AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de René Maran (43)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


Batouala

Je n'avais jamais lu de littérature africaine avant "Batouala". Ce livre est une jolie perle. Tout d'abord, le style d'écriture est très particulier, à mi chemin entre prose et poésie. Assez dur de se mettre dedans, mais une fois qu'on y est, on se laisse porter. Le sujet, ensuite. Ce livre est une lutte contre le racisme des blancs, contre l'utilisation des tirailleurs sénégalais pendant la première guerre mondiale. Et l'auteur, en nous offrant une vision de la vie des noirs, parvient à nous faire passer cette critique, à nous faire comprendre le pouvoir qu'avait les blancs à l'époque. Un petit bémol pour la scène de l'excision, un peu dure à passer...

Voilà cependant un livre qui donne envie de découvrir plus amplement la littérature africaine.
Commenter  J’apprécie          1052
Bertrand du Guesclin : L'épée du roi

De René Maran, écrivain martiniquais redécouvert récemment et qui reçut en 1921 le Prix Goncourt pour son roman Batouala, on publia l'année de sa mort en 1960 cet ouvrage intitulé Bertrand du Guesclin, l'épée du roi. Ce n'était certes pas une grande biographie (pour cela, nous avons les livres de Micheline Dupuy, de Georges Minois et de Thierry Lassabatère), mais bien un honnête travail, préparé de longue date et bien documenté, correctement positionné quant à l'argumentaire et savoureusement écrit, encore que René Maran ait plus ou moins succombé au charme de La chanson de Bertrand du Guesclin écrite par un certain Cuvelier, qu'il ait cédé à la légende des destinées entrevues par des devineresses et qu'il ait été influencé par la chronique de Pedro Lopez de Ayala à propos de la période "castillane" du meneur des Grandes Compagnies en Espagne pour débarrasser le royaume de France des routiers qui commettaient ravages sur ravages sur notre sol après la signature du traité de Brétigny avec les Anglais. Il est aussi un peu court sur la période finale de la vie active du guerrier breton (1370-1380) et notamment sur le froid jeté entre le roi et son connétable par la critique portée par le chambellan et ami de Charles V le Sage, Bureau de La Rivière, pour le refus de Bertrand de donner sa caution à la confiscation du duché de Bretagne par Charles V en 1378-1379 quand Jeanne de Penthièvre préféra rappeler sur le trône ducal son ennemi Jean de Montfort plutôt que d'approuver l'annexion pure et simple condamnée par beaucoup de Bretons.

Un bon livre sur Du Guesclin pour l'époque où il fut écrit.



François Sarindar, auteur de : Charles V le Sage, Dauphin, duc et régent (1338-1358)
Commenter  J’apprécie          911
Batouala

« Que votre voix s’élève !

Vous, les écrivains de France, il faut que vous aidiez « ceux qui disent les choses comme elles sont, non pas telles qu’on voudrait qu’elles fussent.» clame dans la préface de son livre René Maran.

Batouala, « Véritable roman nègre » a reçu le prix Goncourt il y a juste 100 ans. Ce fut un tollé, d’abord parce que l’auteur n’était pas connu, aussi parce que sa description, par delà la poésie et le lyrisme indéniable, s’attache aux coutumes d’un village d’Oubangui Chari( actuelle Centrafrique)et qu’il y fait, surtout dans sa préface de la première édition (1921) le constat de l’ exploitation des « nègres », leur embrigadement dans la guerre de 1914, parce que les « frandjés étaient en palabre avec les zalémans et qu’ils les battaient comme on ne bat pas son chien. ».

Et puis le cours du caoutchouc est tombé, plus de travail.



Goncourt, donc, pour cet auteur antillais, fonctionnaire de préfecture, nommé Administrateur du Ministère des Colonies en Oubangui-Chari, Goncourt qui soulève des vagues : celles de l’Administration française, qui veut bien entendu former une élite « indigène » sachant lire et écrire, mais qui n’admet pas que de l’intérieur, on dénonce les pratiques coloniales ; celles aussi d’écrivains africains, pas très contents que leurs coutumes soient mises à jour comme par un anthropologue les jugeant tels qu’ils sont.

C’est dans son introduction, remaniée en 1937, que René Maran , qui, entre temps, a été doucement poussé à démissionner de l ‘administration, a subi critiques et pamphlets, dénonce les pratiques coloniales, en particulier cet impôt « de capitation », qui pousse souvent les africains à la plus grande pauvreté, jusqu’ à vendre même leur femme.

Ce roman est tout objectif, nous dit l’auteur. Il ne tâche même pas d’expliquer. Il constate. Il ne s’indigne pas : il enregistre…. C’est un roman d’observation impersonnelle.

Ses coutumes, le fait qu’une femme doit allaiter 2 ou 3 ans, pendant lesquels elle ne peut faire l’amour, les fluides ne devant pas se mélanger amènent à l’obligation pour l’homme de prendre d’autres femmes.

Les fêtes, pendant lesquelles ont lieu la circoncision et l’excision ( mon professeur d’ethnologie disait que ces pratiques avaient pour but d’éliminer dans chaque sexe ce qui ressemble le plus à l’autre sexe : les membranes chez l’homme, et le clitoris érectile chez la femme.) sont décrites telles qu’elles.

René Maran parle du désir fou, malgré les tabous comme par exemple celui des règles « impures » donc l’impossibilité de faire l’amour ces jours-là.

Il parle aussi des rites funéraires, et de la pensée que la mort ne pouvant être naturelle, il s’agit de chercher et trouver le responsable…. Parfois, cette recherche recoupe une vengeance privée…. Mais bon.



Que votre voix s’élève, vous les écrivains de France!

Dans la reprise de sa préface en 1937, il reconnaît que la prise de conscience de personnes bien placées qui pourtant étaient au courant des horreurs commises : «Après tout, s’ils meurent de faim par milliers, comme des mouches, c’est que l’on met en valeur leur pays »s’est accomplie grâce à André Gide avec son Voyage au Congo en 1927, et Denise Moran qui a écrit Tchad peu après.

Et bien sûr, il en a été le précurseur.

Pour le centenaire du prix Goncourt, la Bibliothèque Nationale de France organisera avec l’académie Goncourt, le 1 · décembre 2021, un événement commémoratif dans son auditorium.

Commenter  J’apprécie          5418
Un homme pareil aux autres

Contrairement à ce que peut faire penser le titre « un homme pareil aux autres » , René Maran, longtemps après son Batouala, fait parler Jean Veneuse, Martiniquais d'origine, élevé en France, d'une éducation classique raffinée, nommé au Tchad comme administrateur, Noir comme lui.

Et ce Veneuse reprend à son compte tous les clichés racistes : « Ne blâmez pas ma réserve ! Vous ne savez pas – et ne pouvez savoir- que ma couleur m'interdit jusqu'à l'expression des sentiments les plus normaux. » Il est amoureux d'une Blanche, amour partagé, cependant il part en sachant d'un savoir sûr qu'il ne peut entrer dans la norme, qu'il ne pourra jamais être accepté par la société, que le mariage mixte est juste impensable.

Car, dit-il, « je ne suis qu'un nègre, moi. Et un nègre n'a pas le droit de s'évader de sa race. ».

Comme il est administrateur « aux colonies », il affirme être non seulement rejeté par les blancs, mais aussi par les noirs. Et, dit-il, c'est pire aux colonies.

Bien sûr, un de ses amis lui dit qu'il est « un nègre comme on voudrait qu'il y eut beaucoup de blancs », et même : « vous n'êtes pas un vrai noir, vous. Ni par la peau, ni par l'intelligence, ni par la culture. Somme toute, vous êtes des nôtres ».

Compliment vénéneux qui recouvre un racisme évident.

Et puis la conquête qu'il fait ( qu'il subit) d'une femme qui veut à tout prix qu'il ne soit pas différent, qu'il n'y ait pas de dissension entre les races, lui jette à la figure « sale nègre » quand il ne veut pas s'installer avec elle.

Il oscille, et affirme parfois que « le nègre est un homme pareil aux autres ».

Il aime cette femme restée à Paris qu'il juge inaccessible, mais ne nous faisons pas trop de souci : il s'aère avec une petite négresse comme il dit, et quand il part, il imagine qu'elle se refera avec son successeur.

Frantz Fanon, dans son « Peaux noires, masques blancs », cartonne : « chez le nègre, il y a une exacerbation affective, une rage de se sentir petit, une incapacité à toute communion humaine qui le confinent dans une insularité intolérable »insularité qui le conduit à vouloir être blanc, seule issue possible, avant de pointer l'abandon du petit Veneuse, qui donc reproduit ce qu'il connaît : la solitude, l'impossibilité d'être aimé. « C'est un névrosé qui a besoin d'être délivré de ses fantasmes infantiles. »



A l'opposé , Mohamed Mbougar Sarr , dans sa préface, note que Veneuse n'est pas Maran, et que peut être la fiction inventée par ce dernier couvrait non pas le désir d'être aimé malgré sa couleur de peau, son désir d'être blanc, d'être pareil, comme tout le monde, blanc mais par la volonté de se faire reconnaître comme écrivain, d'être légitimé par l'écriture.

Il me semble ( et j'accepte toute autre analyse, bien entendu) que René Maran a poussé si loin l'impossibilité pour un noir d'aimer une blanche, lorsque l'on sait qu'il a vécu toute sa vie un amour mixte partagé ( comme Fanon, d'ailleurs) , que Sarr nous donne une autre vision beaucoup plus intéressante que celle de Fanon.

Oui, René Maran a voulu pousser à l'extrême les dissensions réelles entre blancs et noirs en faisant parler Veneuse, mais il a surtout, aussi, écrit des pages magnifiques par leur lyrisme.



Lorsque, il y a cent ans, son livre Batouala est consacré par le Goncourt, il souffre que son prix soit catalogué celui du« premier Noir à recevoir le prix Goncourt ». Comme si la couleur de peau comptait plus que l'écriture. Je pense aux aquarelles dont on a dit ( passé révolu, il y a beaucoup d'hommes aquarellistes)

qu'elles étaient « si féminines ».



La peinture n'a rien à voir avec le sexe.

L'écriture n'a rien à voir avec la couleur.

Et dans « un homme pareil aux autres », nous avons la thèse de l'étrangeté, de la différence sans aborder encore l'antithèse de la réciprocité, et non plus la conclusion synthétique de l'amour possible…. Sauf si, il faut lire le livre jusqu'à la fin pour comprendre.

Et surtout, une écriture pas pareille aux autres.

Commenter  J’apprécie          4717
Batouala

Prix Goncourt 1921, précurseur de la littérature de la négritude, censuré et conspué à sa sortie pour sa dénonciation du quotidien du colonialisme.



Étonnant livre, prix Goncourt en 1921, précurseur de la littérature de la négritude, et qui valut à son auteur, administrateur colonial d'origine antillaise, les foudres de la censure, et une carrière brisée.



Cette histoire d'un chef villageois traditionnel de l'Oubangui-Chari (Centrafrique), ébranlé dans ses certitudes, lorsqu'à ses soucis personnels (infidélités supposées ou redoutées de sa première épouse, prestige au sein de la communauté, rivalité avec un chasseur plus jeune et conquérant,...) s'ajoute l'ombre du premier conflit mondial, et de la levée accrue de "tirailleurs sénégalais" (engagés dans toute l'Afrique française), cède certes un peu trop, sans doute, à une tentation de la description exotique...



Il vaut surtout par sa préface, qui explique le dessein descriptif et l'honnêteté de l'auteur, dénonçant en effet les méfaits du colonialisme, d'une manière toutefois suffisamment timide pour que le déchaînement de la censure et du scandale, à l'époque, n'en apparaisse que davantage significatif pour un lecteur contemporain : fallait-il donc que le racisme et l'exploitation soient bien ancrés dans la conscience du colon et de ses soutiens métropolitains pour "punir" ainsi un livre aussi... anodin, en fait (pour notre regard d'aujourd'hui en tout cas).



"Montesquieu a raison, qui écrivait, en une page où, sous la plus froide ironie, vibre une indignation contenue : "Ils sont noirs des pieds jusqu'à la tête, et ils ont le nez si écrasé qu'il est presque impossible de les plaindre."

Après tout, s'ils crèvent de faim par milliers, comme des mouches, c'est que l'on met en valeur leur pays. Ne disparaissent que ceux qui ne s'adaptent pas à la civilisation. (...) Civilisation (...), tu bâtis ton royaume sur des cadavres."

Commenter  J’apprécie          470
Un homme pareil aux autres

La mort dans l’âme, Jean Veneuse quitte la France à bord d’un paquebot, à destination de l’Afrique, où il est affecté par l’administration qui l’emploie. Nous sommes en 1920 . Il a laissé à Paris une femme dont il est amoureux, sans lui avoir déclaré sa flamme. Il faut dire que l’homme se montre réticent à lier connaissance avec son entourage, anticipant d’éventuels réactions racistes : son origine antillaise et les préjugés qui pèsent sur les étrangers l’ont rendu très prudents.



Au cours du voyage, il retrouve un ancien camarade de jeunesse. Ce dernier lui présente une jeune femme qui tentera de le séduire, en vain, son coeur est pris par sa belle .



Une partie du récit est consacré aux escales du voyage, se limitant cependant à quelques anecdotes et une énumération des endroits abordés ou aperçus au loin, et à moins d’avoir connu ces rivages coloniaux, c’est assez peu évocateur.



Les liens avec sa bien aimée sont épistolaires et les lettres échangées, reproduites dans le roman, sont des aveux d’amour partagé, un amour fou, qui évoque une passion adolescente torride et romantique !



On en saura par contre assez peu sur le rôle qui lui est attribué auprès de la population locale, et sur les relations qui se tissent à cette occasion, et c‘est dommage car son statut d’africain d’origine, en référence à ses lointains ancêtres, et son rôle d’administrateur créent une ambiguïté qu’il aurait été interessant d’analyser.



L’écriture est désuète. Qui sait encore aujourd’hui ce que sont des alpargates ? Datées aussi certaines expressions utilisées dans les dialogues et les termes désormais politiquement incorrects de nègre ou négrillon.



L’auteur a surement été un écrivain de talent, on en veut pour preuve les descriptions superbes de coucher de soleil. Il nous confie aussi son mal-être, ses difficultés de vivre sa différence et ses craintes permanentes de ne pas être à sa place.



Malgré tout, je n’ai pas été totalement séduite par le roman, en raison de son ancienneté. Ce roman a en effet été publié pour la première fois de 1947, d’un auteur ayant été lauréat du prix Goncourt en …1921 pour Batouala ! Réédité cette année, il fait donc partie des parutions de la rentrée 2021 !
Lien : https://kittylamouette.blogs..
Commenter  J’apprécie          460
Batouala

"Batouala", de René MARAN est considéré comme le premier roman nègre écrit par un nègre. Point de départ de la "Négritude", mouvement littéraire et artistique qui nourrira l'émergence d'une culture noire et de sa conscience, il a été écrit en 1921. Primé par le Goncourt, son auteur, obligé de démissionner de son poste au Ministère des Colonies, sera vilipendé par tous ceux qui n'étaient pas prêts à imaginer qu'un noir puisse penser et écrire sur sa vie, celle de sa tribu, ses traditions et la sagesse qui était parfois bien plus du côté des "sauvages" que du côté des "Blancs" !



L'histoire est celle de Batouala, patriarche respecté de sa tribu. Pour lui, la vie est simple. Tous les jours, faire de son mieux pour vivre dans le respect des Anciens et des présents. Entre la pipe matinale, la chasse, les honneurs à rendre à son épouse et à ses autres femmes, rivales, Batouala nous conte la vie, son quotidien, les fêtes oniriques de la tribu, les moeurs de passage de l'enfance à l'âge adulte. Il nous conte aussi son interrogation sur ces traditions qui se perdent, les anciens qu'on n'écoute plus de la même façon, leurs expériences et connaissances que les jeunes délaissent et la convoitise de ces derniers. Bref, il nous conte un monde qui change, qui se perd. Il nous entraîne vers sa fin, sa mort.



René MARAN développe une écriture qui est celle des conteurs africains (que l'on connaît maintenant). Mais au-delà de leurs descriptions émerveillées de la nature, de la force et la beauté des êtres, bêtes, hommes et femmes qui y vivent, il nous faut entendre le fond. MARAN nous parle d'un monde en mutation, d'un monde qui disparaît, d'un autre qui doit advenir.



Intéressant de lire ce livre plus de 90 ans après sa première parution et de refléter son histoire dans le miroir de notre temps présent, lui aussi, toujours en mutation.
Commenter  J’apprécie          340
Batouala

Dans ce roman de l’antillais René Maran, prix Goncourt de 1921, nous suivons des évènements autour du chef de tribu Batouala. L’histoire se passe en Afrique équatoriale française, en Oubangui-Chari, aujourd’hui république centrafricaine.

Nous sommes donc dans la brousse, dans la maison du chef, dormant contre l’une de ses 9 femmes, autour d’un foyer éteint. Le roman commence doucement, comme tous les matins au fond de la brousse. Les gens n’ont ici pas à se presser, loin de ce capitalisme européen qui les rend pauvres (très légers contacts avec l’administration dans ce roman). René Maran décrit très bien le réveil des hommes, des femmes et du chien, cet animal sur lequel on tape toute la journée (c’est encore le cas aujourd’hui). On ressent pleinement cette douceur de la nuit, se réveille tranquille, puis le commencement des activités féminines autour des cuisines, ainsi que les longues parties de chasse des hommes. Ici, pas de tabou, le sexe est décrit sans problème et les débordements liés à l’alcool et au sexe lors des cérémonies de circoncision et d’excision non plus. Aucun tabou.

Mais le fait de coucher avec n’importe qui lors de ces cérémonies peut avoir aussi quelques problèmes. C’est ainsi que Batouala va mener la chasse à un jeune guerrier, dont toutes les femmes raffolent, dont l’une des siennes qu’il vient visiter dès qu’il a le dos tourné.

C’est donc un roman qui retransmet bien la réalité de la brousse et de ces petits villages où l’on fuit l’européen et ses mœurs étranges. La terreur et l’incompréhension de celui-ci sont bien retransmis. On suit bien le cours des journées tranquille et des fêtes, alors que ce roman ne fait même pas 200 pages. L’auteur fait donc passer énormément de sentiments en très peu de page, rendant le roman très intense et plaisant. A absolument lire.

Commenter  J’apprécie          300
Un homme pareil aux autres

Voyage au bout de l’amour.



On m’avait bien dit qu’Un homme pareil aux autres de René Maran était un de ces voyages littéraires qui marquent son lecteur. Et on m’avait dit vrai, tellement ce roman de 1947 est fluide et beau, au style à la fois poétique dans ce qu’il décrit et clinique dans ce qu’il dénonce.



Ce voyage, c’est celui de Jean Veneuse, brillant administrateur colonial envoyé de métropole au Tchad pour y faire régner la doxa républicaine et contrôler les populations locales. Mais aussi un « nègre » parmi les siens aux yeux de la société raciste des années 20.



Ce voyage, c’est celui de l’Afrique que Veneuse rejoint et traverse, en paquebot depuis Bordeaux puis en Vapeur via le Sénégal jusqu’à Kokaga puis Moussananga. L’occasion de pages sublimes comme autant de cris d’amour à une terre qui n’est pourtant pas la sienne, lui le natif des Antilles.



Ce voyage, c’est celui du plafond de verre racial que la société impose aux Noirs de l’époque, tout en exonérant Veneuse avec gène (« Je ne parle pas de vous, bien entendu, mon cher Veneuse »). Mais aussi son poids insupportable qui enclenche chez Veneuse une forme de sentiment d’usurpateur.



Ce voyage, c’est surtout celui de l’amour, de Veneuse pour Andrée, l’aimée blanche qu’il préfère fuir par crainte de l’aimer, sans pouvoir jamais la détacher de ses pensées. Omniprésente et culpabilisante jusque dans les bras de son amante de voyage ou dans la solitude de sa case.



Ce voyage c’est enfin celui de l’émotion, celle ressentie par Veneuse devant l’hommage touchant de ces villageois africains qu’il quitte, et celle du lecteur qui ne cesse de monter au fil des pages. Sans oublier celle de la littérature, qui élève et qui sauve.



« Lire a toujours été mon vice. Je puise dans les enseignements qu’il me donne une satisfaction d’autant plus vive qu’elle est secrète (…) Quel malheur qu’on ne puisse aimer les hommes comme on aime les livres (…) Mais lire, hélas ! n’est pas toute la vie… »



Si ça n’est pas déjà fait, embarquez pour ce voyage !

Commenter  J’apprécie          292
Batouala

Magnifique, les débuts de la négritude, la préface vaut elle aussi son pesant d'or....
Commenter  J’apprécie          291
Batouala

René Maran a une magnifique écriture. Les mots sont bien choisis (j'ai appris beaucoup de vocabulaire nouveau), et les digressions poétiques ajoutent du charme à ce roman. Cette histoire se déroule dans un pays d'Afrique colonisé par la France dans les années 20. Le héros est un villageois nommé Batouala. Nous suivons le déroulement d'une partie de sa vie et nous découvrons une culture et un art de vivre enrichissants.
Commenter  J’apprécie          200
Batouala

Phoenix faseyant de mille feux, affaissées pourtant, flétries un temps par une pompe trop fastueuse, mes envies de lecture franchissent de nouveaux fronts et festoient au firmament. Ocytocine ! s’écriaient-elles tandis que je résolus d’entamer le Prix Goncourt 1921, Batouala, de René Maran.

Hier néanmoins, faisant face à l’effervescence scripturale de mes amis Babelio qui fourbissent plus de billets et commentaires que ne peuvent les frelons feulant dans un seul quart d’heure, j’égarais concomitamment à mes lectures une oreille sur France culture tandis que Pierre Bayard, au sommet de sa verve, vantait brillamment l’existence non seulement d’univers parallèles mais encore des œuvres que nos artistes chéris n’ont pas eu le temps d’écrire mais qui n’en existent pas moins (Et si les Beatles n’étaient pas nés, 2022).

On ne peut pas dire que je sois sortie de tout cela indemne. Cette prétention à l’allitération en exergue n’en est qu’un des symptômes les plus légers, et espérons-le, passager.

Là où j’envisageais ce long week-end comme une jolie promenade de santé, à sauts et à gambades forcément primesautières, je me suis en outre peu à peu retrouvée ensevelie sous un tombereau de syntagmes aux usages interlopes qu’il semblait pourtant de la première nécessité de devoir caser.

Caser, voilà qui me ramène non pas à mes moutons, il n’y en a pas en Afrique centrale, il faudrait tout de même me faire l’aumône de votre attention la plus ténue sinon on ne va pas s’en sortir, non pas à mes moutons donc mais aux « m’balas, éléphants aux entrailles toujours pleines de flatulences », béngués, vounbas, antilopes et gogouas qui peuplent Batouala de leurs meuglements, chevrotements et autres ricanements. C’est la brousse qui exsude la vie gouailleuse, la brousse qui fermente brumeuse. Et dans la brousse, Batouala, héros éponyme, homme puissant, respecté, ses huit femmes et son rival, le trop beau, trop désirable Bissibi’ngui.

Comme le rappelle Amin Maalouf dans sa préface, Batouala a fait scandale et l’adoubement que constituait l’octroi du prix Goncourt de 1921 n’a pas suffi à éteindre le feu des critiques quant à son anticolonialisme. Nous sommes dix ans avant la parution de Tintin au Congo, dix ans aussi avant que n’émergent les premières voix d’élites africaines demandant l’autodétermination. Bien avant les écrits de Fanon, la négritude de Césaire et Senghor.

L’an dernier, voyant tout ce que ce centenaire anniversaire pouvait avoir d’intéressant pour éclairer notre 21e siècle, Albin Michel a publié à nouveau Batouala. Et c’est là que se rassemblent les voies éparses de ce week-end épique et que Pierre Bayard trouve son usage. Car lire Batouala en 2022 comme un brulot anticolonialiste, c’est s’exposer à une amère déception. Certes, la préface est peu amène pour les colonisateurs, elle décrit leur alcoolisme, leur incurie, leur cruauté. Certes Batouala ne ménage pas ses insultes contre les blancs et les maudit jusqu’aux derniers moments de son agonie. Mais c’est bien là la moindre des choses trouvera le lecteur de 2022.

Aussi ce n’est pas dans cette attaque contre les colons que réside, à mon sens, le sel de ce roman. Et ce serait faire un bien mauvais Goncourt que de le résumer à une charge « à lire d’urgence en 2021 » comme le fait, racoleur, le bandeau d’Albin Michel.

Ce qui rend agréable la lecture de ce roman n’est pas non plus son rythme endiablé, le flot incessant de ses péripéties. A vrai dire, il se passe assez peu de choses du point de vue des humains et les journées s’écoulent sans justement que les blancs soient complètement parvenus à les remplir d’inutiles et trépidantes actions.

Mais Batouala est plein des rumeurs de la brousse, plein des cosmogonies qui éclairent le monde d’un jour ironique, plein d’une langue riche et flamboyante qui m’a rappelée celle de Michaux. Peut-être n’est-ce pas tant un bon roman qu’un immense poème au charme envoutant.



Commenter  J’apprécie          1813
Batouala

excellent style et histoire de l'Afrique sous la férule des colons. Nous apprenons aussi certaines traditions africaines.
Commenter  J’apprécie          180
Batouala

BOF, BIEN QUE OU PARCE QUE JE CONNAIS LE COIN

J'ai lu le livre il y a au moins cinquante ans. Je l'ai relu recemment. Mon impression, mon appréciation, n'ont pas changé.



Le roman est court, le style, l'histoire, l'élan aussi. Si ce n'était l'origine de l'auteur et le contexte de l'epoque :

* On est dans le developpement economique, sa decouverte/conquete achevee, de l'Afrique.

* On se prepare de chaque cote de la Manche à de gigantesques expos coloniales,

* On s'appropie par cubistes interposés l'art genial africain,

Ce conte n'aurait jamais été primé. D'ailleurs Marans ne fit pas de suite, les concours n'eurent rien d'autre a primer dans le genre pendant longtemps ...



Il n'en reste pas moins que ce bouquin respire la fraicheur malgré le drame de l'histoire et qu'il se parcoure comme une merveilleuse nouvelle.



NOTA

J'evite et ne commente pas les remarques precedentes de ceusses qui n'y sont jamais allé ayant critique (a)visée et definitive sur l'époque.







Commenter  J’apprécie          152
Batouala

Le livre batouala est très expliqué dans l'ensemble, des mots bizarres sont tous traduit. Le début est un peu long mais une fois passer la 60 éme pages on rentre dans la journée du chef Batouala est cela commence à être plus intéressant.

Batouala est tirée d'une vrais histoire d'un nègre, on explique comment faisait t'il pour vivre et il on d'écrit tous les journées passer.
Commenter  J’apprécie          140
Batouala

Bien écrit, travaillé pendant six ans, ce texte, parfois poétique et ode à la nature est, finalement, plus politique que littéraire. Et le prix Goncourt qui lui fut attribué en 1921 l'est tout autant. Charge contre les colonisateurs, il embellit les croyances et traditions des Noirs.
Commenter  J’apprécie          130
Batouala

Premier roman de René Maran qui obtint le prix Goncourt en 1921. Ecrit dans un style naturaliste, l’auteur y expose la vie quotidienne et les mœurs d’une tribu dirigée par un bon chef : Batouala entouré de ses nombreuses femmes.

On suit le quotidien de ce village rythmé par les saisons, la vie familiale, les jalousies, la concupiscence, les rituels tribaux (j’avoue avoir redouté la lecture de la principale fête et avec raison). Je m’attendais à des remarques beaucoup plus virulentes sur les colons, ils sont surtout décrits comme des voisins gênants et râleurs.

C’est un joli conte et la plume de René Maran est très agréable.

Commenter  J’apprécie          120
Batouala

L'émission "Autant en Emporte l'Histoire" du 19 décembre dernier sur René Maran m'a permis de connaître son histoire et donné l'envie de lire son roman, prix Goncourt 1921 : "Batouala, livre pionnier, premier roman d'un auteur noir critiquant la colonisation" (Tirthankar Chanda, RFI, juillet 2020).



Plus que le roman lui-même ce serait le texte de la préface rédigée par l'auteur qui aurait soulevé en France un vent de scandale : "dix sept ans ont passé depuis que j'ai écrit cette préface. Elle m'a valu bien des injures. Je ne les regrette point. Je leur doit d'avoir appris qu'il faut avoir un singulier courage pour dire simplement ce qui est."



L'histoire est celle du grand chef Batouala dont la vie a été bousculée par l'arrivée des hommes blancs de peau "qu'étaient-ils donc venus chercher si loin de chez eux, en pays noir ?



Un jeune homme, Bissibi'ngui, jette le trouble chez les huit femmes de Batouala, et particulièrement chez sa première épouse, Yassigui'ndj.



Lors de la grande fête de Ga'nzas Batouala s'enfièvre contre les "boundjous" " je ne me lasserai jamais de dire contre la méchanceté des boundjours. Jusqu'à mon dernier souffle, je leur reprocherai leur cruauté, leur duplicité, leur rapacité".

Au cours de cette fête sont réalisées la circoncision des jeunes hommes et l'excision des jeunes filles. Passage difficile.

Au cours d'une chasse, Jaloux, Batouala veut tuer le jeune homme qui intéresse Yassigui'ndj....



Roman assez court à l'écriture foisonnante, imagée, sonore, avec des mots à la signification parfois inconnue, des animaux, de la nature, des cours d'eau, de la végétation, et des contes.



René Maran est considéré comme le précurseur du mouvement de la négritude.
Commenter  J’apprécie          114
Batouala

Il s’agit ici d’un recueil de deux nouvelles : la plus longue porte le titre de « Batouala », et la seconde, nettement plus courte, s’intitule « Youmba la mangouste ».



Batouala a remporté le prix Goncourt en 1921, mais en le lisant je ne lui ai rien trouvé de spécial. La faute au temps qui passe et à l’évolution des mentalités (heureusement).



En replaçant ce récit dans le contexte de l’époque, cela prend une toute autre dimension. On se rend alors compte de l’audace de René Maran et du tollé que ce court roman a dû engendrer à sa publication ! Un récit sur les « nègres », écrit par un « nègre » (en reprenant le terme de l’époque). Il fallait le faire, à une époque où les noirs étaient considérés comme des moins que rien, des êtres sans intelligence ni conscience, moins que des animaux.



L’auteur nous transporte en Afrique équatoriale, aux côtés de Batouala, grand chef respecté de la brousse. Il nous conte son quotidien, sa vie de "mâle dominant" entouré de ses nombreuses épouses, de son petit chien roux aux oreilles pointues, de ses traditions, de la succession des saisons, de la chasse et des rivalités et jalousies entre guerriers. La plume de René Maran a quelque chose de poétique. Il nous apporte quantité de descriptions et nous transmet quelques légendes du peuple de la brousse. Des histoires qui se transmettent de génération en génération, depuis la nuit des temps.



L’homme blanc est évidemment présent dans ce récit, puisque la France a colonisé cette partie de l’Afrique. Il n’est pas le centre de cette histoire et n’est pas abordé de front, mais je dirais plutôt qu’il est évoqué, comme une présence dérangeante et malfaisante, en périphérie de la vie des habitants originels de la brousse.



Le « Commandant » est souvent cité. Il est craint et haïs, et on comprend bien tous les bouleversements qu’il apporte, aussi bien sur place en modifiant le style de vie des noirs, mais aussi en charriant avec lui cette menace d’un ailleurs qu’ils ne connaissent pas, cette France lointaine mangeuse de tirailleurs africains, pour une guerre qui ne les concerne pas.



Avant de se plonger dans le récit proprement dit, il est très important de ne pas négliger la lecture de la préface. L’auteur y apporte un éclairage particulier sur la construction de son roman, et on comprend mieux tout le poids de cet écrit. Moi qui m’attendais à quelque chose de beaucoup plus dur, d’une sorte de dénonciation brutale des conditions de vie des noirs, j’ai trouvé au final ce récit très « soft ». Alors lorsqu'on sait la tempête qu’il a soulevée dans les années 20, on prend la mesure du climat de la planète à cette époque !



Je vais écrire quelques lignes à présent sur la deuxième nouvelle.



Au départ, je ne voyais pas bien l’intérêt d’écrire une histoire sur la vie d’une mangouste. Si ce n’est l’occasion de décrire la brousse et ses habitants, la saison des pluies, la saison sèche et les conflits humains qui obligent toute cette faune à rester sur ses gardes.



Et puis en prenant du recul, j’ai compris. René Maran, à l’image de La Fontaine, nous a présenté un genre de fable, en prenant une mangouste pour emblème (pourquoi pas après tout ?), afin de dénoncer les relations entre blancs et noirs. La mangouste représente le noir, et l’humain qu’elle côtoie (un noir qui lui a permis de vivre dans sa case en échange de ses services de chasseuse de nuisibles), représente le blanc.



Je n’en dirai pas plus sur cette interprétation, car je pense qu’il appartient à chacun de comprendre à sa manière.



J’ai lu ce recueil de nouvelles en format numérique. Le tout fait 154 pages et je pense qu’il est intéressant de le lire, ne serait-ce que pour sa valeur historique et la richesse de ses descriptions.



Bonne lecture.
Lien : https://lebouddhadejade.blog..
Commenter  J’apprécie          73
Batouala

Réédité par Albin Michel en 2021 avec une préface d'Amin Maalouf, 100 ans après l'obtention du prix Goncourt par René Maran, auteur antillais, Batouala est une belle surprise. Bataoula est suivi d'une nouvelle "Youma, la mangouste". Roman et nouvelle sont d'une grande modernité, les mots et la langue employés sont ceux du lieu de l'action et de sa population, au coeur du pays n'gapou au sud de Bangui en Centreafrique. Batouala est un chef villageois, dont la femme préférée est attirée par les charmes d'un jeune Bissibi'ngui. Dans ce trio, on se surveille, on se jalouse, on se séduit, on se menace, Les sons, les odeurs de la forêt sont omniprésents dans un quotidien perturbé par la présence de l'homme blanc. Que ce soit l'arrivée de la pluie (p. 86-88), l'évocation des bruits de la nuit (p. 210 Youmba, la mangouste), pour celui ou celle qui a eu la chance de l'expérimenter, René Maran permet de revivre ses sensations avec force.

Commenter  J’apprécie          60




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de René Maran (260)Voir plus

Quiz Voir plus

Thérèse Raquin

Quel est le premier mari de Thérèse ?

Laurent
Camille
Grivet
Michaud

10 questions
168 lecteurs ont répondu
Thème : Thérèse Raquin de Émile ZolaCréer un quiz sur cet auteur

{* *}