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Citation de la_fleur_des_mots


FOULQUES, premier comte d'Anjou, dit d'abord le Roux, puis le Plante-Genest, rencontra la licorne le deuxième vendredi de juin de l'année 929 et toute l'histoire de la France, de l'Angleterre, de l'Irlande et de Jérusalem en fut changée. Et aussi, à cause de l'Irlande, celle des États-Unis, qui reçurent tant d'Irlandais bannis, jusqu'à la grande revanche de John Kennedy. Et, par ce dernier et la lointaine licorne, l'histoire de la Lune fut changée aussi.
Foulques avait trente et un ans. Il était grand, large, fort et souple. A cette époque, la race des hommes du bout de l'Europe était petite. Dans une assemblée, Foulques dépassait chacun de la tête et du cou. Il avait la tête ronde et les longues boucles du lion, les yeux et les cheveux couleur d'ambre. Il ressemblait au héros Vercingétorix dont le portrait circulait encore au fond des forêts sur des pièces d'or usées par les siècles. Les bûcherons disaient qu'il était le fils de ses fils. Vercingétorix était beau, mais Foulques plus encore. Quand il passait dans le soleil, ses cheveux devenaient rouges comme le feu.
Ce fut ainsi que la licorne l'aperçut pour la première fois, alors qu'il traversait une clairière du bois d'Anjy, sur un grand cheval de même couleur que lui, à l'automne de Tannée 928. Il venait de perdre sa femme Ermenge qui lui avait donné deux fils. Il en éprouvait une grande peine qu'il cherchait à cacher, car lui-même en avait honte. Il lui arrivait de quitter brusquement la compagnie, de sauter à cheval, et de se mettre à courir les labours ou de s'enfoncer dans les futaies comme un cerf poursuivi par les chiens.
Ce jour-là un vent d'orage le suivait, arrachait les feuilles jaunies et rouillées, et les jetait derrière lui en traîne déchirée. Quand il traversa la clairière, brusquement, le soleil perça les nuages, et le cheval et le vent s'arrêtèrent. Foulques leva son visage vers le ciel comme pour y trouver un espoir ou une réponse. Le soleil fit flamber ses cheveux, et les feuilles devenues oiseaux d'or et de flamme tournèrent doucement autour de lui. Les arbres tendaient vers le soleil leurs branches dépouillées où s'accrochaient encore des lambeaux de splendeur. Toute la clairière était comme un grand feu de joie et de regret, dont le soleil avait allumé la beauté, et qui la lui offrait.
Au centre de toutes les flammes, le Roux sur son cheval roux, immobile dans sa blouse de cuir, gardait son visage tourné vers le ciel. Et dans ses yeux brillaient des larmes.
La licorne le vit ainsi, dans sa douleur et sa fidélité, et dans la gloire du soleil. Elle était tournée vers lui, debout au pied du seul arbre qui n'eût pas été touché par l'automne, un cèdre qui poussait depuis deux cents ans. Sa tête dominait la forêt et les saisons. A l'abri de ses branches basses, dans son amitié, la licorne rayonnait de blancheur pure. Sa robe blanche sans mélange ne recevait ni l'ombre ni les reflets.
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