René Pomeau

Cest le plus grand spécialiste français De Voltaire qui signe le volume d'"Ecrivains de toujours" qui lui est consacré. J'ai beaucoup pratiqué Voltaire en tant qu'enseignant et j'ai admiré sa verve corrosive , son pouvoir comique (inénarrable Candide) et le courage de ses combats , cependant certains aspects de sa vie et de sa pensée me chiffonnent un peu .L'ouvrage est en 9 chapitres : Etat présent des études voltairiennes (le plus important) /Poésie?/ Imagination/ Histoire/Philosophie de l'histoire/ Discours aux Welches/Propos philosophiques/ Pensées sur l'homme.

Une bio très serrée : sa vie a été bien remplie – et c'est un euphémisme.

Il en ressort une figure hyperactive, mais quelque peu désincarnée. A part son appât du gain et son désir de briller, quels étaient ses ressorts ? D'autre part, je n'adhère pas non plus aux biographies psychologisantes à l'excès.





Les amateurs de son théâtre seront comblés, car le biographe présente en détail la trilogie de Figaro.

René Pomeau est agréable à lire lorsqu'il dégage l'essentiel d'un épisode ou d'une époque (pas lorsqu'il narre les péripéties, mais c'est juste mon ressenti).





Extrait :

« L'enseigne de Figaro, consilio manuque (Etre à la fois la tête et le bras – Sénèque), lui convient. Quand il parle, il enchante ; écoutez-le, il vous fera croire ce que vous ne croyez pas. Incomparable amuseur, il transforme les procès épineux en fêtes joyeuses. Il donne aux affaires un air de divertissement. Sa vie est tissée de ‘folles journées'. Et il n'oublie pas de soutenir ces brillants décors par des qualités solides : décision, fermeté de caractère, continuité dans les desseins, courage. [ ]

Son occupation principale, l'intrigue centrale de ce qu'il appelle ‘le roman de sa vie ‘, ce sont les affaires d'argent.

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Mais la vie n'était pas large dans la boutique du père Caron, et le fils, parti de rien, a tous les défauts du parvenu. Quand il s'agit d'attraper un sac d'écus, il se livre à des manèges peu dignes.

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Et dans toutes ses affaires d'argent se retrouve cet excès d'intrigue qui est son principal défaut. On se perd, lui aussi peut-être, dans ces détours, ces feintes, ces contre-marches. » P 207







Notes de lecture

Grâce à un ami financier, il s'initie dans les affaires et achète une charge de secrétaire du Roi. Il part pour l'Espagne pour négocier un monopole de vente d'esclaves pour l'Amérique, et aussi pour épauler sa soeur Lisette, victime d'un séducteur, Clavijo. Cet épisode inspire au jeune Goethe la pièce de théâtre Clavigo.



Démêlés judiciaires : suite à un procès pour une succession où il se voit lésé, Beaumarchais accuse de corruption le juge Goezman. Il rédige des ‘Mémoires à consulter' (mémoires judiciaires, c'est-à-dire des pamphlets où il dénonce les abus et la vénalité) ….c'est un gros succès critique et populaire, lu même dans d'autres pays européens.



Sous le nom de Ronac, notre homme devient agent secret du Roi et se rend à Londres pour récupérer des documents compromettants. Il y négocie même avec le célèbre Chevalier d'Eon.



« Avec le Barbier de Séville, Beaumarchais ramenait le rire sur la scène française ( …) un rire sympathique pour la jeunesse qui franchit en jouant tous les obstacles. » P116



Pour soutenir la guerre d'indépendance américaine, il achète des bateaux, mais l'affaire fait faillite et il y laisse des plumes. Feuchtwanger a écrit un roman inspiré de cette péripétie : "Franklin, Beaumarchais et la naissance des Etats Unis".



La bataille pour le Mariage de Figaro - des incidents se succédant sur cinq ans empêchent la représentation du Mariage : la censure sévit sur ordre du Roi. Ensuite, après le feu vert, ce texte s'avère trop touffu ; un rapide remaniement, gros succès.



Soixante mille fusils : il s'implique dans l'affaire des fusils de Hollande, fusils qu'il souhaitait fournir au pouvoir révolutionnaire. Pendant la Terreur, il est contraint à l'exil. Rentré en 1796, après l'annulation de son statut d'émigré, il meurt en 1799.

Bref, une vie de roman.