Rémy Langeux

La messe : une parenthèse de silence et de méditation dans une langue inconnue [le latin] pour ces jeunes en recherche d'identité, tellement immatures et déjà si fortement arc-boutés sur leurs certitudes, leurs croyances.

Sauter d'un côté à l'autre de l'échiquier politique est plus fréquent qu'on ne le pense. Lors de mes précédentes infiltrations, j'avais rencontré de nombreux militants du front national issus de milieux communistes.
(p. 28)

- Aujourd'hui, la décadence est telle qu'il y a de quoi rester optimiste. Nous avons monté des écoles, des chapelles, il y a une jeunesse qui arrive et des mouvements comme ça (DI) peuvent générer des miracles. Il faut que ces jeunes soient ensemble, qu'ils pensent pareil et qu'ils se marient entre eux, pour la gloire et l'avènement de Dieu. On prépare nos enfants et les temps vont changer. J'ai déjà huit enfants.
- Moi, cinq.
- Moi aussi, cinq. L'autre jour, ma fille a appris à l'école que la moyenne était de 6,8 enfants par famille, dans nos milieux. Elle m'a disputé parce qu'on faisait baisser la moyenne.
(p. 325)

Des gamins qui vont se lancer dans une course au plus provocant. Ils n'ont que 12 ans et face à moi ne parlent pas foot, ni petite copine ou console de jeux, mais croix gammées et camps de concentration. Des propos haineux, racistes, violents et incohérents déferlent. Des préados endoctrinés par leur environnement et qui pour me tester vont entonner un chant qui s'amuse des chambres à gaz et n'hésite pas à banaliser un crime contre l'humanité.

Les valeurs des Lumières, qui posent comme principe la liberté de l'homme et sa liberté de conscience, sont, pour Roger [65 ans, diplômé de Sciences Po], l'essence du problème actuel. Une haine du siècle des Lumières et de ses valeurs qui est généralisée dans le milieu catholique intégriste, très largement partagée par l'ensemble de l'extrême droite et, pour le propos qui nous occupe plus directement, par tous les jeunes de DI que nous avons rencontrés.
Roger ne reproche pas seulement à la république d'être bâtie sur des valeurs qu'il exècre, mais aussi d'avoir détruit un régime choisi par Dieu : la royauté.
- (...) le jour où l'on a zigouillé tous les rois, qu'on leur a coupé la tête, tout a changé. Tu as vu ce que ça a donné en France, on a eu des assemblées constituantes, des assemblées nationales, des sénats, un bordel indescriptible. Et puis il y a eu les droits de l'homme ! L'horreur. (...)
(p. 146-147)

Au sein des nouveaux mouvements d'extrême droite comme DI, on a analysé les raisons des échecs du FN. Et, parmi les nombreux reproches faits au parti des Le Pen, revient très souvent l'image déplorable véhiculée par les militants : leur manque d'éducation et leur apparence "facho" qui enlève toute crédibilité au mouvement.
(p. 46-47)

Pour les cadres de DI, la Russie est un démenti à ceux qui pensent qu'il est impossible d'avoir un pouvoir fort sans se couper politiquement de la communauté internationale.
(p. 322)

Dans le racisme de cette jeunesse d'extrême droite [appartenant au DI], l' "Arabe", le "Noir" et le "Juif" ne sont pas égaux face à leur haine. Le "Noir" est globalement un sous-homme fait pour les basses oeuvres. Doué d'un physique puissant, inversement proportionné à son intelligence, il est taillé pour servir et son statut social ne viendra que de ses muscles. (...)
Dans leur vision du monde et de ses civilisations, les "Arabes" entrent, eux aussi, dans la catégorie des sous-hommes. (...) Ils ne sont bons à rien, ni intellectuellement, ni physiquement. Leur prosélytisme religieux est la graine qui fera sombrer la civilisation blanche et chrétienne dans le déclin avant de l'amener à son extinction définitive. (...)
Quant aux Juifs, si le résultat est le même, l'approche et les causes sont, elles, radicalement opposées. La plupart de ces jeunes perçoivent les "Juifs" comme des êtres supérieurs, plus malins, plus intelligents et plus doués qu'eux. Leur "haine du Juif" peut se lire comme une forme extrême d'envie et de jalousie. Le mépris qui en découle est un mépris teinté d'admiration et de frustration. Le "Juif" reste à leurs yeux le coupable idéal de tous les maux de la terre car, par sa malice et sa perfidie, il domine le monde et organise son chaos afin que seul le peuple élu puisse en tirer bénéfice. Ils les admirent et les détestent presque tout autant, ils rêvent de s'accaparer leurs places et leurs richesses fantasmées. Pour la plupart d'entre eux, ils rêvent encore d'un monde sans Juifs. Le "peuple juif", en plus d'être perçu par eux comme déicide, apparaît comme le seul obstacle à la domination matérielle et intellectuelle complète des Blancs catholiques sur les peuples des cinq continents.
(p. 182-183)

A peine ai-je pris ma place que Nestor me lance une première question :
- Vous êtes facho ?
J'hésite, je ne m'attendais pas à une question aussi directe de la part d'un enfant de 12 ans.
- Ce n'est pas une question que l'on pose comme ça.
Nestor insiste :
- Mais si. Moi, je suis facho...
Montrant du doigt ses camarades, il continue :
- Lui, il est facho, il est facho, lui aussi, il est facho. Nous sommes facho.

Je le verrai durant toute mon infiltration , ce peuple français qui se déchristianise de plus en plus est systématiquement dénigré par les membres de la mouvance catholique traditionaliste. A plusieurs reprises, nombre de mes interlocuteurs iront jusqu'à leur souhaiter souffrance et malheur pour avoir eu l'impudence d'abandonner l'adoration de leur Dieu.

Les enfants sont mis en avant, c'est une constante. Ils sont la vitrine douce et innocente d'un mouvement qui ne l'est pas.

La plupart de ces jeunes perçoivent les "juifs" comme des êtres supérieurs, plus malins, plus intelligents et plus doués qu'eux. Leur "haine du juif" peut se lire comme une forme extrême d'envie et de jalousie. Le mépris qui en découle est u nmépris teinté d'admiration et de frustration. Le "juif" reste à leurs yeux le coupable idéal de tous les maux de la terre car, par sa malice et sa perfidie, il domine le monde et organise son chaos afin que seule le peuple élu puisse en tirer bénéfice. Ils les admirent et les détestent presque tout autant, ils rêvent de s'accaparer leurs places et leurs richesses fantasmées. Pour la plupart d'entre eux, ils rêvent encore d'un monde sans juifs. Les "peuple juif", en plus d'être perçu par eux comme déicide, apparaît comme le seul obstacle à la domination matérielle et intellectuelle complète des Blancs catholiques sur les peuples des cinq continents.

"- Un roi est élevé pour devenir roi et rien d'autre. Un roi n'est pas un personnage politique comme ceux que l'on connaît dans les autres régimes, des hommes qui n'agissent que pour leur pomme. Des hommes qui ne se soucient que de leur propre bien et de la force que leur confère leur pouvoir. Au contraire, le roi est là uniquement pour le bonheur de son peuple et la défense de la religion. Regardez à quel point la fin de la monarchie en France fut un immense gâchis. Un cataclysme politique et social avec la Révolution, mais aussi un cataclysme mental avec l'émergence de nouvelles valeurs : l'individualisme, les droits de l'homme, la démocratie.

Le passé, c'est le passé, faut aller de l'avant. L'histoire, il faut la connaître pour ne pas se faire avoir encore une fois, mais croire qu'on pourra la répéter, ça, c'est bon pour les cons. C'est même politiquement contre-productif de se revendiquer de ce passé. Les vieilles rengaines nostalgiques d'Hitler, on les laisse au FN. Au bureau du FN à Bordeaux -on ne va pas se mentir, on est entre nous - , à 70% des vieux font leur prière du soir devant un portrait du Fürher. Moi aussi, j'ai eu ma période "en route vers un IVème Reich". ça me faisait marrer de jouer au dur avec les copains. ça nous a fait rêver, mais maintenant c'est fini. Faut vivre avec son époque. Faire comme les Italiens, inventer un nouveau fascisme adapté aux réalités du XXI ème siècle, sinon on ne pourra jamais revenir, jamais : Et pour cela , il faut arrêter de se pavaner ouvertement avec "Hitler". Si parmi nous on avait ne serait-ce qu'un seul mec avec le crâne rasé déclarant qu'Hitler était un mec bien , ce serait la mort de DI. Il faut savoir garder ce genre de références pour soi, en soi. C'est comme la Shoah. Tous les gens de chez nous le savent bien que c'est une invention, que c'est un coup des Juifs pour ramasser de l'argent et se faire bâtir un Etat sur le dos de Arabes. Mais aujourd'hui, politiquement, tu ne peux pas le dire. Regarde Mgr Williamson qui , lui , a le courage de dire la vérité, ils ont dû le faire taire. Les gens ne te trouvent pas crédible si tu avances ce genre de vérité. C'est à ça qu'on doit bosser avec DI Ouvrir les yeux des jeunes sur les vérités historiques mais ne pas s'enfermer politiquement là-dedans. Pour le moment, on est loin d'être prêts, mais le temps joue pour nous. Regarde partout en Europe, ce sont nos idées qui reviennent au premier plan. Tu vois, Matthieu, aujourd'hui, si à la suite d'un coup d'Etat un des nôtres s'emparait du pouvoir, ce serait la catastrophe ! On a quasiment que des crétins dans nos rangs. Vaut mieux un coco qu'un crâne rasé à l'Elysée. Mais plus tard, si on bosse bien, avec des petites structures souples et discrètes comme DI, des structures qui bossent sur la formation , sur l'éducation, sur le long terme, eh bien, on peut y croire. Comme je le dis toujours : le tout c'est d'être prêts pour le jour où ça va péter.

Si dans ta région tu te mets bien avec les gens, si tu parviens à infiltrer toutes les strates de la société -entre parenthèses, c'est ce qu' a parfaitement réussi l'Opus Dei -, faire basculer les esprits dans ton sens et reprendre ainsi le contrôle, c'est possible. Regarde bien autour de toi, c'est même en train de se produire. Nos idées sont de plus en plus reprises, elles deviennent donc de plus en plus acceptables. Résultat, le jour où la crise emportera tout sur son passage, il y aura suffisamment de gens convaincus et motivés par tes idées pour que tu arrives à reprendre le pouvoir au minimum dans ta région. C'est notre conviction et notre stratégie.