Qui est la Princesse Yennenga ? - Réjean Tremblay
Le journaliste et scénariste québécois Réjean Tremblay, à qui l'on doit entre autres la série Lance et compte, s'est lancé dans l'écriture d'un roman intitulé "Princesse Yennenga" (publié aux Éditions de l'homme en octobre 2012). Réjean Tremblay nous parle de l'héroïne de son roman.
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Le vrai drame, c’est l’excision. Il n’y a pas de loi qui puisse protéger les petites filles de leurs grand-mères. Ce sont les coutumes ancestrales. Si on coupe le clitoris aux jeunes filles, c’est pour faire plaisir aux hommes. C’est ça, l’Afrique des femmes. Être soumises aux hommes. Si elles ne sont pas excisées, les filles ne sont pas honorables dans les villages. Avoir du plaisir serait trop dangereux. Si elles ont du plaisir, elles seront volages et pourront tromper leur mari.
Les femmes, qui font les enfants et qui travaillent, sont la vie de l’Afrique.
L’électricité et l’eau transformaient cette grappe de cinq ou six maisons, au cœur de la savane, en une oasis où il faisait bon s’asseoir dehors le soir pour discuter.
Nous travaillons sept jours par semaine, vingt-quatre heures par jour. Le patron peut nous appeler à minuit et nous devons accepter le travail qu’il nous propose. Nous faisons notre métier avec passion, mais, après quelques années, l’usure s’installe. Il faut aussi survivre, cumuler les emplois pour nourrir la famille. Cela nous rend très vulnérables aux conflits d’intérêts. Comment faire, quand il faut d’abord survivre?
Chez les Africains de l’Ouest, les Mossis sont les plus fiers des hommes. Ils forment une nation qu’on retrouve dans plusieurs pays. Un peuple jamais conquis, jamais dompté. Même les esclavagistes avaient renoncé à les capturer pour les vendre aux États-Unis. Les Mossis étaient trop indépendants pour obéir aux ordres des maîtres blancs.
Ouagadougou est un vrai village. Nous sommes une civilisation du tam-tam, du bouche-à-oreille. Je sais que vous êtes ici pour former des chirurgiens et pour opérer nos jeunes femmes. L’excision, les fistules, c’est le tabou par excellence, dans notre pays. Il est pratiquement impossible de réaliser un documentaire sur ce sujet.
On ne peut pas sauver tout le monde en même temps. On doit commencer par construire des écoles, former des instituteurs. Quand suffisamment de jeunes auront découvert le monde moderne, quand les livres, la radio, Internet et la télévision auront pénétré dans tous les villages, l’Afrique vivra un grand bouleversement.
Grâce à ses sociétés minières qui versaient chaque année des centaines de millions de francs CFA en redevances et impôts, le Québec avait ici le poids politique d’un grand pays, même si on savait, dans les cabinets ministériels, qu’il ne s’agissait que d’une province du Canada. En outre, on y parlait français.
La politesse burkinabé interdisait qu’on vienne écouter ouvertement les discussions, mais on trouvait toujours une façon de s’approcher pour en saisir quelques bribes. Il y avait toujours un enfant à rattraper par le poignet, qui s’était égaré près de la case du chef.
Quand on convainc les journalistes de la justesse d’une cause, on peut faire beaucoup de chemin.