Je sais maintenant pourquoi je n'aime pas lire des novellas. Quand elles sont aussi passionnantes que Le mythe d'Isaac Becker (The Book of Ghosts) de Reed Farrel Coleman, on voudrait qu'elles se poursuivent au-delà de 84 pages.
Jacob Weisen est un survivant de l'holocauste. Interné à Birkenau, il a réussi à dissimuler dans une charrette en partance pour une ferme polonaise un manuscrit écrit par son ami d'enfance Isaac Becker, racontant l'histoire des internés du camp. A son arrivée aux Etats-Unis , Weisen raconte la genèse du livre maudit, et ce dernier va devenir un mythe. « Des associations juives levaient des fonds pour lancer des enquêteurs à sa recherche. La R.F.A., à titre de réparation et dans un geste de bonne volonté envers le peuple d'Israël, avait confié la même mission à ses propres agents. On prétendait aussi que le gouvernement israélien avait envoyé des agents du Mossad assignés à la traque des nazis sur la piste du livre. On aurait dit que tous les aventuriers, journalistes indépendants et gouvernements étrangers sur la planète étaient en quête de ce satané bouquin. »
Qu'est-il advenu du manuscrit enveloppé à la hâte dans un morceau de pyjama rayé? Que raconte cette voix sous la cendre? Et l'histoire d'Isaac Becker est-elle vraiment celle que sert depuis des années l'étrange Jacob Weisen?
Ce personnage ambigüe qui n'est pas sans rappeler Enric Marco, L'imposteur de Javier Cercas, est un homme qui a connu le pire et qui a du lutter pour sa survie. Sa nouvelle vie aux Etats-Unis n'a jamais pu effacer les souvenirs cauchemardesques de la guerre. Le fantôme d'Isaac chemine à ses côtés de l'Europe à l'Amérique, et d'un mensonge à un autre. Isaac Becker, son compagnon d'infortune, l'absent écrasant qui, à l'instar de Shéhérazade, devait sa survie aux récits qu'il faisait à l'Obertleutnant Kleinmann, est l'Invisible qui l'obsède. Les histoire du prisonnier de Birkenau ont scellé son destin et deviennent une obsession internationale.
Le mythe d'Isaac Becker, est un récit remarquablement construit, aussi percutant que sobre, et qui nous laisse bien seul la dernière page tournée. Dans une entrevue publiée à la fin de l'ouvrage, Coleman déclare "Je pense que les mots peuvent être incroyablement puissants." Les siens le sont, sans aucun doute.
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Bref mais intense, la notion de bien et de mal s'efface derrière ce que l'homme peut faire pour survivre. Preuve en est que même dans la pire des situations il est des rancunes et des animosités qui perdurent !
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Nick et Todd sont deux amis d’enfance ayant grandi dans les rues de Brooklyn. Nick entretient des relations conflictuelles avec son père, ancien flic devenu agent de sécurité dans la tour nord du WTC. Quoi qu’il fasse pour donner un sens à son existence, il ne rencontre que sarcasmes dans la bouche de son géniteur. Aussi, lorsque Todd lui propose d’entrer au service d’un truand notoire, Boyle, et de son homme de main, Griffin, Nick voit-il là non seulement la possibilité de se faire un peu de fric facile, mais en plus celle de déplaire souverainement à son paternel. Ce qu’il n’avait évidemment pas prévu, c’est que les petits boulots à exécuter allaient l’entraîner dans un dangereuse spirale de méfaits avec lesquels sa conscience aurait de plus en plus de mal à s’accommoder. Ni que son ami Todd puisse tout à coup être devenu aussi violent, au point de lui inspirer une certaine crainte.
Ecrit à quatre mains par deux noms importants du polar actuel (même si Coleman est moins connu, son style et son originalité ont déjà été remarqués, notamment par votre fanzine préféré, dans son numéro…), « Tower » déploie son intrigue tour à tour par la voix de Nick et par celle de Todd. Certains évènements se voient ainsi relatés deux fois, et les voir avec les yeux de l’un ou l’autre des deux personnages leur donne à chaque fois une toute autre dimension. Car Nick sait des choses que Todd ne sait pas et inversement. Si, au début de leur histoire, Nick et Todd semblent clairement campés dans leur rôle de jeunes gars pas méchants qui tournent mal, leur rôle va rapidement évoluer dans un sens que Coleman et Bruen ne laissaient pas du tout entrevoir. Le cheminement de leurs deux « héros », ballotés entre la bêtise et l’amoralité de leur employeur et l’amateurisme des forces de police, va tourner au cauchemar, surtout pour leur entourage proche. Il ne fait décidemment pas bon de tomber dans les bras d’un jeune malfrat, aussi belle gueule soit-il. Suprêmement noir, tant dans la violence de certaines scènes que dans l’humour qui transpire des dialogues crus, « Tower » ne tire Nick et Todd vers le haut que grâce à l’indéfectible amitié qui les lie, envers et contre tout. Et qui, jusqu’au bout, leur garantira de rester sur la même voie et de ne jamais douter l’un de l’autre.
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The Book of Ghosts / Le Mythe d'Isaac Becker
D'emblée, je vous dirai que la traduction française de cette daube aurait dû être "La Mystification d'Isaac Becker". Vous voilà fixés . J'ajouterai qu'il y a au moins une catégorie d'individus sur cette terre pour lesquels Hitler et sa folie constituèrent une véritable providence : les écrivaillons et artistaillons de toutes sortes, au nombre desquels j'ose ranger le dénommé Reed Farrel Coleman qui, de surcroît, "enseigne" l'écriture dans je ne sais plus quelle université américaine et dont Ken Bruen, un jour qu'il devait s'être envoyé un peu trop de whisky irlandais, s'est assuré, on se demande bien pourquoi, la collaboration pour "Tower" ...
En deux mots - je vais essayer, c'est Noël, temps des miracles - l'intrigue (ou prétendue telle) : Jacob Weissen, rescapé de Birkenau et douillettement installé désormais aux Etats-Unis, était l'ami très proche d'un certain Isaac Becker. Tous deux sont juifs, évidemment. Becker, "que les SS eux-mêmes surnommaient le conteur" tant il racontait bien, avait réussi à obtenir d'un officier un cahier pour écrire ses histoires. Nul ne savait ce qu'il y avait dessus, sinon que les premières phrases étaient en hongrois. Weissen surnomme l'ouvrage "Le Livre des Spectres" parce que, le jour où Becker avait tenté de le récupérer (le SS l'avait confisqué), il avait avoué à son ami qu'il fallait à tout prix "sauver" le livre puisque celui-ci racontait tout ce qu'ils avaient vu à Birkenau. Et le brave Jacob, fidèle à sa parole, avec l'aide du "Gitan" - un autre détenu - avait caché le livre dans l'une des charrettes de cendres (je ne vous fais pas un dessin) qui sortaient régulièrement du camp pour aller "fumer" les champs des agriculteurs polonais (qui "savaient" bien sûr, de qui étaient ces cendres mais qui s'en foutaient parce que, eux aussi, c'étaient des affreux). Becker, lui, avait dû trancher la gorge de l'officier SS pour tenter de s'en sortir. En vain. Capturé, il était mort crucifié. Et le brave Jacob avait dû assister au martyr de son vieil ami même si jamais les Nazis n'avaient soupçonné sa complicité - ces SS, tous des cons ! ...
S'il y a un bon conteur (et un sacré menteur) dans l'histoire, ou plutôt dans cette novella, c'est notre ami, le brave Jacob, si émotif, qui mérite seul ce titre éminent. Parce que, à quelques menus détails près, toute l'histoire est fausse. Et l'Ange présumé - le brave Jacob - est une Bête qui, dans le fond, ne vaut guère mieux que les SS. On se demande même comment il se fait qu'il n'y ait pas eu un seul survivant nazi de Birkenau pour ne pas avoir trouvé le courage de le dénoncer ! ... Moi, je n'aurais pas raté une si belle occasion !
Une centaine de pages (ou un peu moins) d'une daube absolue, dont la fin est une pirouette éhontée et une insulte au lecteur. Celui-ci ne saura jamais ce que contenait le "Livre des Spectres" - et c'est bien dommage, croyez-moi, parce que le pauvre Isaac en a peut-être dit là-dedans sur son "ami" Jacob - et ç'était peut-être moins beau que vous ne le pensez. Avec ça, le style est d'une banalité ... cendreuse et les personnages n'ont aucune psychologie véritable. Vous m'excuserez, mais dire que les SS étaient des salauds et que tous les Juifs étaient des saints, c'est tout ce qu'on veut, sauf de la psychologie. Ah ! Evidemment, si l'auteur était allé au bout de son idée ...
Enfin, si c'était son idée, bien sûr ... ;o)
Bon courage si vous vous y mettez - ce que je ne vous recommande pas . Lisez plutôt "Les Bienveillantes" de Jonathan Littell ou, tenez (c'est son anniversaire aujourd'hui), "Elle Avait les Yeux Verts", d'Arnošt Lustig. Ou encore, pour démarrer "en douceur" si j'ose dire,"La Mort Est Mon Métier" de Robert Merle. ;o)
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Depuis qu'il a glissé sur cette foutue feuille de papier carbone, Moe Prager boîte et marche à l'aide d'une canne, ce qui lui donne sans doute un vague air de Docteur House (avant la lettre : le roman date de 2001). Cet accident de travail, car c'en était bien un, lui a valu d'être mis à retraite anticipativement de la police de New York. Depuis, il vivote et tâche vaille que vaille de rassembler une somme d'argent suffisante pour lui permettre d'ouvrir, avec son frère, ce magasin spécialisé en vin dont ils rêvent tous les deux. Ce fric qui lui manque, Rico Tripoli, un ancien pote toujours policier, pense savoir comment le gagner. Il suffirait à Moe d'essayer de retrouver Patrick, un jeune gars disparu quelques semaines auparavant et dont le père, Francis Maloney, également un ancien du NYPD, pourrait l'aider financièrement et surtout administrativement dans ses démarches pour obtenir la fameuse 'Licence IV', sans laquelle Moe ne pourra jamais vendre d'alcool légalement. Encore flic dans l'âme, Moe Prager se lance dans l'enquête et se rend très vite compte qu'il est surveillé de toutes parts et que Francis Maloney, contre toute attente, ne voit pas ses avancées d'un très bon oeil.
Première enquête de Moe Prager, 'Angle obscur' a donc été publiée au Etats-Unis en 2001. Elle a été éditée en français chez Phébus en 2007, alors que la deuxième enquête de Prager - 'Redemption Street'- avait déjà été publiée chez le même éditeur en 2006. 'Soul Patch', qui est chronologiquement la quatrième histoire mettant Prager en scène, vient de sortir en français, toujours chez Phébus. Un petit tour sur le site de Coleman nous apprend qu'il en est à la sixième aventure du détective juif et qu'il a par ailleurs publié d'autres polars sous le nom de Tony Spinosa (non traduits à notre connaissance...).
Avec 'Angle obscur', dont le titre original, 'Walking the perfect square', prenait tout son sens à la lecture du roman, Coleman nous présente un nouveau personnage de détective privé diablement attachant. A le suivre, à le voir tenter de démêler l'inextricable et comprendre une disparition sur laquelle tant d'autres se sont déjà cassé les dents, deux de ses qualités principales nous sautent rapidement aux yeux : son humour et son intelligence. Un humour vif, meublé de répliques percutantes ou de contre-pieds balancés à froid et qui font mouche à tous les coups. Une intelligence humble mais fière, qui s'abreuve à l'expérience d'années d'enquêtes et à une compréhension de la psychologie humaine, et qui lui permet de voir ou de deviner ce que d'autres ne suspectent même pas. Alors qu'il se pensait vacciné contre l'excitation ressentie au début d'une nouvelle affaire, et qu'il croyait n'éprouver aucune sympathie pour le jeune disparu, Prager, au fil de ses découvertes, va comprendre que le magasin de vin, c'est surtout le truc de son frère et que chercher, fouiner, bref, enquêter, c'est ce qui le branche réellement. Il va aussi découvrir, au travers du regard que ses proches portaient sur lui, que la vie de Patrick -et principalement ses relations avec son père, raciste et autoritaire- ne devait pas être rose tous les jours. Touché par l'humanité fragile qui se dégage du personnage, Moe veut être celui qui le retrouvera. Complexe, extrêmement réaliste et truffée de rebondissements, cette première enquête de Moe Prager nous rappelle les noeuds politiques développés par Connelly ou Ellroy, les polars aux nombreuses intersections à la Woodrell ou à la Pelecanos, ou encore la noirceur et l'humour des enquêtes de Kenzie et Gennaro, les privés de Lehane. A nous, elle nous a donné l'envie de commander illico les autres romans de Reed Farrell Coleman, notre nouvelle étoile du roman noir.
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Jacob Weisen est un survivant des camps de concentration. Quand il est libéré, il n'a qu'une seule idée en tête : refaire sa vie en Amérique Aussi, quand les services d'immigration viennent le voir, il décide de se faire passer pour un héros, car « les Américains, il le savait, avaient un faible pour les héros. » C'est avec un trémolo dans la voix qu'il sert, à la jolie jeune femme qui l'interroge, la tragédie de son ami, Isaac Becker. Isaac est l'auteur d'un livre mettant en scène le Gitan, « hanté par les spectres des gens qu'il a rencontrés dans les camps avant qu'ils ne soient gazés. Ces spectres lui racontent leur histoire, qu'il doit, à son tour, raconter au monde pour survivre. »
J'ai entendu parler de ce mince volume (il ne compte que quatre-vingt-quatre pages) dans une chronique, où il était présenté avec un tel enthousiasme, que je l'ai acheté et lu immédiatement.
Ce récit appartient au genre qu'on qualifie de « novella ». Il est subdivisé en sept parties portant une date et un nom de lieu. Il commence et se termine à New York en 2011. Jacob Weisen est un vieil homme emmené par sa petite-fille à une vente aux enchères. On y proposera le célèbre « Livre des spectres » pour lequel son ami, Isaac Becker, a sacrifié sa vie dans un camp voisin d'Auschwitz. Pendant le trajet en voiture, Jacob est plongé dans ses souvenirs. Il se remémore les étapes de sa vie, et comment il a fait naître le « mythe d'Isaac Becker ». Nous verrons ainsi intervenir différents protagonistes qui ont joué un rôle important dans cette affaire, à différents endroits et à différents moments, de 1946 à 2011, et d'Auschwitz à New York.
Jacob n'a même jamais entendu parler d'eux. S'il est le personnage central, il est loin d'être un héros. D'entrée de jeu, il nous révèle son vrai visage pas très reluisant. Un premier mensonge en entraînera toute une série, dans la toile desquels Jacob se retrouvera englué sans plus pouvoir en sortir.
Bien sûr, le personnage le plus important est celui qu'évoque le titre, Isaac Becker, qui n'apparaît jamais dans ce récit, pour la bonne raison que, nous le savons dès le début, il est mort avant qu'il ne commence. Pourtant, toute l'histoire tourne autour de lui et, petit à petit, il va devenir une légende.
Le livre est court mais très dense. Il est suivi par un entretien avec l'auteur, dans lequel celui-ci expose la genèse de son œuvre et la personnalité de son anti-héros. Seuls les lecteurs connaîtront le double visage de Jacob, qui se dévoile sans aucune auto-complaisance.
Reed Farrel Coleman n'écrit pas, ici, un énième livre sur la deuxième guerre mondiale. Il nous fait pénétrer dans l'horreur d'un camp où, pour survivre, on est parfois (souvent) amené à commettre des actes atroces. Dans cet enfer de souffrances et de mort, pas de place pour de nobles valeurs comme compassion, humanité, entraide. C'est l'endroit où, pour sauver ce qui reste de sa misérable peau, on est prêt à commettre l'irréparable. Mais c'est aussi l'étude de « l'après ». Jacob va devoir vivre avec cette culpabilité qui pèse lourd sur sa conscience. C'est l'univers de ceux qui résident à côté des camps, sans se soucier de ce qui s'y passe. En profitant même, peut-être, de certains avantages qu'ils peuvent leur offrir. C'est le destin des nazis qui ont endossé une nouvelle identité, et veulent bénéficier d' une petite vie tranquille, sans être rattrapés par le souvenir de leurs actes.
J'ai pris ce roman comme un véritable coup de poing et ne suis pas près de l'oublier. Je ne regrette pas cette lecture qui m'a profondément marquée.
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j'ai pas aimé, lugubre, noir
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un de mes coups de cœur.très belle histoire,persos accrocheur
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