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Critiques de Reginald Fleming Johnston (2)
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Au coeur de la Cité interdite

C'est à la mort du "Vénérable Bouddha", surnom que s'est donnée elle-même l'impératrice Tseu-Hi ou Xhi-Xhi, à soixante-douze ans, que le jeune PuYi, âgé de trois ans devient Empereur de Chine sous le nom de Xuāntǒng, et sous la tutelle de son père. Comme le veut la tradition, l'Empereur est issu de la tribu minoritaire des Mandchous, dans un pays dominé par les Chinois. le maintien de la dynastie a, par le passé, fait l'objet de nombreuses contestations et de nombreux soulèvements pour renverser le régime, notamment la révolte des Boxers, mais la mainmise des Mandchous s'est maintenue malgré tout. le jeune empereur vit, contraint par le protocole très strict de la Cité Interdite - imposé et contrôlé par le puissant Nei Wu Fu, le Département de la Maison Impériale -, ainsi qu'entouré des très puissants eunuques, une caste dans la Cité Interdite, qui ne cessent de trafiquer pour s'enrichir et protéger leurs intérêts. La République de Chine, proclamée le 1er janvier 1912 sonne le glas de l'Empire, et le maintien de Empereur n'est qu'une situation de façade dont la liberté n'en est pas moins contrainte. C'est dans ce contexte politique bicéphale qu'en 1919, Reginald Johnston, un écossais, issu de la légation Britannique, parlant le mandarin, est sollicité comme précepteur du jeune homme pour lui donner une éducation occidentale. Il restera aux côtés de Pu Yi jusqu'en 1924 et gardera toujours contact avec son élève, contraint à l'éxil.



La lecture de ce récit, à la fois biographie et témoignage, n'a pas toujours été facile. L'histoire de la Chine, au début du vingtième siècle est très mouvementée et marquée par l'empreinte d'une femme à la poigne de fer, enfermée dans la Cité Interdite, déesse vivante assoiffée de pouvoir et qui a maintenu les traditions Mandchous, sans vraiment préparer l'évolution qui s'avérait vitale pour le pouvoir. le chaos s'installe après sa mort, revers et luttes intestines se multiplient, à la tête desquelles se battent des généraux, hommes politiques chinois et mandchous, une histoire qui reste difficile à suivre. Néanmoins, dans son récit, Reginald Johnston identifie parfaitement les tensions et les enjeux, les pressions de la Maison impériale qui paralysent toute évolution, isolant l'empereur, les Eunuques qui gèrent et se livrent à des malversations, usant et abusant de leurs privilèges, les généraux qui fomentent coups d'état, révoltes et soulèvements pour leur profit personnel et il relate parfaitement les difficultés de transmettre ses connaissances à ce jeune homme broyé par un système et un destin qu'il n'a pas choisi. L'écossais, grâce à sa connaissance de l'histoire de la Chine et sa rencontre déterminante avec son jeune élève, curieux, intelligent et lucide, va lui transmettre savoir et ouverture d'esprit, influençant ou encourageant certaines décisions, comme celle de chasser les eunuques de la Cité ou nommer un organisme chinois et non mandchou, pour diminuer et contrôler les dépenses. Des décisions controversées qui provoquent la foudre du Département de la Maison Impériale jusqu'à créer des campagnes de diffamation envers le précepteur.

Au coeur de la Cité Interdite est un récit foisonnant, politique, historique très documenté, qui peut paraître quelquefois difficile à aborder, mais quand on passe certaines difficultés (notamment les patronymes chinois et mandchous qui se ressemblent énormément), on peut découvrir la vie dans cette Cité Interdite et partager l'existence difficile de ce jeune homme comme si l'on y était et l'on peut avoir en tête les images du film de Bertolucci qui s'est inspiré de façon très fidèlement du récit de Reginald Johnston.

Instructif et édifiant.
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Au coeur de la cité interdite - LXIX

Twilight in the Forbidden City

Traduction : Christian Thymonier



Pour les amateurs de mémoires et de journaux, ce livre, rédigé par celui qui fut le précepteur britannique du dernier empereur de Chine appartenant à la dynastie mandchoue, Hsüan T'ung, mieux connu sous son nom de naissance, P'u Yi, constitue une aubaine.



Non que le lecteur soit tout-à-fait dupe de l'enthousiasme avec lequel Johnston évoque son impérial élève. On sait la ferveur que l'idée royaliste inspire en général à nos cousins d'outre-Manche : et bien que se voulant un loyal sujet de Sa Très Gracieuse Majesté le Roi George V, il est normal qu'un gentleman tel que Johnston ait reporté un peu de sa vénération monarchique sur l'occupant du trône du Dragon.



A cet élève prestigieux, il prête beaucoup de qualités. Mais il arrive que son intégrité foncière - on ne peut en effet mettre en doute l'honnêteté du personnage - rattrape notre précepteur occidental qui, dans un éclair de lucidité, note avec beaucoup de finesse que les qualités de son pupille lui venaient certainement de sa mère alors que nombre de ses zones d'ombre - et de lâcheté - lui avaient été léguées par sa famille paternelle.



Reginald Johnston a voué au dernier monarque Ch'ing une affection que celui-ci lui a bien rendue. On se prend même à rêver sur l'influence, assurément bénéfique, que le précepteur aurait pu exercer sur son élève s'il n'avait été contraint par les règles diplomatiques de l'abandonner à son destin après son départ pour le Japon. Certes, dans ces pages, Johnston affirme que la fuite de l'Empereur à la légation japonaise de Pékin constituait, sur l'instant, la seule bonne solution. Mais on peut douter que, après l'entrée en guerre de la Grande-Bretagne contre le Japon, il aurait maintenu cette position. Seulement, il était mort depuis un an lorsque éclata la Seconde guerre mondiale.



En un style élégant et précis, il nous détaille dans le menu non seulement la fin d'une dynastie séculaire mais aussi le paysage politique de la Chine de l'époque, partagée entre monarchistes, pseudo-républicains, nationalistes et seigneurs de la guerre opportunistes. Les communistes quant à eux sont encore loin de posséder la notoriété qu'ils connaîtront par la suite mais cela ne les empêche pas de tenir leur rôle dans ce jeu trouble et effrayant, qui se joue à l'échelle d'un continent et dans un climat de gotterdammerung asiatique. (Le titre original est d'ailleurs infiment plus juste que sa traduction française - et plus poétique.)



Tous ceux qui s'intéressent à l'Histoire et tout particulièrement à l'Histoire de la Chine moderne ne pourront que dévorer ces "Mémoires" d'un homme que l'on devine assez vaniteux, très tâtillon, amoureux de la pompe, mais aussi intelligent, intègre et loyal - à sa patrie, à ceux qu'il servait et à ses convictions. ;o)
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