Il est des rencontres fertiles qui valent bien des aurores.
( Lettre à Albert Camus)
Chante ta soif irisée (feuillets d’Hypnos, 163)
La lucidité est la blessure la plus rapprochée du soleil.(169)
Le chemin du secret danse à la chaleur (201)
La lucidité est la blessure la plus proche du soleil.
Jusqu’à nouvel ordre, à la poésie courtisane, brut opposer le poème offensant, tige de maçonnerie, résidence et parc d’attractions, de sécurité, d’agression et de reconnaissance du lecteur. J’insiste sur l’installation minutieuse du tremplin d’enlèvement-embellissement. Tel écrit sommaire deviendra par rencontre une place fortifiée de révolutionnaires, hier encore substance favorite opiniâtrement courtisée. Ô amorce conciliable de l’imaginaire !
Le réel quelquefois désaltère l'espérance. C'est pourquoi, contre toute attente, l'espérance survit.
Je ris merveilleusement avec toi.
Voilà la chance unique.
L'essentiel est sans cesse menacé par l'insignifiant
Enfonce-toi dans l'inconnu qui creuse. Oblige-toi à tournoyer.
La Sorgue
Rivière trop tôt partie, d'une traite, sans compagnon,
Donne aux enfants de mon pays le visage de ta passion.
Rivière où l'éclair finit et où commence ma maison,
Qui roule aux marches d'oubli la rocaille de ma raison.
Rivière, en toi terre est frisson, soleil anxiété.
Que chaque pauvre dans sa nuit fasse son pain de ta moisson.
Rivière souvent punie, rivière à l'abandon.
Rivière des apprentis à la calleuse condition,
Il n'est vent qui ne fléchisse à la crête de tes sillons.
Rivière de l'âme vide, de la guenille et du soupçon,
Du vieux malheur qui se dévide, de l'ormeau, de la compassion.
Rivière des farfelus, des fiévreux, des équarisseurs,
Du soleil lâchant sa charrue pour s'acoquiner au menteur.
Rivière des meilleurs que soi, rivières des des brouillards éclos,
De la lampe qui désaltère l'angoisse autour de son chapeau.
Rivière des égards au songe, rivière qui rouille le fer,
Où les étoiles ont cette ombre qu'elles refusent à la mer.
Rivière des pouvoirs transmis et du cri embouquant les eaux,
De l'ouragan qui mord la vigne et annonce le vin nouveau.
Rivière au coeur jamais détruit dans ce monde fou de prison,
Garde-nous violent et ami des abeilles de l'horizon.
Jeter bas l'existence laidement accumulée et retrouver le regard qui l'aima assez à son début pour en étaler le fondement. Ce qui me reste à vivre est dans cet assaut, dans ce frisson.
( Extrait de "Pour renouer" )
Commune présence
[...]
II.
Tu es pressé d’écrire
Comme si tu étais en retard sur la vie.
S’il en est ainsi fais cortège à tes sources.
Hâte-toi
Hâte-toi de transmettre
Ta part de merveilleux de rébellion de bienfaisance.
Effectivement tu es en retard sur la vie
La vie inexprimable
La seule en fin de compte à laquelle tu acceptes de t’unir.
Celle qui t’est refusée chaque jour par les êtres et par les choses
Dont tu obtiens péniblement de-ci de-là quelques fragments décharnés
Au bout de combats sans merci.
Hors d’elle tout n’est qu’agonie soumise fin grossière.
Si tu rencontres la mort durant ton labeur
Reçois-la comme la nuque en sueur trouve bon le mouchoir aride
En t’inclinant.
Si tu veux rire
Offre ta soumission
Jamais tes armes.
Tu as été créé pour des moments peu communs.
Modifie-toi, disparais sans regret
Au gré de la rigueur suave.
Quartier suivant quartier la liquidation du monde se poursuit
Sans interruption
Sans égarement.
Essaime la poussière
Nul ne décèlera votre union.
[Moulin premier, 1936]
(p. 80)
Au plus fort de l'orage, il y a toujours un oiseau pour nous rassurer. C'est l'oiseau inconnu. Il chante avant de s'envoler.
Il semble que ce soit le ciel qui ait le dernier mot.
Mais il le prononce à voix si basse
que nul ne l'entend jamais.
Sommes -nous voués à n’être que des débuts de vérité ?extrait des Feuillets d’Hypnos(186)
Vous serez une part de la saveur du fruit.
A tous les repas pris en commun, nous invitons la liberté à s'asseoir. La place demeure vide mais le couvert reste mis.
Le poète, conservateur des infinis visages du vivant.
Tu es plaisir
avec chaque vague séparée de ses suivantes.
Enfin toutes à la fois chargent.
C’est la mer qui se fonde,
qui s’invente.
Tu es plaisir,
Corail de spasmes.
(p26)
Je voudrais que mon chagrin si vieux soit comme le gravier dans la rivière: tout au fond.
Mes courants n'en auraient pas souci.
(Extrait de "Aromates chasseurs")
Le poète transforme indifféremment la défaite en victoire, la victoire en défaite, empereur prénatal seulement soucieux du recueil de l'azur.