Reed Farrel Coleman répond aux questions de Barbara Peters. 1/6
Non sous-titré.
Toutes sortes de théories commencèrent à circuler : Isaac Becker était en réalité un espion soviétique, son livre était rempli de secrets cryptés. Les Russes l’avaient engagé quand ils avaient libéré les camps d’Auschwitz. Le livre était un mensonge perpétré par les Russes pour semer le doute chez les Américains, vis-à-vis de leurs nouveaux alliés d’Allemagne de l’Ouest.
Weisen n’avait jamais craint la mort – il l’avait vue dans toutes ses configurations et savait qu’elle recélait une sorte de sérénité – mais il ne l’avait jamais non plus souhaitée. S’il s’était battu de toutes ses forces pour survivre en enfer, ce n’était pas pour capituler sous prétexte qu’il était vieux et fatigué.
Dans un univers où parler vous valait automatiquement une balle ou un « épouillage », la capacité à garder le silence était un talent essentiel pour assurer sa survie. Le mensonge, aussi, était devenu une seconde nature. Particulièrement efficace à Birkenau, le passage obligé avant la chambre à gaz.
Depuis que la Pologne avait été avalée par les bolcheviques et que la propriété privée avait été assimilée à une folie capitaliste, perpétrée par les masses, tout le monde trafiquait pour survivre. Dans la Pologne d’après-guerre, c’était le désespoir, pas le blé, qui rapportait gros.
Tout cela remonte à huit ans. Huit années de lutte intérieure, pris entre la tentation de l’oubli et la nécessité du souvenir. Et puis, une personne peu scrupuleuse – n’importe qui – m’ayant entendu parler du livre serait capable d’en fabriquer un faux tout à fait convaincant.
Rien ne devait jamais sortir de ces allégations mais, à cette époque, les rumeurs et les messes basses suffisaient pour ruiner la vie des gens – surtout des juifs à l’accent étranger. Après tout, qui se préoccupe de la vérité quand la démagogie règne à grande échelle ?
Survivre dans les camps lui avait appris une chose essentielle : il ne faut jamais sous-estimer le toit et la nourriture.
Comme il arrive souvent, un acte commis dans un but précis entraîne des conséquences exactement opposées.
Il y a des choses qui exigent qu’on se les rappelle.