Forêt africaine (1933)
L'air est chaud, odorant comme une pêche mûre,
Le fauve est en attente et l'insecte enivré;
Tout ce qui frissonne, ardent, enamouré,
Dans la grande forêt, mystérieuse, obscure.
Débordante de vie intense est la nature;
Des êtres par milliers sont en chaque fourré,
Qui meurent pendant que d'autres sont engendrés.
La force seule ici régit les créatures.
En gymnastes adroits passent les singes bruns,
Ou serpents et lianes enlacés ne font qu'un,
Sous leurs bonds gracieux souvent la branche ploie.
Ils narguent le boa qui rampe lentement,
Dont l'étreinte hideuse en étouffant vous broie....
Et font en se jouant de l'assouplissement.
Les chalands (1933)
Par les jours gris gais maussades,
Sur la Seine aux flots verts et mous,
Faisant naître écume et remous,
On voit les chalands en balade....
Tous les chalands
Se ressemblant
Vont nonchalants,
Massifs et lents.
Et par la ville,
Troupe docile,
Ils vont en file,
Fluviatile.
Par les jours maussades ou gais,
On voit sur le ruban du fleuve,
En leurs robes vieilles ou neuves,
Les chalands suivre les quais.
Le métro (1933)
Avec un bruit de fer et de sourd roulement,
Sous le sol de Paris se succèdent les rames,
Courant l'une après l'autre ainsi qu'au vent les lames,
Et leur strident signal nasille un grandement.
Du métro le coeur froid est sans emportement!
Il ne voit que des murs tapissés de réclames;
Des couleurs du soleil il ignore la gamme,
et poursuit son labeur quotidiennement.
A t-il regret parfois cependant qu'il sillonne
Son trajet souterrain, limité, monotone,
De ne pas vivre aussi les élans furieux
De la locomotive au souffle gigantesque,
Qui, sous les cieux changeants, par les prés spacieux,
Fait avec sa vapeur dans l'air des arabesques?