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Citations de René Depestre (202)


L'état poétique est le seul promontoire connu d'où par n'importe quel temps du jour ou de la nuit l'on découvre à l'oeil nu la côte nord de la tendresse.
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LA RIVIÈRE
Voilà, c'est fait, je suis devenu une rivière.
Ce sera une grande aventure jusqu'à la mer.
Quel nom me donnera-t-on sur les cartes ?
D'où vient ce cours d'eau inconnu ?
Quel ciel reflète-t-il dans ses flots ?
Quelle paix, quelle faim, quelle douleur ?

Pardonnez-moi messieurs les géographes
Je ne l'ai pas fait exprès
J'aimais voir couler l'eau
Sur toutes les soifs
Il y a tant d'assoiffés dans le monde
Pour eux me voici changé en rivière !

Je n'aimais pas voir couler les larmes
Étant rivière je pourrai qui sait
Couler à leur place.
Je n'aimais pas voir verser le sang
Étant rivière je pourrai
Être versé partout à sa place.
Mon destin est peut-être d'emporter
À la mer toutes les peines !
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La poésie, c'est
le pouvoir de vivre
et de voler jusqu'à la Grande Ourse
dans l'éclat d'un brin d'herbe.

3. Corps simples de la poésie - En état de poésie, 1980
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René Depestre
Pour le Mahatma Gandhi

Hier ta résistance passive
laissait ma raison de poète
plus froide que le nez d'un chien
au soleil mon ombre avait l'air
d'un petit avion de chasse à l'homme
aucun de mes poèmes ne pouvait être
en état de charité avec son prochain
Aujourd'hui ta non-violence est l'escalier de rêve qui mène à la fraîcheur de tous les jardins
Plus que jamais le monde a besoin
que ta grande santé de père de la tendresse
lui lave ses yeux et son coeur en lambeaux.
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René Depestre
Cap’tain Zombi

Je suis Cap’tain Zombi
Je bois par les oreilles
J’entends avec les dix doigts
J’ai une langue qui voit tout
Un odorat-radar qui capte
Les ondes du cœur humain
Et un toucher qui perçoit
À distance les odeurs
Quant à mon sixième sens
C’est un détecteur de morts
Je sais où sont enterrés
Nos millions de cadavres
Je suis comptable de leurs os
Je suis comptable de leur sang
Je suis peuplé de cadavres
Peuplé de râles d’agonies
Je suis une marée de plaies
De cris de pus de caillots
Je broute les pâturages
De millions de morts miens
Je suis berger d’épouvante
Je garde un troupeau d’os noirs
Ce sont mes moutons mes bœufs
Mes porcs mes chèvres mes tigres
Mes flèches et mes lances
Mes laves et mes cyclones
Toute une artillerie noire
À perte de vue qui hurle
Au cimetière de mon âme !



Écoutez monde blanc
Les salves de nos morts
Écoutez ma voix de zombi
En l’honneur de nos morts
Écoutez monde blanc
Mon typhon de bêtes fauves
Mon sang déchirant ma tristesse
Sur tous les chemins du monde
Écoutez monde blanc !


Le sang nègre ouvre ses vannes
La cale des négriers
Déverse dans la mer
L’écume de nos misères
Les plantations de coton
De café de canne à sucre
Les rails du Congo-Océan
Les abattoirs de Chicago
Les champs de maïs d’indigo
Les centrales sucrières
Les soutes de vos navires
Les compagnies minières
Les chantiers de vos empires
Les usines les mines l’enfer
De nos muscles sur la terre
C’est l’ écume de la sueur noire
Qui descend ce soir à la mer !

Écoutez monde blanc
Mon rugissement de zombi
Écoutez mon silence de mer
O chant désolé de nos morts
Tu es mon destin mon Afrique
Mon sang versé mon cœur épique
Le pouls marin de ma parole
Mon bois-d’ébène mon corossol
Le cri des arbres morts en moi
L’écho de leur sève dans ma voix
Ma race tel un long sanglot
Qui cherche ma gorge et mes eaux
Qui cherche en moi le bras de mer
Où l’Afrique arrache son cœur
Écoutez monde amer monde blanc
Mon chant d’agonie ma vie ce chant
Qui marie en mon corps le vent
Et la vague, le ciel et l’enfer !
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René Depestre
On est poète quand on a des pieds à donner sans repos aux bonnes nouvelles de la tendresse.
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Cri de l'été brûlant

Tu es la vie, la lumière,
Tu es l'eau, le vent, la tempête,
Tu es le feu dévorant, fer rouge
Dans la blessure, chant d'oiseau,
Tu es feuillage, fruit, serpent,
Pluie sauvage sur la soif de l'homme
Tu es le cri de l'été brûlant
Et doux silence de la neige,
Tu sais brûler, tu sais guérir,
Donner un ciel à l'exilé,
Le changer en pierre, en braise,
En plaie, en ortie, en musique,
En sanglot, en épée glorieuse
Sous ton grand soleil corporel.
Plus que le printemps tu es femme
Plus que la beauté tu es femme
Plus que l'amour, la vie la mort.
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René Depestre
Une fois, il y a très longtemps

J'ai voulu aimer une femme sans couleur.



Une femme sans jour et sans nuit

Une femme sans azur dans ses gestes

Ni tournesols dans ses passions

Une femme sans neige ni lumière

Sans oranges ni cerises

Une femme sans la belle couleur noire

De la noblesse humaine.



On me parla d'une petite fée

Qui vit dans une étoile lointaine.

Une nuit elle me donna à aimer

Sa jeune peau sans couleur.



J'aimai ses seins, son enfance,

Ses cuisses, ses secrets, ses cris,

Ses nuages, son ventre, ses vagues

Et les papillons sans couleur

Qui volaient dans son silence.



Au moment de nous séparer

Là-haut dans son étoile

En guise d'adieu son corps de fée

Dessina au beau milieu du lit

Un arc-en-ciel.

Quelques traces de craie dans le ciel, Anthologie poétique francophone du XXe siècle
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On est poète
quand on a des pieds
à donner sans repos
aux bonnes nouvelles
de la tendresse.


4. Corps simples de la poésie - En état de poésie, 1980
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Quand la sueur de l’indien se trouva brusquement tarie par le soleil
Quand la frénésie de l’or draina au marché la dernière goutte de sang indien
De sorte qu’il ne resta plus un seul indien aux alentours des mines d’or
On se tourna vers le fleuve musculaire de l’Afrique
Pour assurer la relève du désespoir
Alors commença la ruée vers l’inépuisable
Trésorerie de la chair noire
Alors commença la bousculade échevelée
Vers le rayonnant midi du corps noir
Et toute la terre retentit du vacarme des pioches
Dans l’épaisseur du minerai noir
Et tout juste si des chimistes ne pensèrent
Aux moyens d’obtenir quelque alliage précieux avec le métal noir
Tout juste si ces dames ne rêvèrent d’une batterie de cuisine en nègre du Sénégal
D’un service à thé en massif négrillon des Antilles
Tout juste si quelque curé
Ne promit à sa paroisse
Une cloche coulée dans la sonorité du sang noir
Ou encore si un brave père noël ne songea
Pour sa visite annuelle
A des petits soldats de plomb noir
Ou si quelque vaillant capitaine
Ne tailla son épée dans l’ébène minéral
Toute la terre retentit de la secousse des foreuses
Dans les enrailles de ma race
Ô couches métalliques de mon peuple
Minerai inépuisable de la rosée humaine
Combien de pirates ont exploré de leurs armes
Les profondeurs obscures de ta chair
Combien de flibustiers se sont frayés leur chemin
A travers la riche végétation de clartés de ton corps
Jonchant tes années de tiges mortes
Et de flaques de larmes
Peuple dévalisé peuple de fond en comble retourné
Comme une terre en labours
Peuple défriché pour l’enrichissement
Des grandes foires du monde
Mûris ton grisou dans le secret de ta nuit corporelle
Nul n’osera plus couler des canons et des pièces d’or
Dans le noir métal de ta colère en crue.
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René Depestre
Un après -midi de Kyoto
dans l'espace d'un cerisier
me voici hissé tout en haut
de l'ivresse d'exister.

De bouche à oreille
le qui-vive du cerisier
fait la courte échelle
à ma rage de vivre .

Aux jours du vieil âge d'homme noir
le petit matin du cerisier
alimente mon dernier galop de sève.

La poésie, c'est quand
ma table de travail
remonte soudain à la candeur
d'un cerisier de ma septième année.

La poésie, c'est quand
un cerisier fait don
d'un été indien de la vie
à la solitude de mes vieux jours.

("Le printemps des poètes 2011")
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Je veux faire le tour de l’homme
Qui se lève chaque matin
Avant la première goutte de rosée
Bien avant que les coqs s’allument
Dans la fraîcheur des arbres
L’homme qui n’a jamais dormi dans un lit
L’homme qui se rase avec un tesson de bouteille
Je veux que sa voix de paysan
Souffle en poupe de la mienne
Et enfle mes voiles
Comme un vent de pleine mer.
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NON-ASSISTANCE À POÈTES EN DANGER

La tendresse des poètes voyage
en baleine bleue autour du monde :
aidez-nous à sauver cette espèce
en voie de disparition.
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LA PIROGUE DE LÉOPOLD SÉDAR SENGHOR
                                    À Aimé Césaire


Son vieil âge d’homme a des profondeurs marines,
sans une île au trésor dans sa géographie :
l’aventure reste toutefois sa traversée
sans escale du sel racial des tempêtes.
Malgré tout le malheur nègre des fonds de cale,
il a su pénétrer le mystère du monde blanc
qui fait encor pleurer de rage nos fictions.
La poésie met au bien les muscles puissants
de la pirogue où Senghor et Césaire réveillent
dans nos souvenirs la chaux vive de la mer.

p.458
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Dis leur que depuis trois ans
Les oiseaux ont changé de plumage
Et les poissons d’écailles
Mais que ma négresse n’a pas changé de robe
Que ma fillette est morte le mois dernier
Parce que je n’avais pas les sous de la quinine
Que la pluie rentre par le toit de ma maison
Pour me voler la lueur de ma lampe
Et abîmer la natte de mes amours.
Ne manque pas de leur dire
Que si mon foyer prend l’eau
Si ma négresse doit rester nue
Le jour qu’elle lave sa robe
Si au lieu d’une poupée
Ce sont des fourmis et des vers
Qui tiennent compagnie à ma fillette
C’est à cause des actions
Que le drapeau étoilé
Prend sur chaque goutte de ma sueur
Afin de régler la note des grenades et des fusils.
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LETTRE AU POÈTE LÉON DAMAS


3
Je cours le cœur fou après tes mots
de tous les jours, tes mots simples
que la vie du siècle a brûlés ; j'écris
à ton jazz toujours au futur, je chante
l'aigle du grand poète qui plane
en homo spiritual au matin de sa foi,
j'écris à l'homme qui a vaincu
les tisons de fer rouge, le fouet,
le piment, le crachat, l'insulte totale
du temps de la plantation !

4
Je t'écris debout au grand soleil de ta mort,
bel été ouvert dans l'ironie des nègres,
main brûlante de l'Afrique bien serrée
sur la peau des mots du français-français.
Les routes du bout de ma vie en riant
font le tour de ton orchestre noir :
me voici réveillé à ton lyrisme brutal,
réveillé dans les pieds nus que tu mettais
toujours dans le plat qu'il fallait !

p.438-439
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René Depestre
Quand la sueur de l’indien se trouva brusquement tarie par le soleil
Quand la frénésie de l’or draina au marché la dernière goutte de sang indien
De sorte qu’il ne resta plus un seul indien aux alentours des mines d’or
On se tourna vers le fleuve musculaire de l’Afrique
Pour assurer la relève du désespoir
Alors commença la ruée vers l’inépuisable
Trésorerie de la chair noire
Alors commença la bousculade échevelée
Vers le rayonnant midi du corps noir
Et toute la terre retentit du vacarme des pioches
Dans l’épaisseur du minerai noir
Et tout juste si des chimistes ne pensèrent
Aux moyens d’obtenir quelque alliage précieux avec le métal noir
Tout juste si ces dames ne rêvèrent d’une batterie de cuisine en nègre du Sénégal
D’un service à thé en massif négrillon des Antilles
Tout juste si quelque curé
Ne promit à sa paroisse
Une cloche coulée dans la sonorité du sang noir
Ou encore si un brave père noël ne songea
Pour sa visite annuelle
A des petits soldats de plomb noir
Ou si quelque vaillant capitaine
Ne tailla son épée dans l’ébène minéral
Toute la terre retentit de la secousse des foreuses
Dans les entrailles de ma race
Ô couches métalliques de mon peuple
Minerai inépuisable de la rosée humaine
Combien de pirates ont exploré de leurs armes
Les profondeurs obscures de ta chair
Combien de flibustiers se sont frayés leur chemin
A travers la riche végétation de clartés de ton corps
Jonchant tes années de tiges mortes
Et de flaques de larmes
Peuple dévalisé peuple de fond en comble retourné
Comme une terre en labour
Peuple défriché pour l’enrichissement
Des grandes foires du monde
Mûris ton grisou dans le secret de ta nuit corporelle
Nul n’osera plus couler des canons et des pièces d’or
Dans le noir métal de ta colère en crue.
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Maître Homaire posa le corps de la mariée sur un drap blanc tendu à même le parquet du salon. Dès lors, une lutte sans merci s'amorça entre les deux systèmes de croyances qui se disputent depuis toujours l'imaginaire des Haïtiens: la foi chrétienne et la foi vaudou. Les parents d'Hadriana commencèrent à perdre le contrôle de la veillée. L'aristocratique manoir qui dominait le golfe, en un clin d'œil, se transforma en une ruche fantastique: des essaims de personnes, pour la plupart inconnues des Siloé, s'affairaient librement autour de la mort de leur fille. Sans prendre leur avis, au milieu des lamentations et des sanglots, elles enroulèrent les tapis persans, déplacèrent le mobilier d'époque et les vases de Sèvres, aveuglèrent avec un colorant blanc les miroirs et le verre de la pendule en bronze doré, mirent à l'envers les housses des fauteuils et des canapés Louis XV. Quelqu'un s'avisa de placer tête en bas une superbe table à thé anglaise à marqueterie en mosaïque.
Ces apprêts terminés, Madame Brévica Losange, une voisine des Siloé qui avait une réputation de Mambo *, invita les demoiselles d'honneur en larmes à intervertir culottes et soutiens-gorge, et à tourner sens devant derrière jupes et corsages. Elle affirma ensuite tout haut que le décès d'Hadriana n'était pas dû à une cause naturelle.
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Leur étreinte avait la force et l'unité d'un orchestre de jazz : à chaque coït, la trompette du plaisir, commencée en duo, débouchait sur un solo lancinant, avant de les précipiter à pic dans la baie merveilleusement tranquille des blues de leur enfance.
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LE BATEAU D'ERNEST HEMINGWAY
À Grecia


Son œuvre est un grand bateau
Qui emporte dans ses cales
Des taureaux et des lions
Des bois de cerf et des bouteilles de vin
Des fusils de chasse et des livres anciens
Et sur le pont supérieur
Une infirmière anglaise
Plus belle que la beauté
Parle sans fin à la mer d'un certain Henri
Qu'elle avait jadis aimé
Quelque part au nord de toutes les nostalgies.

p.297-298
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