Le philosophe devient, à la place du poète, le nouveau personnage dans lequel la société est conviée à rechercher son identité et à se remettre en question parce qu’il lui tient un discours public et vérifiable sur elle à la lumière de ces nouveaux points de repère. La fiction politico-philosophique se substitue à la fiction poétique; elle devient une sorte de milieu optique dans lequel passe la cité et où elle accède à une visibilité inhabituelle: elle s’y voit telle qu’elle est et telle qu’elle devrait être. Platon est très certainement le premier à avoir mis en cause le futur et célèbre «miracle grec».
Cependant il est clair que, parmi les artisans, le philosophe est le seul dont les lois soient stables, et les activités droites et belles. Seul, en effet, il vit en ayant le regard tourné vers la nature et le divin, et, à l’instar d’un bon timonier (qui s’oriente avec les étoiles), c’est après avoir arrimé les principes de sa vie aux réalités éternelles et fixes qu’il s’élance et vit lui-même.
L’organe de l’intelligence doit se détourner du devenir avec l’âme tout entière jusqu’à ce qu’il soit capable de contempler l’être et ce qui, de l’être, est le plus lumineux: ce que nous avons appelé le Bien, n’est-ce pas ?