants. La plume précise et virevoltante de l’auteure apporte beaucoup vitalité.



Et puis, il y a des moments où mon attention s’est considérablement émoussée, notamment dans la troisième section, consacrée à l’époque où Laurelfield était une colonie d’artistes et écrivains, thématique qui m’intéresse pourtant beaucoup. Je me suis un peu lassée de chercher la poussière derrière le moindre meuble de la baraque. En fait, cette lecture est très exigeante et je pense que pour embrasser correctement le maximalisme de son intrigue, une deuxième lecture s’impose, ce que je n’ai pas fait. Mea maxima culpa.



Avec le recul, j’attendais plus de l’atmosphère de mystère qui plane durant tout le roman. La demeure de Laurelfield est présentée comme un personnage à part entière, un lieu où les gens qui y séjournent ont tendance à le hanter, à être hanté par lui, ou les deux. Le fantôme de l’arrière grand-mère suicidée est même présent sous la forme d’un portrait. Mais, cet aspect m’a semblé sous-utilisé alors qu’il offrait de prodigieux possibles.



Reste un roman ambitieux au romanesque souvent brillant qui avance avec subtilité et intelligence.
Commenter  J’apprécie          1030
Cent ans de Laurelfield

"Pour une histoire de fantômes, la légende de Violet Saville Devohr était vague et pour le moins décevante."

(incipit)



Hmm... au début je me disais exactement la même chose.

La quatrième de couverture promet un "roman gothique", une saga familiale sur un siècle "qui entremêle art et amour", mais je dois avouer qu'à la fin de la première partie, je peinais encore pour trouver quoi que ce soit de positif. L'histoire me semblait quelconque - un typique petit roman "américain" sur les cachotteries et les relations compliquées, le style aussi (sans parler de la traduction parfois laborieuse qui vous fait relire la même phrase deux fois), et pour couronner le tout, je trouvais tous les personnages totalement antipathiques.

Mais rarement, très rarement, il m'arrive de tout reconsidérer et changer d'avis à la fin. Je crois que le moment est venu de remercier la masse critique et Les Escales pour ce livre, car si je ne m'étais pas engagée à faire cette chronique, je l'aurais probablement abandonné sans regret à la page 190. Et je serais privée d'un coup de bluff final et magistral de la part de Rebecca Makkai, qui n'est même pas venu sur les dernières pages, mais seulement le lendemain, à tête reposée.



Ce n'est pas le vieux portrait de Violet Devohr accroché au-dessus de la cheminée à Laurelfield qui fait de cette demeure un lieu hanté, même s'il met tout le monde mal à l'aise. Violet évite votre regard, tout comme elle évite de vous révéler la vérité sur son prétendu suicide quelque part dans cette maison, peu après sa construction en 1900. Les véritables fantômes sont faits des secrets de famille, vérités cachées et faux-semblants.

Le livre n'est pas particulièrement bien écrit, mais sa construction est ingénieuse : 1999, 1955, 1929, 1900... avec chaque nouveau pas dans l'histoire de Laurelfield, les boîtes à secrets s'ouvrent les unes après les autres, exactement comme des poupées russes mentionnées sur la quatrième de couverture. Ces retours sont de plus en plus courts, mais de plus en plus révélateurs, et la dernière partie vous renvoie directement "da Capo al Coda", comme on dit en musique, pour tout vérifier et boucler la boucle. "Laurelfield" est un peu comme "Sixième Sens" de Shyamalan, ou comme ces livres pour enfants, où il faut trouver une image cachée pour dévoiler la clé de l'énigme.



1999 : Zilla, surnommée Zee, et son mari Doug. Elle enseigne à la fac, lui peine sur une monographie d'un poète oublié, Edwin Parfitt. Ce même Parfitt qui a autrefois vécu à Laurelfield quand la maison hébergeait une colonie d'artistes, dans les années '20. Peut-être que le grenier cache encore quelques trésors qui pourraient faire avancer le travail de Doug, mais Grace, la mère de Zilla, y interdit tout accès. Le grenier qui devient une obsession. Tout se complique encore avec l'arrivée du beau-frère de Zee avec sa femme Miriam, une artiste excentrique. Et dans tout ce beau monde, c'est comme si la maison avait choisi ceux qui doivent rester...

1955 : Grace et son premier mari George. Malheureux couple. Elle passe son temps dans le grenier à observer en cachette la vie dans le domaine, et les petits détails inquiétants, presque surnaturels... après tout, ne dit-on pas que tous les Devohr sont à moitié fous ? George est violent, et le seul point stable de Grace est l'intendant Max, qui s'occupe du domaine depuis des années. Mais même Max a ses secrets. Et d'où vient cette Amy, qui dit être la nièce de Max ?

1929 : La colonie d'artistes à Laurelfield : poète Parfitt, star de cinéma muet Marceline Horn, peintre Zilla Silverman, écrivains, sculpteurs, compositeurs... L'alcool coule à flot, en ces temps de prohibition, et l'inspiration devrait suivre. Mais une menace de fermeture plane. Comment la déjouer ? Sur le principe "dévore le Devohr, avant qu'il ne te dévore" ?

1900 : Souvenir de Violet, à la fois épilogue et prologue, qui semble dire encore une fois que la maison fait ses choix.



On a quelques belles révélations à la fin, doublées d'une leçon que parfois on interprète trop hâtivement les choses, mais un tas de questions reste sans réponse. Qui est Zee ? Amy ? Max ? Pourquoi Zilla porte le prénom d'une artiste que ses parents n'ont jamais connue ? Puis, d'un coup, vient le déclic... qui vous apporte d'autres révélations sur d'autres personnages : que ce soit Marceline, Sid Cole ou Edwin Parfitt.

Comme si toute une histoire non-écrite était tissée en filigrane dans l'écriture, et c'est précisément pour cette surprenante aptitude au tissage que Rebecca Makkai mérite, tout compte fait, presque 4/5.
Commenter  J’apprécie          6811
Les optimistes

Ce roman nous raconte deux histoires, l’une dans les années quatre-vingt et l’autre à l’époque actuelle qui ont pour fil rouge Fiona tandis que se profile celle de Nora dans les années vingt..



Chicago, début des années quatre-vingt, après une période de liberté et d’insouciance, le SIDA fait son apparition dans le quartier de Boystown où vivent Yale Tishman et ses amis et l’hécatombe va commencer avec la maladie et la mort de Nico, dans des conditions douloureuses pour chacun et pour des raisons différentes.



Alors que son compagnon Terrence est effondré et se voit éjecté de la vie de Nico par les parents de celui-ci : profondément intolérants, ils ont mis leur fils à la porte quand ils ont compris ses préférences sexuelles alors qu’il n’avait que quinze ans. Et là, ils ont remis le grappin sur Nico, préférant l’hospitaliser au nom du qu’en dira-t-on, dans un hôpital non qualifié pour traiter la maladie, mais tellement plus conforme à leur désir que rien ne filtre.



A la mort de Nico, si Fiona, sa petite sœur, n’avait pas été là il n’aurait même pas pu assister aux « cérémonies », notamment un enterrement aux antipodes de ce qu’aurait aimé Nico.



On va suivre, surtout, l’histoire de Yale, son compagnon Charlie, d’une jalousie maladive alors qu’il n’est pas exemplaire, et peu à peu le petit groupe va se trouver dans la tourmente. L’auteure décrit très bien ces années où le SIDA s’abat sur la communauté gay, les difficultés rencontrées dans la prise en charge d’autant plus balbutiante que nous sommes sous la gouvernance Reagan, qui n’a aucune empathie pour les homosexuels, réduisant au maximum les crédits pour la recherche, fermant les lits destinés aux patients atteints par le virus : en gros, ils ont la punition qu’ils méritaient…



Rebecca Makkai décrit très bien la culpabilité de ces jeunes, leurs difficultés à reconnaître qu’ils sont atteints, ou la hantise de faire les tests, de même que les manifestations de militants, ACT UP, les sittings devant les mutuelles qui les excluent, la manière dont la police les matraquent, ou encore les militants d’extrême droite qui « cassent de l’homo » …



C’est la partie du livre que je préfère, car elle est très forte et rappelle des souvenirs, c’était mieux en France, mais pas évident quand même. On tâtonnait, autant que maintenant avec le Covid, devant ce mal mystérieux, ce virus très photogénique il faut le reconnaître, avant de mettre en évidence des tests et de s’entendre sur des noms scientifiques.



Il a fallu que des stars meurent pour que l’on fasse quelque chose, notamment aux USA, et les gens de ma génération se rappelleront sûrement la mort d’un sublime acteur américain : Rock Hudson, qui faisait aussi rêver les femmes…



En ce qui concerne l’année 2015 et ce qui arrive à Fiona, la sœur de Nico qui s’est beaucoup démenée pour la cause dans sa jeunesse et se retrouve confrontée à la disparition de sa fille, après un passage dans une secte, c’est intéressant, certes, mais moins prenant. L’alternance des chapitres apporte une bouffée d’oxygène permettant de respirer et de continuer à suivre l’évolution de Yale.



J’ai bien aimé ce roman, où les personnages, les lieux, les hôpitaux, les musées ont été inventés par l’auteure en fonction des personnes et des spécialistes qu’elle a rencontrés pour composer son livre.



Elle transmet aussi son amour de l’art, de la photographie, et de la peinture notamment, avec une autre héroïne, Nora, la tante de Fiona, qui a fréquenté des artistes peintres dans les années pré et post première guerre mondiale à Paris, et son amour de jeunesse Ranko Novak, ou Modigliani, Soutine, Foujita avec au passage une comparaison entre les effets dévastateurs de la guerre sur ces jeunes hommes et ceux des années quatre-vingt…mais ne divulgâchons pas…



Un roman qui fait réfléchir sur un virus, une maladie qui a provoqué beaucoup de dégâts et prouve au passage qu’il est très facile de réécrire l’histoire, quand on a tous les éléments en mains, alors qu’il est si difficile de faire face jour après jour à ce que l’on ignore encore, et de décréter telle ou telle mesure.



Un bémol toutefois, il y a des longueurs, on étouffe parfois au cours de cette lecture car trop de détails, cela finit par lasser un peu, car ce livre est un pavé…



Un grand merci à NetGalley et aux éditions Les Escales qui m’ont permis de découvrir de roman et son auteure.



#LesOptimistes #NetGalleyFrance
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
Commenter  J’apprécie          600
J'ai quelques questions à vous poser

C'est un roman policier original de par la profession de "l'enquêtrice" , très actuelle : podcasteuse.

C'est un roman qui prend son temps pour vous distiller sa “petite musique”, mais qui, une fois qu'il vous aura alpagué, vous tiendra vraiment. C'est un roman riche de mille et une questions, mille et une réflexions : le temps qui passe, l'adolescence et l'âge adulte, l'évolution de la personnalité et de la société sur des sujets comme le harcélement, le racisme, ce qui étaient toléré , voire normal dans les années 90 et qui ne l'est plus aujourd'hui.



Quand Bodie Kane revient, vingt après, dans le lycée où elle était interne, pour animer un cours sur le podcast et le cinéma, elle ne s'attendait pas à ce qu'une de ses élèves reprenne comme sujet d'étude, le fait divers qui est arrivé pendant qu'elle était à Grandy. Sa cothurne avait été retrouvée morte dans la piscine, le meurtrier avait été arrêté.



Mais très vite , Bodie a des choses à dire, des questions sans réponses et d'autres pistes- après tout , elle était aux premières loges, elle partageait sa chambre avec Thalia, et même si elles n'étaient pas amies, elle observait. Comme d'autres podcasteurs , elle est persuadée de l'innocence d'Omar, persuadée que la justice est allée trop vite en besogne, a négligé pleins de pistes. Et son cours va remuer le cocotier de la justice. Mais si peu...

C'est un roman qui interroge sur la justice américaine, sur son injustice, son innefficacité, car au-delà de cette histoire, Bodie en raconte d'autres... C'est un roman qui fait un peu peur ... J'ai eu peur de tous ces podcasteurs autoproclamés justiciers, de toute cette "justice " en ligne, qui peut faire énormément de mal. J'ai eu peur de cette justice qui préfére un coupable noir, sans influence et sans pouvoir à un homme ou un adolescent blanc. J'ai eu peur de toutes ces agressions contre les femmes, les jeunes-filles, les enfants, demeurées impunies, tous ces criminels qui se balladent en liberté, (j'ai reconnu une des affaires citées pour avoir lu le livre "J'ai un nom" de Channel Miller, récemment.)

C'est vraiment un roman qui interroge : Qu'était votre adolescence ? Comment vous en êtes vous sortis ? Bien ? Moins bien ? En arrivant à Grandy, Bodie se retrouve projetée dans son "moi" de 14 ans et c'est vertigineux. Elle peut mesurer toute son évolution, tout ce qu'elle a accompli. Bodie n'est pas une gosse de riche, à 14 ans, elle a perdu son père, son frère dans d'horribles conditions, et sa mère traumatisée ne s'occupe plus d'elle.Elle ne doit sa place dans ce lycée, qu'à la charité d'une famille mormonne. Bodie a réussi sa vie, comme on dit.... Désormais célébre, ayant un job agréable, des enfants, Bodie n'est plus seule. Bodie a bien plus d'assurance mais Bodie erre un peu dans sa vie amoureuse.

Son regard , ainsi que celui de la société a complétement changé sur les faits, sur ce professeur si gentil, sur cet homme noir accusé, sur ces adolescents harceleurs, sur ce meilleur ami.

Je me suis reconnue dans ce personnage de Bodie qui a évolué, sur ce que la société acceptait , ce qu'on encaissait,ce qu'on taisait , et que les filles d'aujourd'hui n'acceptent plus.

Ne vous attendez pas à un Cold Case plein d'action , efficace et redoutable. Non, il est nostalgique, doux-amer, intelligent, cultivé ... C'est un roman qui offre énormément de pistes de réflexions, le titre est très bien trouvé , car lorsqu'on referme ces pages on s'en pose encore des questions sur la vie, la justice,la société américaine...





Un grand merci aux Editions Les Escales pour leur confiance .
Commenter  J’apprécie          512
Les optimistes

Alternant entre le Chicago des années 80 et le Paris actuel, Rebecca Makkai, avec ses Optimistes, se donne pour objectif de nous entraîner dans une épopée sur le sida, sa découverte, ses effets dévastateurs sur la communauté gay de Chicago quand beaucoup ne voulait pas croire qu'une maladie pareille puisse exister et/ou n'osait pas faire le test et où ils furent nombreux à tomber comme des mouches.

Parmi eux, une galerie de personnages dont certains auraient sûrement mérité un traitement plus approfondi comme Nico, le premier au sein de la bande d'amis a succombé à la maladie et qui servira surtout de pilier au personnage de Fiona, sa soeur, rapidement identifiée comme « fille à pédés » et qu'on suivra jusqu'à Paris en 2015 où, ayant perdu sa fille de vue, elle espère la retrouver du côté de Saint-Denis.



La partie Chicago-80s/90s est – et de loin – la plus réussie, les années SIDA, son impact, les conséquences et l'hécatombe qu'elles ont entraînés y sont parfaitement documentés.

Basé avant tout sur la force de l'amitié et beaucoup moins sur la lutte qui a suivi la découverte de la maladie (Act Up n'est cité qu'une ou deux fois et on assiste rapidement à une de leur action coup de poing, un détail parmi les 560 pages du livre). Rebecca Makkai fait donc le choix de traiter son histoire sous l'angle de la fraternité, la force de la communauté, laissant les luttes qui secouèrent ces années charnières de côté.



L'autre face du livre : Paris vu par une Américaine durant les attentats, ne présente par contre pas un intérêt démesuré sinon celui de savoir ce que sont devenus Fiona et ses quelques très rares amis toujours vivants.



Pitch dans l'ensemble pas inintéressant mais malheureusement que c'est verbeux ! Que de (longs) passages répétitifs, babillards, tournants en rond, alourdissants le propos pour finir par nous offrir un rythme aussi punchy qu'un paresseux sous kétamine.

J'ai eu bien du mal à venir à bout de cette oeuvre, pourtant assez sympathique, mais trop, beaucoup trop de pages inutiles. Sur les presque 600 que compte ce livre, une bonne moitié est superflue. Après un bon écrémage, comme ces Optimistes auraient gagné en attrait !

Commenter  J’apprécie          497
Cent ans de Laurelfield

Roman complexe, très bien écrit, avec assurément du style et une élaboration sophistiquée dans sa structure et portant de nombreux messages que chacun peut percevoir selon sa réceptivité.



Roman immobile qui se déroule presque exclusivement dans cette maison d'artistes, cette sorte de villa Médicis à l'américaine, immobilité qui s'étend sur un siècle, qui emporte le lecteur sur le toit, dans le grenier, à travers tous les espaces de cette demeure riche de mystères, de sons, dans une sorte d'atmosphère passant de l'étouffement à la simplicité brute, crue,du vécu et du non vécu, de l'imaginaire des protagonistes, le tout porté par les sentiments exprimés ou tus, hurlés parfois, contradictoires, changeants, ce qui fait la richesse de cette oeuvre dont la densité contraint le lecteur à ne jamais décrocher ou alors à le faire pour se perdre lui-même dans ses propres méandres sensoriels.



Des époques et des personnages émergent : le passage à l'an 2000 avec la persuasion de certains d'une fin du monde inéluctable, les années 50 qui incrustent le lecteur dans une réalité esthétique pathétique par moments, toujours troublante et diffusant un sens à détecter par chacun.



Parmi les personnages, ce sont les féminins qui dominent, les hommes même violents ou violeurs, ou bien réduits à une homosexualité diffuse, distillée au compte gouttes par Rebecca Makkai, à travers la photographie, le réel mêlé à l'imaginaire, n'ont qu'un rôle secondaire.



Ce n'est pas un roman qui passionne mais qui saisit, qui permet de réaliser une traversée des époques au milieu de l'art, des amours manquées, des passions avortées. Ce n'est pas un roman noir, mais pas un texte de bonheur davantage, les frustrations dominent, les longueurs étouffent admirablement au point qu'en lisant on finit par vouloir s'enliser dans cette demeure mystérieuse, fréquentée par une famille fracassée et des artistes dépeints sans complaisance dans leurs oeuvres improbables, souvent détruites par eux-mêmes.



Il faut donc se laisser pénétrer par Laurelfield et je remercie Babelio ainsi que les éditions Les Escales de m'avoir offert ce livre par le biais de la masse critique privilégiée, un texte qui ne s'oublie pas et dans lequel on continue de flotter même après avoir commencé une autre lecture.
Commenter  J’apprécie          486
Chapardeuse

La littérature américaine s'est découvert une nouvelle plume pour exposer les névroses contemporaines qui assaillent les Etats-Unis. A l'image d'un Percival Everett, Rebecca Makkaï nous dépeint avec une lucidité amusée une Amérique éclatée en quête de repères. Une Amérique tiraillée entre celle conservatrice, qui se crispe et se réfugie dans les églises évangélistes, et celle des déracinés qui s'interroge sur l'identité, sexuelle et filiale, ou encore l'évanescence des liens à l'image de Lucy, jeune bibliothécaire pleine d'autodérision qui porte en elle les ferments de la révolte dans ses veines russes des Hulkinov.



Dans sa volonté d'ouvrir à un nouvel univers le jeune Ian prisonnier de parents évangélistes convaincus, Lucy se voit embarquée malgré elle dans un périple burlesque promenant les deux héros du Missouri au Vermont en passant par Chicago. Pour n'importe qui ça ressemblerait à un kidnapping. Mais la légèreté extravagante associée à la culpabilité tournée en dérision brouillent les faits et attirent la complaisance, de sorte que sous les apparences d'un rapt d'enfant, crime grave de nature fédérale, on se laisse séduire par ce qui prend la tournure d'une fugue loufoque ou d'un menu larcin.

Nourri de rencontres fortuites et de rendez-vous organisés, le roman bascule dans un récit plein de bienveillance et de générosité qui fait tomber des barrières cognitives, mais pas forcément celles que l'on croit.



Ce premier roman de Rebecca Makkaï est une découverte sympathique. Même si on n'apprend rien de nouveau et les fictions dénonçant les travers de notre société sont légion, Chapardeuse peut s'apprécier pour les contradictions nées du contact avec un jeune garçon intelligent et singulier qui ont pour rôle de désinhiber les consciences. Pages après pages, l'auteur s'amuse à déstabiliser Lucy la narratrice pleine de certitudes, de sorte que le périple improvisé bouleverse moins la conscience du jeune Ian que celle de Lucy.





Commenter  J’apprécie          462
Cent ans de Laurelfield

Je viens de finir « Cent ans de Laurelfield » de Rebecca Makkai. C’est la chronique d’une maison qui s’étale sur trois périodes. C’est un roman en demi-teinte qui demande le temps d’entrer dans l’histoire pour l’apprécier pleinement.

Si j’ai trouvé la construction et le style originaux voire intrigants, je reconnais avoir manqué d’intérêt pour les deux premières parties et les personnages. J’ai été portée par certaines phrases et aussi certains détails de la maison.

J’ai adoré la partie traitant de la colonie et des artistes qui redonne vie à cette demeure. Quand au prologue en quelques pages mais quelles pages ! Rebecca Makkai nous révèle la triste et courte vie de Violet Devohr ainsi que les raisons de la construction de Laurelfield.

Finalement cette idée de remonter le temps permet de lever le voile sur certains détails ainsi que sur quelques personnes. Tout a une raison pas forcément celle que nous imaginons lors de la lecture.

« _ Cet endroit a toujours recueilli les égarés. Les gens qui ont besoin de trouver Laurelfield trouvent toujours Laurelfield. »

Merci aux éditions Les escales dont j’avais déjà lu Balèze et Glory et à Babelio pour ce bon moment de lecture.

Commenter  J’apprécie          450
Cent ans de Laurelfield

Etrange roman dont je me demande, alors que je viens juste de refermer ses pages si j'ai aimé ou pas ...

Saluons la construction, conçue comme des poupées russes , puisqu'on suit quatre époques, chacune s'imbriquant dans la plus âgée pour divulguer un secret, un pan de l'histoire.

1999 : Alors que Zee est logée gracieusement dans la remise de la propriété familiale avec son mari Doug, par sa mère Gracie, ils se voient obligés de partager les lieux, avec Case 'le fils du mari de Gracie) et sa femme Miriam, artiste. Cohabitation qui ne plaît pas à Zee mais qui fait le bonheur de Doug, qui essaie de devenir écrivain, et qui voit en Miriam , une complice dans sa quête de renseignements sur un poéte ayant séjourné dans le manoir vers 1929.

Puis nous basculons en 1955 : Grace se voit offrir Laurefield par son père, après son mariage avec George. mari qui s'avère violent... et on en apprend un peu plus sur la propriété et les gens qui y ont habité..

1929 : Laurefield était alors prêtée à une colonie d' artistes, lesquels veulent absolument maintenir la magie du lieu.

1900 : Laurefield n'est que prés et chênes, qu' un certain Augustus veut acheter en vue d'en faire une splendide demeure pour lui et sa jeune femme Violet Devohr, celle-là même qui, presque un siècle plus tard, continue de hanter les lieux.

Car , ne nous y trompons pas , la vraie vedette de ce livre est une maison, pas les personnages. Car les gens n'ont fait qu'y passer, certains l'ont aimée passionnément, d'autres détestée, d'autres y ont trouvé un refuge, certains y sont morts. Pour certains , elle fut une prison, pour d'autres la liberté. Certains l'ont fuie , d'autres, ne pouvaient la quitter.

Ce qui fait toute l'originalité de ce roman, c'est la narration, à rebours. Beaucoup de temps morts , de passages inutiles entre temps, comme ceux consacrés à Zee et aux coulisses de son lieu de travail (elle est prof de fac).

Parfois, l'auteure botte en touche et conclue ses chapitres un peu trop rapidement, il faut être vigilant, pour ne laisser rien passer, aucune pièce du puzzle reconstituant l'histoire de Laurelfield.

Parfois, ses personnages son étonnement désintéressés, et se dépouillent volontiers, un peu trop facilement...

Etonnement aussi sur la place consacrée au fantôme. Je m'attendais à lire un roman du gente Fantastique, avec une Violet qui hante chaque page, il n'en est rien . Rien du tout.

Pas le moindre fantôme , mais un secret (des secrets ), un chantage, et une maison où les artistes furent heureux le temps que cela a duré..

Une demeure conçue pour le bonheur, qui a abrité des couples, des hommes, des femmes , et c'est là tout le "squelette" du roman, leurs relations, leurs" non-relations" .

Ah ! si les maisons pouvaient parler...
Commenter  J’apprécie          440
Chapardeuse

Lucy est bibliothécaire dans un petit village perdu dans l' Amérique profonde , dans le Missouri , elle a peur en pensant que sa vie est toute tracée , qu'il ne lui arrivera jamais rien d'intéressant , qu'on la considère comme la caricature de la bibliothécaire idéale , c'est-à-dire , vieille fille entourée de chats qui vit dans un petit appartement et qui n'a pas d'amis .

Lucy travaille au rayon ' jeunesse ' , le jour où Ian , un petit garçon de 10 ans vient à la bibliothèque , ce jour-là devient le jour de chance pour Lucy , elle ne peut rêver d'un meilleur lecteur , il est avide de nouvelles connaissances et a une passion la lecture .

Ces deux là devaient se rencontrer c'est inévitable .

Mais , car il y a un ' mais ' bien sûr , la famille de Ian est évangéliste et lui impose des lectures ; elle fait des listes avec les lectures interdites : pas de magie , de sorcellerie , pas de livres sur la théorie de l'évolution , même Harry Potter ne trouve pas grâce

à ses yeux ; pas de bonbons non plus .

Lucy va essayer d'aider Ian comme elle peut en fermant les yeux sur les livres qu'il lit à la bibliothèque .

Un matin , en arrivant la première dans sa bibliothèque , Lucy découvre que le jeune garçon s'est fait enfermer la veille et a passé la nuit dans les locaux ;

Bien sûr , ses parents doivent s'inquiéter , et bien sûr , Lucy va les prévenir mais .... dans les livres ça ne se passe jamais comme prévu , sinon il n'y aurait pas d'intrigue .

Lucy et Ian vont embraquer pour un tour des Etats -Unis qu'ils n'oublieront jamais , qui va les marquer à vie , oh positivement , ne vous tracassez pas pour eux .

Et oui ça finit bien .

C'est un roman qui donne de l'espoir , c'est une fable moderne plutôt qu'une histoire plausible , malgré quelques petits défauts , j'ai beaucoup aimé , surtout la critique sous-jacente des Etats -Unis , l'évocation de la famille de Lucy , le personnage de son père Russe est très bien .

Pas vraiment un coup de coeur mais une lecture bien agréable qui pose des questions .
Commenter  J’apprécie          420
Les optimistes

Quelle émotion j'ai ressenti à la lecture de ce magnifique roman !



A Chicago, dans les années 1980 à 1990, le sida surgit, se répand et décime la communauté gay. La terrifiante maladie tue à très brève échéance ceux qui sont atteints par le virus. La peur suscitée par l'épidémie conduit à un rejet des homosexuels, déjà victimes d'ostracisme au préalable.



A une époque où les traitements étaient peu efficaces et où beaucoup considéraient encore la maladie, sinon comme une punition de Dieu, au moins comme le résultat d'un mode de vie blâmable, les personnes gay ont du lutter, non seulement contre les préjugés, mais aussi pour bénéficier de soins dignes d'êtres humains.



Sans sensiblerie ni caricature, mais avec beaucoup d'empathie, Rebecca Makkai relate les souffrances physiques et morales endurées par les hommes atteints, l'angoisse et l'incertitude qui tourmentent ceux qui ne le sont pas (ou pas encore), l'affliction et le traumatisme qui marqueront les survivants ou les proches de manière indélébile.



Avec habileté, l'auteure trace le destin de personnages foncièrement humains, et battit un roman déchirant sur la puissance et la beauté de l'amitié.
Commenter  J’apprécie          410
Cent ans de Laurelfield

Ce roman nous fait traverser un siècle mais à reculons. Autant dire que l’on ne voit donc pas très bien où nous posons les pieds, ni vers quelle direction sa créatrice nous oriente. Une chose est sûre, toutes ces années s’écoulent sur le territoire isolé de Laurelfield, une grande maison avec ses dépendances construites au tout début du siècle dernier, à proximité du lac Michigan dans l’Illinois.

Il est mentionné que l’aïeule Violet Saville Devohr, qui s’est donné la mort dans la demeure, y est présente, du moins en peinture sur un gigantesque tableau, mais sa présence semble aussi être quelque peu fantomatique. À vérifier !



Première étape en 1999. L’auteure s’attarde alors sur la dernière descendante des Devohr, Zee, l’arrière petite-fille. Elle vient de revenir sur le domaine familial avec son mari Doug pour y occuper la remise. Alors qu’elle travaille à l’université, Doug se penche soi-disant sur son éternelle monographie en cours au sujet du poète Edwin Parfitt. Zee complote pour que son mari obtienne un poste à l'université mais l’arrivée d’un autre couple dans la demeure viendra bouleverser ses plans : le fils de son beau-père et surtout sa femme Miriam, une artiste extravagante qui trouvera à Laurelfield une réelle inspiration pour ses mosaïques faites de morceaux d’objets disparates.

Le manoir, déserté au début du siècle par son premier propriétaire après le suicide de sa femme Violet, fut l’espace de quelques années le refuge d’artistes divers, sculpteurs, écrivains, peintres, compositeurs… Serait-ce donc un lieu propice à la créativité ? Une chose est sûre, la demeure ancestrale préfère choisir ses occupants et d’après la mère de Zee apporte la chance ou la malchance.

Comme Edwin Perfitt y a effectué plusieurs séjours, cette ancienne présence pourrait probablement aider Doug à parfaire son travail sur le poète mais sa belle-mère semble farouchement réticente à lui ouvrir la porte du grenier. C’est pourtant là, comme dans tous les greniers, que se concentrent les souvenirs du passé.



Et c’est justement dans cette mansarde que s’ouvre la seconde étape avec Grace, en 1955. Elle y trouvera refuge contre sa plus monumentale erreur : son mariage avec George, caricature de l’homme violent, volage et alcoolique.



En 1929, on passe d’un artiste à l’autre, de soirées bien arrosées à l’ébauche d’un tableau, de sentiments qui se forment à un chêne foudroyé.



Des révélations surprenantes ponctueront chaque tranche de ce décompte d’années et feront toute l’originalité de ce roman.

Au fil d’une narration qui ne laisse rien au hasard, portée par une très agréable plume spécialement attractive et que l’on parcourt avec impatience, Rebecca Makkay imbrique dans le quotidien des différents personnages des petits traits qui s’ajoutent les uns aux autres et nous éclairent, sans qu’elle ait besoin de le spécifier explicitement, sur leurs véritables identités. J’ai été réellement séduite par sa façon de titiller la concentration du lecteur en introduisant des éléments qui traversent les époques et nous font remonter jusqu’à leur origine, à l’image de ce tableau sur toile de lin non signé, de cette photo compromettante, d’un vieux fauteuil et de classeurs à tiroirs cachés dans le grenier.

Alors que l’on pense être tranquillement installé dans une saga familiale, l’étonnement naîtra de ces constatations : les apparences sont souvent trompeuses et les interprétations de vestiges du passé s’avèrent rarement coller à la vérité. C’est donc une lecture qui, avec ses différentes incursions dans les murs de ce riche domaine, ne manquera pas de dérouter agréablement son lecteur.

Tout en étant confinée dans cette demeure, la variété des époques, des résidents et des vérités qui se font jour ouvrent de multiples fenêtres qui m’ont permis de sauter allégrement les cent ans qui séparaient Violet du début du roman.



Avec une porte ouverte sur les archives du grenier, je remercie Les Escales et Babelio pour m’avoir donné la clé de cette singulière lignée des Devohr.

Commenter  J’apprécie          333
Cent ans de Laurelfield

« Nous ne discutons pas la famille. Quand la famille se défait, la maison tombe en ruine » (Antonio de Salazar)





Dans l'atavique demeure de « Laurelfield », dans l'Illinois près de Chicago, l'aïeule centenaire, Violet Saville Devohr, qui naguère s'y serait suicidée, hante les lieux. Elle observe depuis son portrait suspendu au mur de la salle à manger, ses descendants et les résidents qui vont et viennent.





Sur le mode des poupées gigognes et empruntant un chemin à rebours, l'auteur écrit une saga familiale impertinente et audacieuse.





1999. le 31 décembre, veille du passage au deuxième millénaire, sont présents : Zee, enseignante universitaire, marxiste, qui dédaigne la fortune de ses parents, tout en profitant de celle-ci en habitant le domaine familial avec son mari, Doug, doctorant ès Lettres, ainsi que sa mère, Grace, aussi étrange que mystérieuse - dissimule-t-elle un abominable secret ? -, et son beau-père, Bruce, obsédé à faire des provisions pour prévenir la catastrophe annoncée du passage à l'an 2000.





1955. Grace et son mari, George - alcoolique et violent -, emménagent à « Laurelfield ». Mais Grace perçoit des indices dont elle est persuadée qu'ils augurent de mauvais présages dont certains sont comme surréels. Désormais, sa situation se trouve sens dessus dessous. Néanmoins, et fort heureusement, Grace s'agrippe à Max, le majordome. Mais celui-ci est également perclus de mystères se traduisant pour Grace par l'incapacité de celle-ci à découvrir qui est réellement la jeune Amy, la prétendue nièce de Max.





1929. « Laurelfield » est une colonie d'artistes accueillant le « gratin » de la création artistique de l'entre-deux-guerres, une communauté esthète et libertine.





« Cent ans de Laurelfield » (Les Escales, janvier 2021) est le troisième roman traduit en français de Rebecca Makkai (Lake Forest - Chicago, Illinois) après « Chapardeuse » (Gallimard, 2012) et « Les Optimistes » (Les Escales, janvier 2020).





Si l'on osait une comparaison artistique entre la littérature et l'opéra, on pourrait dire que le roman « Cent ans de Laurelfield », par opposition à un récit plus conventionnel, rappellerait l'une des traditionnelles altérités de l'art lyrique. Quand le « Bel canto » de Verdi commence par une ouverture qui expose, en quelques mouvements, l'intégralité et l'ampleur des passions en sursis, l'opéra Wagnérien joue de ressorts spéculatifs. Avec circonspection et toutes proportions gardées, l'on peut dire que Rebecca Makkai, dans « Cent ans de Laurelfield », déploie un récit aux allures wagnériennes par l'usage de thèmes étroitement imbriqués au sein d'intrigues, entremêlées les unes aux autres, parfois relevant de la magie, voire du mythe. de même, l'on retrouve des fondamentaux - leitmotivs et fils conducteurs - au soutien de la composition du récit exhaussé suivant une construction antéchronologique - de 1999 à 1900, en s'achevant par un prologue – où, à chaque instant, Rebecca Makkai révèle des messages au lecteur :





« Tout ce fichu siècle aurait eu bien plus de sens s'il s'était déroulé à rebours» (P. 154).





C'est un point essentiel qui traduit le coup de maître réalisé par l'auteur dans ce roman d'une intelligence outrageante. Mais que l'on ne s'y méprenne pas, pas de providence, ni Dieux ni Déesses sur la propriété de « Laurelfield », mais des intrigues et des personnages, de chair et de sang, empreints de points de vue contraires et opposés, magistralement mis en scène, qui demeurent et se meuvent, mais tous dans la filiation de générations successives.





Rebecca Makkai n'est pas avare d'intrigues et de contradictions dont

« Laurelfield » est un modèle de creuset. Zee, universitaire marxiste, aux liens familiaux contrariés, accepte, toutefois, d'emménager dans la remise de la propriété avec son mari, Doug, astreint à rédiger, pour l'université, une monographie sur un mystérieux poète, Edwin Parfitt. Peu inspiré, il écrit en secret des romans pour jeunes filles. À la demande de Grace, les époux doivent partager cet espace avec le demi-frère de Zee, Case, et sa femme, Miriam, une artiste fantasque. Mais l'équilibre du couple formé par Zee et Doug semble être remis en question depuis l'arrivée des deux autres. Également, Amy, une jeune fille moquée pour son physique, qui est présentée par Max comme sa prétendue nièce, sème le trouble.





Les personnages du roman, qui évoluent au sein de conflits permanents, présentent tous les caractères pour s'y attacher ou les détester. Leurs défauts, leurs contradictions et leurs évolutions – à ce dernier égard, il est prudent de se méfier des apparences, les bons ne sont pas toujours ceux auxquels nous pensons. Mais, tous concourent à faire de cette fiction un excellent roman.





Quelques réserves cependant :





En premier lieu, sur ces deux derniers points – intrigues et personnages -, on ne saisit pas toujours, et pour tous, ce qu'ils deviennent au fil de la lecture et, plus particulièrement, dans la deuxième et la troisième partie du roman. Aussi, une seconde lecture - voire une deuxième - peut s'avérer nécessaire pour bien comprendre, le cas échéant, ce que sont devenus certains personnages et le sens de certaines situations (Zee et Max par exemple). Mais, tout compte fait, Rebecca Makkai n'écrit pas un roman sur ce qui va arriver, mais sur le passé révolu et le pourquoi de celui-ci que seul le lecteur peut saisir en fin de roman.





Ainsi, comme l'on sait, dans les années 20, « Laurelfield » était une colonie accueillant des artistes - dont Edwin Parfitt. Doug est persuadé que le grenier contient des archives et documents précieux pour son travail. Il s'affranchit, alors, de l'interdiction, très énigmatique de sa belle-mère, Grace, que seul le lecteur comprendra, mais plus tard, tout comme tant d'autres mystères et intrigues.





De même, mais ce point n'est pas en lien avec l'apparente tortuosité du roman particulièrement bien conduit, il faut lire une centaine de pages pour ne pas abandonner la lecture en cours de route. Si celles-ci ne sont pas outrageusement ennuyeuses, elles ne sont pas d'emblée passionnantes en raison, précisément, de la structure du roman et du fait que l'on ne sait pas très bien ce qu'il en est et où l'on va. Mais tout vient à point à qui sait attendre…





En bref, si le livre demande une lecture un minimum soutenue, il est extrêmement riche, intelligent et passionnant et, paradoxalement, léger et drôle sur fond de comédie, voire de satire historique, de spectres et apparitions, agrémenté d'humour à caractère sexuel, mais toujours spirituel.





Je conseille très vivement la lecture de ce roman.





Bonne lecture.



Michel.




Lien : https://fureur-de-lire.blogs..
Commenter  J’apprécie          281
Les optimistes

Ce roman débute en 1985, au moment où Yale Tishman enterre son ami Nico. Dans Boystown, quartier dédié aux LGBT de Chicago - première ville à leur reconnaître un milieu de vie -, on guette les taches violacées sur les visages. La maladie du Sida est présente avec cette épée de Damoclès de maladie inconnue et sans remède. L’auteur utilise des mots justes et très réflectifs sur cette question du poids de la maladie. de la mort et du deuil. Du coup, on finit la lecture imprégné du thème de l'hécatombe dans le milieu gay, alors que cela ne pourrait être qu'une intrigue secondaire.

Car il y a en parallèle et en 2015, l’aventure de Fiona qui part sur les traces de sa fille, aperçue pour la dernière fois sur le pont de l'Archevêché. Ce récit à Paris captive, tient en haleine avec tous les ressorts d'un bon polar. Il faut avouer que si ce parallèle historique peut à priori paraître déstabilisant, les références au passé de Fiona auront l'avantage d'apporter un éclairage supplémentaire et plus contemporain sur les épreuves traversées par les amis et sur les dommages collatéraux du virus. Le lien érudit et parallèle entre l’es histoire est cette passion de l’art et des galerie, explique avec une érudition et précision sans faille par auteur. Ce pavé contient en fait trois histoires en une et brille par sa qualité de recherche historique qui en fait un bijou littéraire.

#Netgalley #lesoptimistes

Commenter  J’apprécie          240
Les optimistes

Il est impossible de ne pas penser à 120 battements par minutes en lisant Les optimistes de Rebecca Makkai. Mais aussi d'y voir des ressemblances avec notre époque, toutes proportions gardées, avec ce virus invisible qui fauche au hasard, et avec ce vaccin qui n'est qu'un espoir lointain et peut-être chimérique. Le livre alterne deux unités de temps, d'action et de lieu : Chicago 1985 et Paris 2015. Les deux récits sont cependant reliés, Fiona, l'héroïne du second, ayant été un témoin "privilégié" de l'hécatombe qui a eu lieu dans la communauté homosexuelle, trente ans plus tôt. La partie se situant dans les années 80 est la plus développée et la plus puissante, racontant au jour le jour le quotidien de Yale, un ami de Fiona, dans le milieu de l'art où il travaille, sa vie de couple et ses relations avec son environnement où aux fêtes débridées succèdent les enterrements. Le récit parisien est volontairement moins prenant mais il agit comme une sorte de sas après les événements éprouvants décrits lors de ces funestes années sida. C'est aussi l'occasion de prendre du recul, à froid, et de constater les traumatismes qu'ont subi les rescapés. Rebecca Makkai fait preuve de beaucoup de maîtrise et aucun point de la narration ne semble laissé au hasard. Portraits psychologiques et atmosphère d'époque (les années Reagan) sont rendues avec une acuité et une précision redoutables. Les optimistes est un roman américain par essence et il y a, c'est vrai, peu de place pour la spontanéité ou des figures libres, tant tout semble carré et programmatique. Par certains côtés, le roman rappelle d'ailleurs ceux de Dona Tartt, efficaces, tortueux mais ne perdant jamais de vue leur plan préétabli. Malgré cet aspect (trop ?) réfléchi, Les optimistes est indéniablement un livre fort et marquant, traitant son terrible sujet en évitant les pièges du sordide ou du lacrymal.
Lien : https://cin-phile-m-----tait..
Commenter  J’apprécie          240
Les optimistes

1985 à Chicago, la vie semble sourire à Yale : en couple avec Charlie, il vit une relation stable tout en étant entouré d'une joyeuse bande de copains avec qui il profite de la vie dans le Boystown, le quartier gay de la ville. Et son travail semble enfin sur le point de décoller avec un mystérieux héritage que la grand tante d'une de ses amies veut léguer et qui pourrait bien revenir à la galerie qui l'emploie. Mais la menace du SIDA devient soudainement concrète avec la maladie puis la mort de Nico, un de ses meilleurs amis...



La grande force des Optimistes est de nous faire revivre la fin de la (courte) période d'insouciance du début des années 80 quand les gays qui commençaient tout juste à pouvoir vivre un peu plus librement sans se cacher furent soudain confrontés à une épidémie de SIDA qui allait tout décimer sur son passage et répandre maladie, mort et angoisse. L'atmosphère du Boystown, l'insouciance joyeuse de la petite bande qui gravite autour de Yale, la solidarité et l'amitié entre ces jeunes hommes et Fiona, la soeur de Nico, amitié qui souvent remplace des relations familiales devenues inexistantes quand les parents les ont reniés, et puis très vite la nostalgie, les regrets ou les remords avec les premiers morts et la certitude que cette époque est en train de finir, tout cela est parfaitement rendu par Rebecca Makkai et plonge le lecteur dans un abime d'émotions.



Ce récit alterne avec une seconde période, située de nos jours, centrée autour du personnage de Fiona, la "bonne copine", soeur de Nico, une des premières victimes de l'épidémie, qui alors qu'elle avait à peine la vingtaine a plus ou moins sacrifié sa vie pour aider son frère et ses amis gays, a vécu les maladies, les morts, l'angoisse de cette période où les mutuelles pouvaient refuser de prendre en charge les soins et où les hôpitaux ne savaient que faire face à ces jeunes malades victimes d'une maladie encore quasi inconnue. Même si on comprend vite la volonté de l'auteur de nous montrer aussi l'impact qu'a pu avoir cette maladie sur ceux qui ont survécu et à quel point elle a pu les empêcher de se construire ou de vivre leur vie, cette partie m'a semblé moins forte. L'intrigue secondaire autour de la recherche de la fille de Fiona, qui a quitté la maison, s'est enrôlée dans une secte et a coupé tout contact avec ses proches paraît bien ténue et on a du mal à s'intéresser à ces histoires de détective privé, de recherches sur Internet et de quête désespérée pour Fiona de reconstruire la famille qu'elle n'a pas vraiment su ou pu bâtir.



Plus que cette construction alambiquée et qui n'apporte pas grand chose (le récit mêle aussi une 3e intrigue autour d'oeuvres d'art et d'un amour lui aussi brisé mais par la première guerre mondiale) et surtout qui malheureusement entraine quelques longueurs pour le lecteur, je retiendrai de ce roman l'émotion que nous fait ressentir l'auteur, la construction par petites touches de personnages qu'on a l'impression de connaître depuis toujours et auxquels on ne peut que s'attacher. Magnifique Yale, si complexe, balloté par les événements et cherchant tout simplement à survivre, et surtout Fiona, jeune fille grandie trop vite, elle aussi emportée par la tourmente et qui sous des airs de fragilité se révélera le ciment et le soutien indéfectible de la bande. La reconstitution historique, très juste et minutieuse, est aussi parfaite et importante pour ne pas oublier à quel point cette épidémie fut totalement négligée à ses débuts aux Etats-Unis car finalement elle était vue comme une "punition" bien méritée par certains conservateurs ou religieux. Un beau roman qui aurait sans doute gagné à être plus condensé et resserré, les intrigues secondaires paraissant bien fades face au sujet principal.
Commenter  J’apprécie          220
Cent ans de Laurelfield

D'abord, je remercie BABELIO et les Editions Les Escales de m'avoir envoyé ce roman dans le cadre d'une Masse Critique privilégiée.

Ensuite, je vais tenter de me plier à cet exercice difficile qui est de développer une opinion négative sur un livre généreusement offert. Mais j'ai beau disposer les arguments et contre-arguments dans n'importe quel ordre, le résultat demeure le même : je n'ai pas aimé ce roman, alors qu'il avait tout pour me séduire.

J'ai eu du mal à entrer dans cette histoire de propriété vaguement hantée de l'Illinois (la Laurelfield du titre) qui, pendant un quart de siècle, a servi de colonie à des écrivains et artistes en panne d'inspiration ou plus simplement d'atelier. La faute à cette construction alambiquée du roman, qui fait démarrer l'histoire en 1999, pour la poursuivre en 1955, puis en 1929, avant de s'achever par le prologue en 1900 ; peut-être aurais-je dû commencer ma lecture par la fin, pour y trouver un plus grand intérêt... La faute aussi à tous ces personnages, pour lesquels je n'ai éprouvé aucune sympathie : leurs cachotteries et leurs sournoiseries m'ont agacée, puis ennuyée.

Mais ce qui m'a le plus dérangée, c'est que la complexité de la structure de ce roman ne lui apporte finalement que peu de plus-value, comme si l'auteur s'était avant tout fait plaisir en ciselant son architecture compliquée, avec pour conséquence de maltraiter à la fois ses personnages et ses lecteurs.

C'est donc une déception pour moi, qui m'attendais à autre chose ; je n'y ai pas retrouvé la touche de gothisme promise pas le Los Angeles Times, ni la référence à John Irving évoquée par le New York Times. Mais ouf !, je l'ai enfin terminé.
Commenter  J’apprécie          215
Les optimistes

A Chicago dans les années quatre-vingt, un groupe d'amis faisant partie de la communauté gay sont peu à peu décimés par le sida sous le regard compatissant de leur grande amie Fiona ; trente ans plus tard, celle-ci retrouve à Paris sa fille qui s'était éloignée d'elle. ● Le roman n'est pas franchement désagréable à lire mais il est lent, poussif et beaucoup trop long. Si Yale et Fiona semblent s'affirmer comme personnages principaux, le récit est éclaté en de multiples personnages secondaires insuffisamment caractérisés, auxquels le lecteur peine à s'attacher car il a tendance à les mélanger. C'est en fait plus le roman d'un groupe que le roman de quelques personnages, ce qui est peut-être dû à son caractère militant, anti-Reagan anti-Bush et pro-Act-Up (« Quelques astronautes morts et Reagan pleure avec la nation. Treize mille hommes gays étaient morts et Reagan était trop occupé pour en parler. »). ● Je me suis quand même pas mal ennuyé. Sur la même thématique, préférez le beau et original roman de Tristan Garcia, La Meilleure Part des hommes.
Commenter  J’apprécie          215
J'ai quelques questions à vous poser

En 2018, Bodie Kane, une podcasteuse de true crime, retourne à Granby, le lycée où elle a étudié pour donner des cours sur son thème de prédilection. Vingt ans plus tôt, Thalia, sa camarade de chambre, a été retrouvé morte noyée dans la piscine du campus. Un coupable a vite été trouvée mais avec son regard d'adulte et un recul de vingt ans sur la situation, elle se dit qu'il y a eu une erreur et que le véritable coupable est toujours en liberté.

C'est un roman assez étrange dans sa construction. Bodie Kane ne s'adresse pas au lecteur mais à celui qu'elle soupçonne, le professeur de musique qu'ils avaient eu. Elle alterne présent, avec le cours qu'elle donne à ses élèves et le passé où elle essaye de se souvenir des moments-clés de son passage à Granby. Mais tout semble très loin mais avec l'aide de ses élèves, certaines hypothèses commencent à faire le chemin.

Ce roman prend le temps de se mettre en place et le parallèle entre présent et passé se fait rapidement : un passé où l'enquête de la mort de Thalia a été bâclée avec un coupable tout désigné, un présent où on peut dénoncer rapidement et simplement des comportements problématiques par le biais des réseaux sociaux. La question de la justice est aussi mise en avant, est-ce qu'il est trop tard pour trouver le coupable à l'aide de souvenirs ? Peut-on réparer plus de vingt ans d'erreur judiciaire ? Tout le long du roman, la narratrice émet des hypothèses sur le possible coupable, c'est une véritable enquête au long cours, même si c'est aussi un livre sur les souvenirs d'une époque passée et une belle réflexion sur la justice. Il ressort de J'ai quelques questions à vous poser, des sentiments d'injustice, de mélancolie.

#NetgalleyFrance #Jaiquelquesquestionsavousposer
Commenter  J’apprécie          200
Cent ans de Laurelfield

Livre cadeau d’une littérature qui ne m’est pas habituelle.

Découverte d’un univers qui se veut haletant et intriguant.

En effet, l’originalité proposée dans ce roman, un compte à rebours dans le temps, happe la lecture mais contient un lot de restrictions.



Des anecdotes, une famille au centre de relations complexes, un manoir que l’on veut mystérieux avec le fantôme d’une ancêtre suicidée, une colonie d’artistes évoquée et que l’on découvre en troisième partie dans un méli-mêlo de sentiments et de rêves créatifs, tout est construit pour nous entraîner entre époques, personnages étranges et événements de grande ou petite importance.



Un monde avec son lot de disputes, de mensonges, de regards qui guettent, de rebondissements légers et de vilenies dans une maison craquante à souhait.

La vie à Laurelfield se déroule entre problèmes conjugaux, actes répréhensibles, auto-destruction et de multiples détails qui tentent de combler une certaine superficialité.



On peut s’y perdre en lâchant trop longtemps la lecture.

On a envie de relier les différents faits et de connaître motifs et conséquences de tout ce monde éparpillé dans le temps.

On y arrive péniblement, un peu insatisfait de ce qui pourrait s’appeler saga sans l’être et roman gothique??? Je le cherche encore.



Lecture distrayante sans plus.



Commenter  J’apprécie          200




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Listes avec des livres de cet auteur
Lecteurs de Rebecca Makkai (745)Voir plus

Quiz Voir plus

Quand les aliments portent des noms insolites ou pas...

Les cheveux d'ange se mangent-ils ?

Oui
Non

10 questions
63 lecteurs ont répondu
Thèmes : nourriture , fruits et légumes , fromages , manger , bizarreCréer un quiz sur cet auteur

{* *}