René Guy CADOU Un siècle d'écrivains : 18731914 (DOCUMENTAIRE, 1999)
L'émission "Un siècle d'écrivains", numéro 196, par Jean Rouaud et Jean-Pierre Prévost, diffusée le 19 mai 1999 sur FR3.
Odeur des pluies de mon enfance
Derniers soleils de la saison !
A sept ans comme il faisait bon,
Après d'ennuyeuses vacances,
Se retrouver dans sa maison !
La vieille classe de mon père,
Pleine de guêpes écrasées,
Sentait l'encre, le bois, la craie
Et ces merveilleuses poussières
Amassées par tout un été
O temps charmant des brumes douces,
Des gibiers, des longs vols d'oiseaux,
Le vent souffle sous le préau,
Mais je tiens entre paume et pouce
Une rouge pomme à couteau.
**Automne**
Des mille chambres où j' ai vécu
La plus belle était un violon
Le manteau de la cheminée
Cachait une âme disparue.
Sous le vieux cèdre de la lampe
Après une longue journée
Je m'attardais j'avais des craintes
Pour la suite des années
Mais soudain la lumière éteinte
Quelle est cette voix inouïe
Comme un fruit de coloquinte
Qui éclate dans la nuit ?
Est-ce enfant qu'on pourchasse
Dans la rue à coups de fouet
Un cirque fantôme qui passe
Trombonant sur les marais ?
C'est la corde du cœur qui casse
Et tout ce qui vient après
N' est que la plainte en surface
D'un amour qui se défait.
Toute poésie qui coule de source, se jette dans la mer, tend à rejoindre l’universel.
Usage interne
Ainsi la part est faite
Je te laisse les hommes
Des visages défaits
Aux croisées de l’amour
Moi je garde la mer
Et mes châteaux de sable
Et mes larmes du premier jour.
(1938 – Poésie La Vie Entière – Forges du Vent – Ainsi la part (p31) - édition 1961)
Et pourtant c'était toi dans le clair de ma vie
Ce grand tapage matinal qui m'éveillait
Tous mes oiseaux tous mes vaisseaux tous mes pays
Ces astres ces millions d'astres qui se levaient
Ah que tu parlais bien quand toutes les fenêtres
Pétillaient dans le soir ainsi qu'un vin nouveau
Quand les portes s'ouvraient sur des villes légères
Où nous allions tous deux enlacés par les rues.
Le temps qui m'est donné que l'amour le prolonge
Je ne ferai jamais que quelques pas sur cette terre
Et dans cette grande journée
Je ne passerai pas pour un vieil abonné
Si les miracles font qu'une image demeure
La mienne tremblera dans les vitres gelées
Comme le chant lointain d'un enfant colporteur
Le temps qui m'est donné que l'amour le prolonge
Et dans ma solitude un instant habitée
J'accrocherai des panoplies de bout du monde
De grands pays couverts
d'oiseaux effarouchés
(Extrait du poème la Barrière de l'Octroi)
Des œufs dans la haie
Fleurit l’aubépin
Voici le retour
Des marchands forains.
Et qu’un gai soleil
Pailleté d’or fin
Éveille les bois
Du pays voisin.
Est-ce le printemps
Qui cherche son nid
Sur la haute branche
Où niche la pie?
C’est mon cœur marqué
Par d’anciennes pluies
Et ce lent cortège
D’aubes qui le suit.
Je t'attendais ainsi qu'on attend les navires
Dans les années de sécheresse quand le blé
Ne monte pas plus haut qu'une oreille dans l'herbe
Qui écoute apeurée la grande voix du temps
Je t'attendais et tous les quais toutes les routes
Ont retenti du pas brûlant qui s'en allait
Vers toi que je portais déjà sur mes épaules
Comme une douce pluie qui ne sèche jamais
Tu ne remuais encore que par quelques paupières
Quelques pattes d'oiseaux dans les vitres gelées
Je ne voyais en toi que cette solitude
Qui posait ses deux mains de feuille sur mon cou
Et pourtant c'était toi dans le clair de ma vie
Ce grand tapage matinal qui m'éveillait
Tous mes oiseaux tous mes vaisseaux tous mes pays
Ces astres ces millions d'astres qui se levaient
Ah que tu parlais bien quand toutes les fenêtres
Pétillaient dans le soir ainsi qu'un vin nouveau
Quand les portes s'ouvraient sur des villes légères
Où nous allions tous deux enlacés par les rues.
Quatre poèmes d'amour à Hélène
Je t'attendais ainsi qu'on attend les navires
Dans les années de sécheresse quand le blé
Ne monte pas plus haut qu'une oreille dans l'herbe
Qui écoute apeurée la grande voix du temps
Je t'attendais et tous les quais toutes les routes
Ont retenti du pas brûlant qui s'en allait
Vers toi que je portais déjà sur mes épaules
Comme une douce pluie qui ne sèche jamais
Tu ne remuais encore que par quelques paupières
Quelques pattes d'oiseaux dans les vitres gelées
Je ne voyais en toi que cette solitude
Qui posait ses deux mains de feuille sur mon cou
Et pourtant c'était toi dans le clair de ma vie
Ce grand tapage matinal qui m'éveillait
Tous mes oiseaux tous mes vaisseaux tous mes pays
Ces astres ces millions d'astres qui se levaient
Ah que tu parlais bien quand toutes les fenêtres
Pétillaient dans le soir ainsi qu'un vin nouveau
Quand les portes s'ouvraient sur des villes légères
Où nous allions tous deux enlacés par les rues.